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Victor HAUTEVILLE

TROP C’EST TROP

Vendredi 29 Juin 2012

Le énième renvoi, à fin juin 2012, du 19e Congrès du Parti, qui aurait dû se tenir il y a près de 4 ans, en octobre 2008, est l’ultime révélateur des dysfonctionnements de la direction du Parti. Mais ce n’est pas le plus grave.
Le plus grave c’est la répétition quasi ininterrompue de signes du fonctionnement de plus en plus erratique non seulement de nos structures de base, les balisiers, mais des instances dirigeantes du Parti, Secrétariat, Bureau Politique, Comité National. Dans cette contribution à un débat indispensable sur la vie du Parti, je ne veux retenir que trois des éléments qui me paraissent les plus inquiétants dans la situation actuelle :
le premier c’est la fixation du notre 19e Congrès à la fin du mois de juin,
le second c’est le silence de ceux qui sont parfaitement conscients de la dégradation accélérée depuis quelques mois de notre pratique politique courante, très précisément depuis le scandale de la désignation de notre candidat aux élections sénatoriales de septembre 2011,
le troisième c’est l’invraisemblable cafouillage de la désignation de nos candidats ou plutôt des candidats de EPMN (Ensemble Pour une Martinique Nouvelle) que nous sommes appelés à soutenir aux prochaines élections législatives.
Je passe sur la grande misère de notre campagne en faveur de François Hollande aux élections présidentielles. Elle mériterait elle aussi un bilan sans complaisance de notre intervention sur ce scrutin qui demeure pour nous un élément très important dans notre vie politique.


TROP C’EST TROP
La convocation du 19e Congrès au 29 juin : une fumisterie et une insulte aux militants 

Des trois éléments que je tiens pour essentiels dans l’analyse des dysfonctionnements du Parti, le plus important, peut-être politiquement le plus significatif,  c’est la fixation de la date de notre 19e Congrès  au 29 juin : moins de 15 jours après le second tour des législatives.  Cette décision traduit ou bien une singulière ignorance de nos dirigeants de ce qu’est un Congrès dans la vie d’un parti démocratique  ou bien un profond  mépris à l’égard des militants, peut-être  l’une et l’autre.

Comment pourrait-on préparer en moins de deux semaines, entre le 17 juin (second tour des élections législatives) et la fin du mois, un Congrès qu’on n’a pas su préparer en 3 années ? Trois années pourtant marquées par des événements  ayant notoirement  modifié des données essentielles de notre vie publique et dont chacun aurait pu mériter à lui seul la convocation d’un congrès : les législatives de 2007, les municipales et les cantonales de  2008, le décès de Césaire en avril 2008, les congrès de nos deux collectivités en décembre 2008 et juin 2009, la double consultation populaire du 10 et du 24  janvier 2010,  les changements de majorité au CR (mars 2010), au  CG (mars 2011) à l’Association des Maires (octobre 2011).

Si importantes qu’aient été ces modifications,  peut-on penser que celles qui suivront les deux prochaines élections, présidentielles et législatives, le seront moins et que nous pourrions nous passer d’une analyse détaillée de leurs résultats ? Pas seulement de leurs conséquences possibles sur le plan économique et social, si gravement détérioré au cours du quinquennat de Nicolas Sarkozy, mais aussi sur le plan institutionnel avec le remplacement que nous avons souhaité de nos deux collectivités, Conseil Général et Conseil Régional, par une Assemblée unique, dans moins de deux ans et peut-être, sur le plan moral, avec l’obligation de sortir de l’ambiguïté permanente dans laquelle nous semblons nous complaire.

Autant dire que nous sommes loin d’avoir quitté la zone des tempêtes dans laquelle nous nous débattons depuis 3 ans et d’être entrés dans un calme plat qui nous laisserait le temps de voir venir. D’où le caractère exceptionnel que doit revêtir notre 19e Congrès. À la veille d’un changement de statut qui pourrait marquer un moment décisif de l’histoire de notre pays,  ce Congrès pourrait être le plus important depuis le 3e (1967) qui a fixé notre ligne générale, il y a près d’un demi-siècle.

Il est vrai que sur ce dernier point, en cas de victoire de Sarkozy, l’actuel projet d’assemblée unique, tel qu’il est prévu dans la loi de juillet 2011 avec un mode de scrutin douteux, une prime obscène de 20 % pour la liste arrivée en tête, et des règles de fonctionnement qui sont une insulte à la démocratie locale,  n’est pas pour déplaire à ceux qui espèrent en être les principaux et même les seuls bénéficiaires. 
Mais peut-on raisonnablement imaginer un Bureau Politique, convoqué le 20 juin,  aussitôt après les vidés du 18  dans chaque circonscription et le vidé central du 19 dans « la ville capitale » - car, bien entendu, sé pou la viktwa nou ka alé - pour préparer un Comité National qui se réunirait le lendemain 21 juin, pour débattre  d’un projet de résolution à transmettre aux balisiers le 22 ou le 23 juin ?
Chacun comprend que notre 19e Congrès ne peut pas s’ouvrir sur un  projet de résolution bâclé qui aurait été à peine discuté dans nos 38 balisiers (pas par les conférences des présidents de balisiers qui tiennent lieu depuis quelque temps d’instance de consultation des balisiers, mais par les militants), qui aurait été amendé, retourné au CN au plus tard le 28 juin pour un ultime examen et présenté au Congrès le 29 juin.
Ce renvoi du Congrès à fin juin est une fumisterie qui doit être dénoncée comme telle. L’acceptation sans protestation d’une telle procédure traduirait une singulière évolution de l’idée que l’on se fait aujourd’hui non seulement  à la direction du Parti mais à sa base de la nature et de la fonction de l’instance suprême de ce Parti.
 
Pour un projet de résolution à soumettre à l’ensemble des militants.
 
Il est vrai que depuis un certain temps déjà, nos principales instances, Bureau Politique, Comité National, Convention, sont convoquées de façon aléatoire, sans aucune règle, au hasard des trous de l’agenda du président, parfois par SMS. Elles sont devenues des chambres d’enregistrement non des décisions du Comité National, mais de celles du Président du Parti et de son conseil privé ou plutôt d’un cabinet noir que personne ne semble connaître qui n’a de comptes à rendre  personne. On y vient non pour débattre mais pour applaudir des propositions le plus souvent orales.
 Tout se passe depuis quelque temps, probablement en grande partie à cause d’une  ignorance crasse, dont elle n’est pas seule responsable, de l’histoire politique de ce pays et singulièrement de l’histoire du parti de Césaire, comme si la direction imaginait qu’elle peut décider de tout, sur tout,  pas seulement dans la vie du Parti mais dans la gestion des affaires publiques dont le peuple nous a confié la responsabilité.
C’est l’une des raisons pour lesquelles notre 19e Congrès doit être préparé avec un soin très particulier. Ce Congrès est peut-être le plus important que nous ayons jamais eu depuis le 3e (1967). L’une des conditions de son plein succès c’est l’association étroite des militants à sa préparation.
Une enquête sérieuse, qui pourrait commencer dès maintenant, nous renseignerait à la fois sur leurs attentes et sur leurs besoins, parmi lesquels le plus urgent me semble être leur formation,  en premier lieu celle de nos élus et de nos cadres. C’est peut-être ce qui a rendu aussi pénible la transition d’une époque à une autre, du retrait de Camille du Secrétariat général en 1999 à sa mort en 2006 en passant par la retraite progressive de Césaire  à partir de 2001 et l’épreuve de la scission en 2006. Je suis convaincu que l’ignorance de nos dirigeants est la source principale des dysfonctionnements du Parti.
La préparation du 19e Congrès doit commencer par là : créer les conditions d’une mise à niveau de l’ensemble de nos militants en commençant par nos cadres et nos élus. Une mise à niveau sans laquelle nous ne parviendrons pas à analyser sérieusement les changements importants intervenus à la fois dans la vie économique, sociale et politique du pays et dans le fonctionnement de notre parti au cours de la dernière décennie.
II
2 - Le « progressisme du silence »  et le scandale de la désignation de nos candidats aux sénatoriales de septembre 2011.
 
Mais il y a plus grave à mon avis que l’ignorance. C’est le silence de ceux qui savent et qui se taisent moins par  la crainte, qui leur sert d’alibi, de nuire au Parti, que par peur de déplaire.  C’est ce silence qui a été le principal responsable de la dégénérescence des partis communistes. A terme, il condamnerait notre parti au même sort si nous ne savions pas le rompre et, à plus forte raison, si nous nous en faisions les complices.
J’ai relu avec une grande attention ces derniers temps un vieux livre, « le socialisme du silence » de Pierre Daix que j’ai découvert très tard, à la fin des années 1970, et qui m’a fait regretter de n’avoir pas compris assez tôt, dès la démission de Césaire en 1956, à quoi nous condamnait le silence que nous nous imposions sur des crimes ou simplement sur des errements que nous connaissions et  qui nous révoltaient, que nous évoquions à l’occasion entre nous mais jamais en public.
 C’est le silence que nous avons gardé, au lendemain du scandale de la désignation de nos candidats aux sénatoriales de  septembre 2011, qui explique le cafouillage encore plus indécent qui a marqué le choix de nos candidats aux législatives de 2012 et la situation ridicule dans laquelle nous nous trouvons plongés.
Nous nous sommes contentés de prendre acte de l’insolente arrogance  de ceux qui sont venus nous dire : « c’est vrai, la désignation de Larcher n’a pas été tout à fait régulière, la commission des investitures  n’a pas eu à en connaître mais la décision est prise, il faut la respecter et en tout cas l’appliquer ». Ce sont les propres mots du Président, flanqué de son inénarrable secrétaire général, un dirigeant capable de recopier purement et simplement, sans citer sa source,  de larges extraits d’un texte de Chamoiseau[[1]]url:http://www.wmaker.net/lenaif/blogdelepine/admin/zone/content/#_ftn1 dans une déclaration officielle du second responsable du parti d’Aimé Césaire.
À ma grande stupéfaction, il n’avait pas trouvé d’autre justification devant quelques uns d’entre nous (Rodolphe Désiré, Louis Crusol, Jean Crusol et moi-même) venus, fin juillet, lui dire leur incompréhension de la façon cavalière dont avaient été traitées les candidatures de 4 dirigeants du Parti et leur réprobation de la décision prise quinze jours plus tôt de présenter comme candidat PPM aux sénatoriales Serge Larcher qui avait adhéré la veille au Parti.
C’est le silence observé par les présidents de 31 de nos 38 balisiers, ou par leurs plus proches collaborateurs, qui explique le peu de considération qu’ont pour eux ceux qui prétendent parler en leur nom. Ils m’avaient tous assuré que leur balisier n’avait jamais été consulté sur la candidature de Larcher, certains ignorant même que celui-ci  eût adhéré au Parti.  Un membre important de notre Bureau Politique s’est  déplacé pour essayer de me  convaincre pendant près de deux heures que j’avais tort de prendre au sérieux ce qu’avaient pu me dire ces présidents ; que c’était des lâches qui disaient derrière moi le contraire de ce qu’ils m’avaient affirmé, qui se foutaient d’ailleurs de ce que je pouvais écrire sur ce sujet qu’ils mettaient en général à la poubelle sans même se donner la peine de le lire.
C’est le silence observé par les intéressés eux-mêmes qui a plombé leurs candidatures. Sous prétexte qu’étant personnellement en cause, leur défense risquait de paraître intéressée, ils ont refusé de porter le débat non seulement devant les militants mais devant nos grands électeurs et devant l’opinion. C’était le seul moyen de  crever l’abcès, de mettre les responsables devant leurs responsabilités, de les obliger  à jouer cartes sur table, non devant un petit comité d’une vingtaine ou d’une trentaine  de personnes mais devant l’opinion à travers les médias dont la curiosité, il est vrai,  n’est décidément pas la qualité majeure. 
 Pour comprendre le cafouillage d’aujourd’hui sur les législatives,  il faut  que les militants sachent très exactement ce qui s’est passé pour les sénatoriales. C’est le seul moyen de leur faire  mesurer l’incroyable audace d’une direction qui a violé consciemment toutes les règles prévues pour la désignation de nos candidats à des fonctions électives et osé soutenir en public que tout s’était passé le plus régulièrement du monde, sans que personne, même à la Commission dite des investitures, n’ose élever la voix pour protester et dénoncer publiquement cette sinistre comédie.
Nous avions pour ces sénatoriales 4 candidats  bien connus de la direction du Parti, mais sûrement pas de la grande majorité de nos militants et en tout cas pas assez de ceux qui ont pris la décision d’écarter les candidatures de  ces camarades qui étaient certainement parmi les plus dignes de porter les couleurs du PPM et les plus capables de représenter utilement notre pays au Sénat.
-  Rodolphe Désiré, ancien secrétaire général du Parti, l’un de ceux qui ont le plus contribué à faire adopter par notre 3e congrès la ligne nationaliste qui a été,  onze ans après la Lettre à Maurice Thorez, le trait le plus nouveau, le plus original et  le plus révolutionnaire de l’histoire de notre parti, à une époque où il n’y  avait dans le pays, aucune trace d’une organisation nationaliste. Conseiller général depuis 29 ans et maire du Marin depuis 28 ans, Rodolphe Désiré a réussi  une véritable révolution dans la mise en valeur de sa commune en la réorientant résolument vers la mer et en en faisant un des ports de plaisance les plus réputés de la Caraïbe.  Son expérience de sénateur honoraire, qui avait siégé pendant 18 ans (1986-2004)  dans la Haute Assemblée qui est avant tout celle collectivités locales, pouvait en faire le représentant le plus qualifié des nôtres en ce moment particulièrement important pour nous.

 
  •   Louis Crusol, un universitaire apprécié de ses étudiants et de ses collègues, président depuis de nombreuses années d’une des banques les plus populaires de notre pays, Le Crédit Mutuel,  maire de Sainte Luce depuis plus de 20 ans, le plus proche collaborateur de Camille Darsières au Conseil Régional, pendant plus de vingt ans (1983-2004), l’un des politiques martiniquais les mieux préparés à suivre au Sénat les débats sur les questions financières qui revêtiront pour nous une importance exceptionnelle dans les cinq ou dix ans qui viennent.
  • Charles-Henri Michaux, un brillant avocat,  authentique spécialiste du droit, pas un expert bidon comme tel éminent collaborateur, aujourd’hui bien en cour auprès de  notre Comité National, après avoir été hier le conseiller, grassement rémunéré, d’Alfred Marie-Jeanne, porte-parole et porte-plume des Déclarants de Basse-Terre, aujourd’hui président du MAP, après avoir présidé en 2002, (en tant qu’expert ?), le Comité de Soutien de Mme Taubira, candidate radicale à la Présidence de la République qui n’a pas fait suffisamment de voix pour se faire rembourser ses frais de campagne mais trois fois plus qu’il n’en a manqué à Jospin, pour être le premier président de la République socialiste après Mitterrand.
  • Frantz Thodiart, Ingénieur des Travaux Publics, directeur du Port de Fort de France et de l’aéroport du Lamentin, adjoint au maire de Fort de France, depuis une bonne décennie, l’un de nos meilleurs experts en matière de transports aériens et maritimes, d’un intérêt si évident pour nous aider à surmonter les handicaps liés à notre insularité.
  Contre ces 4 candidats à la candidature, tous membres du Parti, depuis 44 ans pour Désiré, depuis 36 ans pour Crusol,  depuis 34 ans pour Michaux, depuis  plus de dix ans pour Thodiard, nous  avons  choisi pour nous représenter à ces élections, un sénateur en fin de mandat qui avait adhéré - s’il avait adhéré - la veille à notre parti ; après deux décennies d’activité politique au cours desquelles il n’avait jamais été visité par l’idée de faire bénéficier le PPM de son prestige et de sa notoriété  quand il avait été  conseiller général et vice-président de cette assemblée, maire et président de l’Association des Maires de la Martinique, président de la Communauté des Communes de l’Espace Sud. Pendant ces deux décennies, il s’était au contraire toujours distingué,  tout comme son nouveau collègue le sénateur - maire du François Maurice Antiste, par une farouche volonté de marquer son indépendance politique,  par son refus  de  se laisser embrigader  dans un parti politique,  par sa peur de compromettre la chasteté idéologique de ses convictions et, en tout cas,  par son souci de garder ses distances avec le parti de Césaire.
En septembre 2011, à la fin de son mandat de sénateur, Serge Larcher qui n’était plus ni maire ni conseiller général depuis trois ans, ne disposait  d’aucune force politique propre. Il en était conscient et n’envisageait pas de se  représenter. Il s’est vanté publiquement de n’avoir pas été demandeur et d’avoir été sollicité.  Il avait cru néanmoins  nécessaire ou on lui avait suggéré de s’inscrire ou de promettre de s’inscrire au PPM pour avoir l’investiture du Comité National et les voix des quelques 300 ou 350 grands électeurs PPM. S’est-il vraiment inscrit  ? À quel balisier ? Selon l’une des candidates aux législatives dont nous avons soutenu la candidature présentée par EPMN, Yvette Galot, « qui n’a pas voulu faire, dit-elle, comme le sénateur Larcher, s’inscrire au PPM, pour présenter sa candidature », le nouveau sénateur PPM qui s’était engagé à créer un balisier au Diamant ne l’avait pas encore fait six mois après son élection, sinon sous la forme d’un balisier fantôme dont des militants progressistes du Diamant ou proches du PPM, généralement bien informés, ignorent l’existence et qui  n’existerait que dans les archives de Trénelle.
Aucun de nos quatre candidats, dont personne ne pouvait contester ni les compétences ni la fidélité au Parti d’Aimé Césaire, n’a donc paru capable au Comité National de mieux représenter le PPM au Sénat que Serge Larcher qui avait adhéré (s’il avait adhéré ) la veille à ce parti. Nous reviendrons plus loin sur les raisons que pouvait avoir le président du Parti d’écarter au moins l’une de ces quatre candidatures, celle de  Rodolphe Désiré, c’est-à-dire d’éviter de voir élire au Sénat, un parlementaire progressiste n’ayant pas les mêmes points de vue que lui sur le mode d’élection de nos représentants à l’Assemblée unique. Ajoutons pour la petite histoire  et pour être complet que notre parti n’aura pas peu contribué à faire de l’ancien protégé du président UMP du Sénat, Gérard Larcher,  qui l’avait fait nommer,  en février 2009, président de la mission parlementaire d’information, le nouveau Président de la délégation à l’Outre-mer (novembre 2011) avec la bénédiction du  nouveau Président Socialiste de la Haute Assemblée, Jean-Pierre Bel .
 
III
3 - La désignation des nos candidats aux législatives
 
  Venant après le scandale de la désignation de nos candidats aux sénatoriales, la décision du CN du PPM, de  loin le parti le plus important de la coalition EPMN, de présenter ou de cautionner des candidats issus de formations à vocation strictement locale, est encore moins acceptable.  Toute la doctrine de ces formations, à leur naissance, tient  dans l’affichage ostentatoire de leur volonté de se consacrer exclusivement à l’amélioration des conditions de vie de leurs concitoyens. Toute leur pratique politique consiste à se démarquer des partis politiques existants, spécialement du PPM, sous prétexte d’éviter tout risque d’inféodation pour ne pas dire de contamination ou d’infection idéologique.
 Notre choix est d’ailleurs tout aussi contestable lorsqu’il se porte dans la circonscription du Centre Atlantique, sur un candidat dont le Parti sérieusement agité par de fortes turbulences internes est hors d’état d’intervenir utilement dans le débat.  Sauf en misant sur l’appui qu’il peut espérer de l’extérieur,  et qui pourrait être précieux pour toute la gauche et pour le pays, en cas de victoire de François Hollande le 6 mai prochain ce que nous souhaitons tous. Mais c’est une autre affaire sur laquelle nous reviendrons.
 
Ce qui nous inquiète aujourd’hui c’est l’accueil réservé aux propositions de nos balisiers et à celles plusieurs de nos municipalités. Je ne prendrai qu’un exemple que je connais bien, celui de la désignation de notre candidat dans la circonscription du Sud.
Nous avions un candidat à la candidature, Jean Crusol. Pour éviter le reproche fait à son frère Louis Crusol, comme à Rodolphe Désiré et à Charles-Henri Michaux de n’avoir pas formellement fait acte de candidature, se contentant d’affirmer qu’ils se tenaient « à la disposition du Parti », dès le 2 janvier, Jean adresse au Président du Parti une lettre dûment motivée pour poser sa candidature à l’investiture du Parti. Une lettre qu’il aurait dû, à mon avis, avoir adressée  non au Président, qui n’a aucune qualité pour en décider, mais au Comité National, seule instance souveraine de notre parti entre deux Congrès.
Cette candidature est appuyée dix jours plus tard, le 12 janvier, par une lettre commune des deux seuls maires PPM de la circonscription du Sud, Rodolphe Désiré et Louis Crusol. Elle est également présentée par trois balisiers, ceux du Marin, de Sainte-Luce et de Sainte Anne.
Jean Crusol est  un universitaire qui enseigne l’économie depuis plus de 30 ans à l’Université des Antilles et de la Guyane.  Bien connu dans toute la Caraïbe où il a étudié et où il a enseigné, il est actuellement l’un des meilleurs spécialistes de ce monde auquel nous voulons de plus en plus en plus appartenir. Il est aussi l’un de nos rares politiques parfaitement trilingue, ce qui n’est pas un avantage négligeable dans une région où les francophones sont dix fois moins nombreux que les hispanophones et les anglophones. Il a publié de nombreux ouvrages qui ont été traduits dans toute  la Caraïbe.
Politiquement Jean Crusol est un militant socialiste de longue date. Ancien secrétaire de la Fédération socialiste de la Martinique, il a été démis de ses fonctions pour avoir pris position contre le referendum bidon de 2003, en même temps que Rodolphe et moi. Il nous a  rejoint depuis et fait partie du groupe PPM au sein de la majorité EPMN qui lui a confié la présidence de l’importante Commission des Affaires économiques la Région.
Ancien conseiller du CES, ancien député européen, il est l’un de nos hommes politiques les plus expérimentés alliant à une bonne connaissance de son pays, une réelle maîtrise des données de son environnement géopolitique, en même temps que des réalités de la France et de l’Europe.
Jean Crusol a été, à ma connaissance, le seul de nos candidats à être présenté par trois balisiers et par deux maires. Mais, sauf par son balisier,  il n’a jamais été entendu par les 5 autres balisiers  dont les présidents ont été convoqués pour entendre les commentaires du Secrétaire général sur la décision du Comité National mais apparemment pas sur les propositions de la Commission des Investitures. Cette Commission avait entendu les  candidats et classé Crusol loin devant les deux autres candidats à la candidature dans cette circonscription, Daniel Robin présenté par le balisier de Rivière-Salée et Guy-Ovide Étienne par celui de Ducos.
 À une écrasante majorité, le CN, dont je ne suis pas sûr que tous les membres aient eu en mains les lettres de Jean Crusol et des deux maires qui le soutenaient, a tranché en faveur de Robin sur la foi des seuls commentaires de ceux qui avaient lu ces courriers. 23 ou 25 voix pour  Robin présenté par un seul balisier, 3 voix pour Crusol présenté par 3 balisiers et par deux maires ! L’étonnant dans cette affaire c’est que le Président de  Commission des Investitures ne pense même pas à protester publiquement et au besoin à démissionner d’une Commission aussi honteusement ridiculisée.
Je passe sur les rumeurs pas toutes infondées, de personnages pas tous irresponsables, qui font état de choix bidon ou de choix d’attente, fait  dans le but de tromper l’adversaire  (lequel ?) et secondairement l’opinion. Le candidat retenu par le CN n’était pas le vrai. C’était un candidat pour rire.  Le moment venu,  le PPM, dans un geste politique mûrement réfléchi et hautement significatif,  sacrifierait le candidat bidon du Parti au profit d’un candidat d’union présenté par EPMN. Ce candidat pouvait être ou le maire de Trois Ilets, Arnaud René Corail, ou Yvette Galot, conseillère régionale dont les amis au Diamant arboraient  les T-Shirts de la victoire depuis plusieurs jours déjà quand notre CN n’avait pas encore fait son choix.
De fait, c’est Yvette Galot qui, contre toute attente, a été choisie par EPMN et acceptée par notre parti. Comble du ridicule, notre CN  ignorait que la candidate de son coeur était inéligible ! Je passe sur la lettre de cette candidate à la commission d’investiture souveraine (sic) qui m’est parvenue très indirectement et qui mériterait d’être lue devant une assemblée de militants pour leur édification.   Aux dernières nouvelles, EPMN et le PPM envisageaient une ultime démarche auprès du maire de Trois-Ilets, Arnaud René Corail dont on dit qu’il ne serait pas  chaud. Resterait donc en lice le seul candidat du Parti, Daniel Robin, élu, comble du ridicule et de l’hypocrisie, à bulletins secrets,  insistent le président et son  Secrétaire Général, celui-ci, avant le vote, ayant fait le tour des votants pour garantir ce secret qui déclenche une franche rigolade partout où on en parle (sauf, paraît-il, de Robin lui-même).
 
 
IV
 
De la rebellion du Balisier de Bellefontaine  à celle de Osons Oser en passant par celle de Bâtir
 
Au total, sauf dans la nouvelle circonscription du Centre où notre Président, oint, comme chacun sait,  du saint chrême, était le candidat naturel qui ne pouvait avoir à vaincre que lui-même, EPMN  ne risquant pas de défier son charisme, aucun candidat du plus important parti de la coalition, ne pouvait apparemment mériter l’honneur reconnu hier à Serge Larcher et à Maurice Antiste pour les sénatoriales, aujourd’hui  à Louison Clémenté, à Louis-Joseph Manscour,  à Arnaud René Corail ou à Yvette Gallot, de représenter dignement la gauche martiniquaise !
 
 Dans la circonscription du Nord, le candidat du Balisier de Bellefontaine, Félix Ismain, n’avait aucun concurrent. C’est à l’unanimité que la Commission des Investitures l’a désigné pour porter les couleurs du Parti à ces législatives, et c’est à l’unanimité que ce  choix a été validé par le Comité National. Ce n’est pourtant pas lui que le Parti appelle à soutenir, mais un candidat présenté par EPMN, le maire de Schoelcher, Louison Clémenté, du Groupe Vivre à Schoelcher. Qui a donné mandat à notre représentant à EPMN de passer outre la décision du CN et d’investir un autre candidat ?
Il nous faudra réfléchir sérieusement au réflexe salutaire du balisier de Bellefontaine qui a  refusé ce diktat et maintenu la candidature  du maire progressiste de  cette commune. Mais plus encore qu’à la rébellion d’Ismain qu’il faut encourager, peut-être faut-il prêter la plus grande attention, quels que doivent être leurs résultats, à la révolte de deux partenaires de EPMN de sensibilités politiques différentes mais qui sont en train de nous donner une belle leçon de réalisme, de lucidité et de courage politiques, Bâtir le Pays Martinique avec Philippe Edmond Mariette au Centre Atlantique et Osons Oser au Nord avec Jenny Dulys Petit.
 
La rébellion salutaire du Centre Atlantique
 
Dans la circonscription du Centre-Atlantique, c’était à la fois plus simple et plus compliqué pour le PPM. Plus simple parce que le Parti devait faire face à une mutinerie qui n’en était pas une, qui en tout cas n’osait pas dire son nom  et  se condamnait donc à l’échec. Il y avait  un candidat progressiste auto-proclamé, Éric Valère, du Balisier du 24 mars 1961, qu’il a présidé jusqu’à tout récemment. Ce n’était pas un militant de l'extrême-base.  Il était membre du Comité National au sein duquel il représentait un Comité territorial du Centre (Lamentin - Gros-Morne - Saint Joseph). Un comité fantôme, il est vrai.  Mais il n’avait  assez confiance ni en lui-même ni en ses camarades pour faire proposer sa candidature par son balisier. Il a préféré passer par un petit groupe de démocrates du Lamentin, probablement ni plus ni moins important que ceux qui sont bien en cour au sein de EPMN, pour informer le Parti de sa candidature. La commission des investitures a estimé qu’elle n’avait même pas à examiner cette candidature  de l’ex-président du Balisier du 24 mars. 
En réalité, les choses étaient plus complexes. La Commission des Investitures, pour une fois si chatouilleuse sur le respect des procédures,  avait plusieurs raisons d’ignorer cette candidature. La première est qu’il ne fallait pas contrarier gratuitement BPM, en soutenant un homme connu pour être un adversaire résolu de Pierre Samot, mais sans soutien réel dans la commune.
La seconde, la vraie,  est qu’il ne fallait pas indisposer le PS.  Le Parti avait promis de soutenir aux législatives le député sortant socialiste,  Louis-Joseph Manscour. Celui-ci qui avait d’abord envisagé  de se présenter aux sénatoriales, y avait renoncé au profit de Larcher et de Maurice Antiste, candidat du MPF, soutenus par EPMN, contre la promesse d’un soutien de cette coalition aux législatives. Je reviendrai un autre jour sur  l’étrange appui de notre direction au candidat du PS. (Demander à nos 3 parlementaires progressistes et apparentés pourquoi ils ont boycotté le discours de Hollande aux Outre-Mers le 10 mars à Paris)
Même quand Bâtir eut fait savoir qu’il avait lui aussi un candidat naturel en la personne de son ancien député, Philippe Edmond Mariette, qui avait été battu par notre président en 2007 mais qui avait battu notre secrétaire général, Yvon Pacquit, quatre ans plus tôt, au lieu de revoir leur position comme cela eut été concevable et parfaitement recevable, EPMN et le PPM ont  maintenu leur décision.
C’était  un défi que le Parti de Pierre Samot ne pouvait pas ne pas relever. Bâtir ne pouvait pas ne pas avoir un candidat dans cette circonscription dont le Lamentin est  à tous égards, et de loin, la ville la plus importante, la plus  peuplée, la plus riche et peut-être la plus convoitée : 3 fois la population de Trinité, près de 4 fois celle du Gros-Morne, 2 fois celle du François, 1 fois et demi celle du Robert. Comment ne pas comprendre que le Lamentin, délivré de la section foyalaise de l’ancienne circonscription du Centre et n’ayant plus à partager  ses voix avec un potentiel candidat foyalais, pouvait légitimement espérer faire sinon le plein du moins le maximum  de voix chez lui et que, dans ces conditions, ne pas avoir de candidat dans cette circonscription c’était faire du Lamentin une ville ouverte à qui voudrait ou pourrait la prendre ?
 
Samot ne s’y est pas trompé. Alfred Marie-Jeanne non plus. En fin stratège, beaucoup moins sur le déclin qu’il ne paraît, le député du Sud en se présentant au centre, vise peut-être moins à conserver son siège au Palais Bourbon auquel il tient cependant probablement plus qu’on ne croit, qu’à assurer sa succession au Sud et à implanter durablement le MIM dans cette circonscription du Centre Atlantique, notamment dans la ville du Lamentin. Cette ville  est sans doute l’un des objectifs majeurs du MIM pour les municipales comme pour l’Assemblée Unique de 2014, si j’en juge par l’effort considérable déployé depuis plusieurs mois par  RLDM (Radio Lévé Douboutte Mat’nique) en direction des Lamentinois.
S’il réussissait à faire d’une pierre quatre coups, 1 /faire élire Nilor au Sud,  2/ garder son siège de député, 3/ prendre en passant la ville du Lamentin aux municipales et 4/ arriver en tête, même d’une courte tête, (si nous n’arrivions pas à faire abroger cette obscénité démocratique de la prime de 20 % aux élections à l’Assemblée Unique), il réaliserait une performance unique dans l’histoire de ce pays, une performance digne de  Hurard,  de Sévére, de Lagrosillière ou… de Césaire, sauf que Césaire, bien entendu, n’a jamais nourri ce genre d’ambition.
 Notre président a eu tort d’ironiser ou de prendre de haut cette tentation de Marie-Jeanne. Il n’y a pas à regretter une éventuelle défaite de Marie-Jeanne dans cette circonscription. Il faut au contraire tout mettre en œuvre pour la lui infliger. La rébellion de BPM est tout a fait légitime et il faut lui souhaiter bonne chance.
 
La rébellion d’Osons Oser
 
Cette rébellion a eu une seconde conséquence apparemment non prévue par EPMN. Elle a provoqué celle d’une autre composante de la majorité régionale, Osons Oser, curieusement réputée de droite et par conséquent jugée infréquentable par l’UGN/SP (Ultra-Gauche National ou Social Populiste) quand il s’allie au PPM,  mais dont on trouvait naturel qu’il collaborât avec le MIM, il y a un peu plus d’une décennie, en apportant son concours à la Déclaration de Basse-Terre  du couple Michaux-Chevry - Marie-Jeanne (1999), au Projet Martinique du premier Congrès (2000-2003) de nos deux collectivités, Conseil Général et Conseil Régional, au referendum de 2003.
Je reviendrai sur cette candidature de Jenny Dulys Petit, plus exactement d’Osons Oser, qu’il ne faut surtout pas prendre à la légère. Surtout si se confirme la rumeur selon laquelle plusieurs balisiers du Nord l’appuieraient malgré la décision du Parti de soutenir la candidature de Louison Clémenté présenté par EPMN, contre le  candidat du Balisier de Bellefontaine Félix Ismain. Et encore plus si se vérifie l’intention qu’on prête à Jenny Dulys de se battre sans complexe, à visage découvert sur le programme de Osons Oser, tel qu’il se trouve exposé dans un ouvrage, déjà vieux d’une bonne quinzaine d’années, du fondateur du groupe, Pierre Petit. À certains égards, cet ouvrage comporte des points de vue parfaitement intégrables dans le programme d’EPMN : la révision de l’article 73 de la Constitution, (mais oui !) pour « un pouvoir local fort » disposant de moyens juridiques et financiers suffisants pour conduire le politique sur laquelle une majorité de gestion se serait dégagée à travers les élections à une assemblée unique de 61 membres élus sur un mode scrutin mixte : 36 élus au titre des cantons cad au scrutin majoritaire uninominal et  25 à la proportionnelle pour l’ensemble du territoire (mais oui !)
Mais ce n’est pas tant pour cette réaction de bon sens et de dignité autant que  de légitime défense qu’il faut féliciter Bâtir et Osons Oser. C’est pour une raison politique majeure infiniment plus importante.
 
V
 
Une règle imprescriptible : au premier tour on choisit, au second tour on élimine.
 
Ce n’était pas à Bâtir ni à Osons Oser mais au PPM d’avoir, en la circonstance, cette réaction de dignité, de lucidité et de courage politique. Dans une coalition, aucun parti ne peut dicter son choix à ses partenaires. Aucun ne peut se soumettre à un diktat de qui que ce soit si ce n’est à la volonté du seul souverain : le peuple.
Depuis trois quarts de siècle,  en Europe mais aussi en Amérique Latine et dans  la Caraïbe, la notion de front populaire ou de front unique, qui s’est imposée aux partis de gauche pour affronter des périls autrement graves, il est vrai, que ceux auxquels nous avons eus à faire face, le fascisme, le nazisme, le franquisme, suppose le respect mutuel de l’identité de chacune des composantes du Front. C’est cette tactique qui nous a permis de faire siéger pour la première fois au Conseil Général, en 1937, un ouvrier communiste Léopold Bissol, au grand étonnement de nos alliés et au grand scandale de nos adversaires. L’unité ce n’est pas la fusion ni la confusion.
En matière électorale,  il existe une règle non écrite mais imprescriptible que tous les partis de gauche ont toujours respectée dans toutes les élections, quelque soit le mode de scrutin, mais particulièrement  en cas de scrutin majoritaire uninominal : au premier tour on choisit au second tour on élimine.
C’est une règle que je me flatte d’avoir contribué à faire respecter dans notre propre parti en 1988, au profit de Claude Lise, ce dont je ne rougis pas. Claude Lise voulait être le suppléant de Guy Lordinot au Nord Atlantique, parce qu’il estimait que l’envoyer sur le Nord Caraïbe, eût été un suicide politique. Il y a probablement encore au parti des camarades qui se rappellent le combat qu’il a fallu mener au Comité National pour faire accepter  par le Parti et par lui-même sa candidature sur le Nord Caraïbe.
De même en 1995, Rodolphe et les camarades, qui étaient contre, s’en souviennent certainement, il a fallu faire accepter sa  candidature au Sénat contre l’avis de plusieurs camarades qui proposaient de soutenir une candidature socialiste, celle Louis-Joseph Manscour, lequel n’a d’ailleurs pas respecté la règle du désistement en faveur du candidat arrivé en tête au premier tour. J’ai écrit à ce sujet un long article paru dans Le Progressiste du 4 octobre 1995 auquel je renvoie les camarades curieux.
Cette règle du désistement réciproque au profit du candidat le mieux placé par les électeurs au premier tour est la seule qui permette de respecter l’originalité de chaque partenaire du groupe, de mesurer à tout moment le poids réel de chacun  et de  maintenir la confiance réciproque et la cohésion de l’ensemble ! 
La principale raison qui amène des  partis différents à se mettre d’accord sur des objectifs communs,  ce n’est pas seulement la nécessité absolue de faire face à un moment  donné à un réel danger qui les menace tous et qu’aucun d’eux ne peut vaincre tout seul,  c’est parfois la  reconnaissance que les partis ne peuvent pas atteindre leurs propres objectifs, en comptant sur leurs seules forces. Ou ils s’en rendent compte plus ou moins rapidement  ou ils prennent conscience, dans le cours même de la lutte, que leurs objectifs sont moins éloignés qu’ils ne l’imaginaient et qu’il y a urgence à trouver un compromis acceptable par tous à un moment précis pour une durée déterminée.
C’est encore plus vrai dans une société coloniale ou post coloniale que dans les pays développés qui ont inventé le Front Populaire. C’est  cette idée fondamentale  de tout projet anticolonialiste cohérent, qui s’est vérifiée durant tout le demi-siècle de la révolution coloniale, que  Césaire a traduite dans la formule « rassembler le plus large contre le plus étroit ». Une formule qui nous semblait parfaitement conciliable aux camarades venus avec moi du GRS,  avec la notion gramscienne de compromis historique que nous évoquions dans notre lettre d’adhésion, il y aura bientôt trente ans. Une notion qu’il n’a pas été facile de faire admettre et qui nous paraissait indispensable pour avancer, avec toutes les forces vives de la nation, dans la voie de la reconnaissance de la personnalité collective du peuple martiniquais et de son droit à l’autodétermination, c’est-à-dire, pour nous, à l’autonomie, clairement définie par Césaire dans un discours célèbre qu’il a lui-même suggéré d’appeler le discours des 3 voies qui n’a pas pris une ride malgré ses 34 ans et que nous ferions bien de relire au moins de temps en temps.
 
Un éloignement progressif de nos fondements idéologiques ?
 
C’est peut-être, mine de rien, parce que, sous prétexte de nous adapter aux changements importants intervenus au cours du second vingtième siècle,  certains d’entre nous sont convaincus que parmi les vieux démons  qu’il nous faut exorciser, il y a ce mot autonomie, comme si l’autonomie était un gros mot qu’il fallait abandonner au profit d’un « processus de responsabilisation » ou compléter à travers une procédure de constitutionnalisation dont le vieux PPM n’aurait jamais eu l’idée avant d’avoir été visité par les prophètes de la nouvelle foi progressiste. D’où une avalanche ou une diarrhée de propositions hautement nouvelles de lutte contre « l’assistanat-dépendance » (une expression soit dit en passant beaucoup plus sarkozienne que césairiste), contre « la mise sous tutelle » et « l’indifférenciation malsaine d’avec la France » que comporterait la notion d’autonomie.
 Césaire ne s’est jamais « laissé impressionner par le petit terrorisme intellectuel de quelques ayatollahs improvisés » pour renoncer à ce « mot glorieux » d’autonomie qu’il a, mieux que n’importe quel autre, toujours associé au mot de responsabilité, y compris au temps si controversé du moratoire, au point de faire de l’heure du vidé de la victoire de juin 1981 « l’heure de la responsabilité » (Discours du moratoire, 25 juin 1981).
 Il n’y a aucune raison de céder à cette énième tentative de dévoiement ou de dévergondage idéologique. Les petites combines politiciennes qui ont marqué la désignation de nos candidats aux élections sénatoriales de septembre 2011 et aux législatives de juin 2012 ne doivent pas nous tromper.  Il est plus que probable que c’est notre éloignement progressif des fondements historiques et idéologiques de la doctrine progressiste  qui a conduit aux errements de ces derniers temps.
 
Nous ne voulons jeter la pierre à personne. Nous sommes conscients de  la lourde responsabilité que nous portons du fait de notre notre refus et en tout cas de nos réticences ou de nos hésitations à construire un courant politique, depuis le départ de Camille du secrétariat général du Parti (1999), après le referendum de 2003 et  après la scission de 2005.
Nous avons laissé se construire  et se consolider non pas un courant politique avec des références idéologiques précises et  des propositions programmatiques claires, mais une écurie ou quelque chose qui y ressemble autour d’un chef réputé charismatique,  entouré de lads et non de guerriers comme ils en ont la prétention.
 Qu’ici et là aient pu intervenir des préoccupations tactiques inavouées comme la préférence accordée à tel candidat plus tôt qu’à tel autre, on pourrait le comprendre. Quand les choix tactiques ne sont plus accidentels mais  systématiques et semblent relever d’une stratégie délibérée, il y a lieu de s’interroger plus sérieusement que nous ne l’avons fait.
Le recours aux pratiques électoralistes marque pratiquement depuis plus d’un siècle chaque consultation électorale dans ce pays. Depuis plus d’un demi-siècle, elles ont fait beaucoup de mal au PPM, quasiment dès les premières semaines qui ont suivi sa création,  aux cantonales d’avril 1958,  aux sénatoriales de septembre 1977 et de septembre 2004  (cette dernière sur laquelle il faudra revenir un jour) , et surtout de septembre 2011,  aux législatives de 1962, de 1997 et de 2002 (où la défaite de Camille nous privait pour la première fois depuis 47 ans d’un député progressiste à l’Assemblée Nationale),  aux régionales  de  1990, 1992,  et 2004 où la représentation PPM d’abord ramenée à 3 devait être réduite à un conseiller à partir de 2006.
 
Ce qui s’est passé au Sud comme au Nord ou au  Centre Atlantique mérite qu’on s’y arrête, ne serait-ce que parce pour la première fois, nous semble-t-il, dans l’histoire du PPM, 90 % des balisiers en dehors de Fort de France, ne se reconnaissent pas dans les décisions du Comité National. Ils l’ont fait savoir à la direction du Parti dont la réponse est encore plus effarante que les décisions que ces balisiers contestent. « Vous n’êtes pas d’accord, leur dit-on.  Soit. C’est votre droit. Mais vous n’avez pas le droit de le faire savoir. » C’est tout juste si l’on ne leur dit pas : « soutenez qui vous voulez, mais sans le faire savoir publiquement. »
Et c’est le secrétaire général en personne qui est chargé de cette triste besogne. Et qui l’accepte.  En sorte que, au total, 6 balisiers sur 7 dans la circonscription du Nord (je n’ai pas pu joindre le balisier de Case-Pilote, mais ce balisier fonctionne-t-il ?), Schoelcher, Bellefontaine, Carbet, Saint-Pierre, Basse-Pointe, Sainte Marie, Saint-Joseph, 3 balisiers sur 6 dans la circonscription du Sud, Sainte-Anne, Sainte-Luce (?), Marin,  2 sur 4 au Centre Atlantique (Octobre 56, Aristide Maugée, le balisier Pierre Aliker (ex Solidarité débaptisé il y a peu) qui avait proposé la candidature de Fondelot et même, semble-t-il, celui du 24 mars dont on n’a accepté la proposition d’en faire le suppléant de Manscour qu’après l’annonce de la candidature de Philippe Edmond Mariette , mais surtout 4 municipalités progressistes sur 5, 2 au Sud (Marin, Sainte Luce),  2 au Nord (Bellefontaine  et Carbet), ont ainsi vu rejeter leur propositions soit par le Comité National, soit par EPMN avec l’accord de notre CN, comme si les propositions de nos balisiers ou de nos municipalités étaient moins respectables  ou moins dignes d’être soutenues que celles des PIL (Parti d’Intérêt Local) de EPMN.
Comment notre Comité National peut-il dès lors justifier ses choix et prétendre les imposer aux militants ? Nous croyons que ni nos balisiers ni nos municipalités ne peuvent accepter de telles décisions et qu’elles ont un devoir moral et surtout politique de se révolter et de les dénoncer publiquement. Elles ne traduisent pas seulement une singulière ignorance des règles de fonctionnement d’une coalition de gauche qui ne peut en aucune manière se substituer à notre Comité National, mais un total mépris des militants de son propre parti.
 
Je sais bien que ces questions de principes  c’est de l’histoire ancienne, voire de la préhistoire. C’était avant les cruelles défaites et les humiliations de 1990, 1992, 1998, 2002, 2004, autrement dit avant l’arrivée de notre président, j’ai failli écrire avant l’arrivée du Christ de Texaco.  Depuis, Il est venu, Il a vu, Il a corrigé et Il a vaincu : Législatives de 2007, municipales et cantonales de 2008, régionales de 2010, cantonales et sénatoriales de septembre 2011. Ne manquerait pour parfaire le tableau que la victoire de nos quatre candidats aux législatives de juin prochain et, bien entendu, la conquête de l’Assemblée unique dans moins de 2 ans, en mars 2014.
Je me suis réjoui comme nous tous de ces victoires. Je crains qu’elles n’aient endormi ceux d’entre nous dont elles n’ont pas tourné la tête. Nous nous préparerions de terribles déboires et un réveil douloureux si nous ne décidions pas très rapidement de mettre un coup d’arrêt salutaire aux dérives dont beaucoup d’entre nous sont conscients mais dont personne ne se décide  à dénoncer la répétition.
Je crains que ce ne soit en définitive le fond du problème : le refus de la diversité des points de vue à l’intérieur du parti, le refus de la reconnaissance de courants, pourtant prévue dans nos statuts, mais dont nous n’avons jamais réussi à concrétiser l’existence et à prévoir la représentation dans les différentes instances du Parti. C’est la seule façon de provoquer dans le parti et d’abord dans ses organisations de base un débat qui en soit un, où toutes les bouches s’ouvrent, avec la volonté non de dicter mais d’écouter, non d’imposer mais d’éclairer,  et le souci d’utiliser un langage simple accessible à tous.
 Il est vrai que cela représente un travail énorme et sans doute passablement ingrat dans un premier temps. Nous sommes prêts à nous y engager  s’il se trouve dans ce parti des camarades, si peu nombreux qu’ils soient au départ, à refuser de se  plier aux injonctions ou plutôt aux manipulations lamentables auxquelles se livre depuis quelque temps la direction de notre parti.
 
[[1]]url:http://www.wmaker.net/lenaif/blogdelepine/admin/zone/content/#_ftnref1 Je joins en annexe un extrait de la lettre adressée à ce sujet   à notre président le 16 octobre 2010. Dans une note (que je joins également en annexe)  envoyée un an auparavant, en septembre 2009, à Jeff Lafontaine, son dircab à la  mairie, j’avais pourtant mis Serge en garde contre une utilisation inappropriée de ce texte paru sur son blog et dans notre propre journal. Je regrette de n’avoir pas diffusé cet extrait, sinon la lettre elle-même, au moins au niveau du CN et même des élus régionaux puisque cette déclaration était faite en leur nom.

Victor HAUTEVILLE

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