Je voulais d’abord faire parvenir cette note aux camarades du Marin à un moment où il me paraissait encore possible de faire revenir Rodolphe sur sa décision. Quand j’ai compris que cela n’était plus possible, j’ai d’abord renoncé à t’envoyer ce mot. Puis je me suis dit qu’il fallait quand même sinon relancer le débat du moins créer les conditions pour qu’il se déroule dans des conditions satisfaisantes, cartes sur tables, toutes les cartes.
J’en ai discuté avec Rodolphe. Je ne suis toujours pas d’accord avec lui sur une ou deux choses, sans doute mineures par rapport à l’essentiel, mais suffisamment importantes à mes yeux pour que je maintienne mon point de vue. Même si, sur certaines formulations, j’ai dû admettre qu’il avait raison et qu’il fallait éviter de heurter inutilement des camarades qui peuvent ne pas être d’accord avec nous sans être moins progressistes que nous.
Il ne s’agit pas de rompre mais de nouer ou de renouer les liens fraternels qui unissent les militants du PPM et qui, à mon avis, sont en train de se distendre. Je plains les camarades qui ne s’en aperçoivent pas. Malgré le ton souvent polémique de cette note, il ne s’agit cependant pas de dénoncer ceux que nous croyons dans l’erreur mais de les éclairer. Je souhaite que les positions des uns et des autres soient claires, pour un débat qui n’est pas seulement nécessaire mais indispensable et, à mon avis, possible. J’expose mon point de vue avec une franchise qui peut heurter. J’en suis conscient. Je suis persuadé que c’est le seul moyen de parvenir à un accord durable entre des camarades également attachés à l’idée de renforcer leur parti pour rassembler le pays et y changer ce qui doit l’être.
Jeudi 22/09/2011 - 2 h du mat
Je reviens sur la note, que je ne retrouve pas, que je t’ai adressée il y a un peu plus d’une semaine. Plutôt sèche. Sous le coup de la déception, de l’irritation et de la colère pour ne pas employer un mot plus fort. La colère n’a jamais produit une analyse politique correcte. Je suis la première victime d’une irascibilité de plus en plus à fleur de peau sur un sujet qui me paraît important pour le pays et pour le Parti. Pour le parti surtout. Le pays finira toujours par s’en tirer. Plus ou moins difficilement, à plus ou moins long terme, mais il s’en tirera. Le Parti, non, s’il ne change pas radicalement son mode de fonctionnement.
Je crois très sincèrement que le retour de Rodolphe au Sénat nous aurait aidé à résister. Au moins pendant quelque temps. Et à nous refaire une santé. C’est peut-être pourquoi ce qu’il faut bien appeler sa résignation me déçoit et m’apparaît comme une catastrophe. Je suis convaincu que si le balisier avait manifesté une plus grande détermination, il l’aurait décidé à maintenir sa candidature. Et même si nous avions dû perdre cette bataille des sénatoriales, les débats autour de sa décision auraient permis d’éclairer non seulement les grands électeurs sénatoriaux mais les militants du Parti. Ceci n’étant pas moins important que cela, le Marin nous aurait aidé à affronter dans de meilleures conditions les heures sombres qui attendent le parti de Césaire. Contrairement aux apparences, ce parti est en train de sombrer l’âme avant le corps.
L’aveu ?
Je comprends que Rodolphe, lui-même candidat, ne puisse pas faire à la direction du Parti la réponse que mérite sa désinvolture. Devant les militants, même si elle n’en croit pas un mot, cette direction ne manquerait pas de présenter sa réponse comme un plaidoyer pro domo. Quoique je connaisse moins bien les autres camarades, je suppose qu’ils sont dans le même état d’esprit.
On a fini par les convaincre que se défendre c’est attaquer le Parti. Leur silence est le pain dont se nourrit l’imposture. En d’autres temps, j’ai souvent évoqué avec Rodolphe un sujet qui nous a marqué tous les deux mais que de jeunes militants ne peuvent pas avoir en tête : le silence des condamnés des grands procès de Moscou, de Prague ou de Varsovie. La peur de nuire au Parti les condamnait au silence ou à l’aveu. L’aveu c’est le titre d’un grand roman et d’un grand film. Apparemment cela n’a pas grand chose à voir avec notre sujet. Mais si Rodolphe n’est pas Arthur London, je crains qu’il ne soit habité, malgré lui sans doute, par le même état d’esprit. C’est le silence des victimes qui conduit aux échecs tragiques de ce qu’elles croient protéger : une certaine idée du Parti, de son honneur et de sa dignité. Je vais lui suggérer de passer ce film de Costa Gavras dans la grande salle de la mairie du Marin, pour les militants et les sympathisans.
Le Parti joue du silence de ses victimes avec un talent que je ne soupçonnais pas chez nos jeunes camarades. « Tu vois bien, disent-ils aux moins convaincus, nos soi-disant candidats n’étaient pas candidats en fait. Ils n’ont jamais fait acte de candidature, sauf Thodiard. Ils se disaient à la disposition du parti. Mais le Parti n’avait pas besoin d’eux. Nous avions Larcher qui, bien entendu, avait fait acte de candidature par sa seule adhésion au Parti à la veille du Comité National (même s’il prétend partout, qu’il n’était pas demandeur et qu’on est venu le chercher ? qui çà on ?).
« De toutes façons nos pseudo-candidats ont été régulièrement battus au Comité National, à l’unanimité des présents (15 sur les 36 membres du CN). Ils ont d’ailleurs compris, eux, que, même si les choses ne se sont pas passées comme ils le souhaitaient, comme elles auraient dû se passer, l’intérêt du Parti est de gagner ces élections.
« Leur silence, c’est l’aveu qu’ils reconnaissent eux-mêmes qu’aucun d’eux n’était le meilleur candidat possible pour le Parti et que, dans la situation actuelle, Larcher était notre seule chance. Édouard, lui, ne comprend pas ça. Ça fait longtemps d’ailleurs qu’il ne comprend plus rien, la 3e voie, le MAP présidé par un camarade hyper compétent (qu’il a dénoncé comme un bissettiste notoire et comme ex porte-plume et porte-parole du Projet Martinique de Lise - Marie-Jeanne), la proportionnelle territorialisée, la prime majoritaire.
« C’est pas un mauvais bougre, Édouard, mais il vieillit mal (il aura, quand même, 80 ans dans moins de quatre mois). Il est fatigué ! Peut-être pas tout à fait débile mais un peu sénile tout de même (selon une de ses amies, pas n’importe qui, pas une analphabète, comme il aime qualifier les gens ; elle est agrégée de l’université, ce qui selon lui ne constitue pas une assurance contre l’analphabétisme politique !) Il ne comprend pas que gagner ces élections c’est battre Lise et, au lieu de nous y aider, il fout la merde ou essaie de foutre la merde.
« Mais c’est pas bien grave. Il est tout seul, complètement isolé. Il est comme Loulou dans son propre balisier. Si tu as vraiment besoin d’être rassuré, vois ce que dit le président devant les grands électeurs foyalais, le 10 septembre dernier au Stade Pierre Aliker : « Tous nos balisiers ont été consultés. Tous nos balisiers, TOUS ont reçu dans les temps la mission de choisir un candidat : ils ont fait leurs propositions : le 7 juillet, le Comité National entérinait le choix du Parti. », Le Progressiste du 14 septembre) Qui peut prendre Serge pour un menteur ? »
« Pourtant 32 présidents de balisiers sur 39 confirment que leur balisier n’a pas été consulté ? Non ?
- « C’est des faux culs ces faux présidents. Nés sans couille ou dé-couillus quand ils sont nés avec. Ils ferment leur gueule dès qu’on fronce les sourcils pour leur ouvrir les yeux. Camarades, on commence par voter Larcher le dimanche 25. Après on verra. On fera une réunion. On écoutera poliment ce que les mécontents auront à dire (il y en aura d’ailleurs beaucoup moins quand on aura élu Serge comme nous y invite Serge.) »
Ce discours n’est pas imaginaire (malgré toutes les valeurs que charrie ce mot devenu depuis quelque temps le mot de passe, le mot fétiche, le nouveau sésame du Parti de Césaire !). Je lai entendu.
Sortir les sortants, oui ! mais encore ?
Il est bien que le balisier du Marin, seul jusqu’à maintenant, soit resté sourd à ce discours. Il est bon qu’il ait relevé le défi et appelé à sortir les sortants, Lise et Larcher. Mais comment peut-il accepter d’être ainsi bafoué sans dénoncer la légèreté avec laquelle ont été traitées pas seulement sa proposition à lui mais les candidatures de Louis Crusol, de Charles Henri Michaux et de Frantz Thodiard ?
Comment refuser d’aborder, sur le fond, la question du sabotage, conscient ou inconscient, de la préparation de ces élections sénatoriales, tout en prétendant qu’elles avaient « une importance fondamentale » ? Le Balisier ignore-t-il que sa lettre au CN, pas plus que la mienne en faveur de son candidat, n’a jamais été communiquée aux balisiers qui sont sensés avoir discuté des candidatures c’est-à-dire avoir été mis à même de comparer les candidatures en présence ?
Comment le balisier entend-il expliquer, pas seulement aux grands électeurs mais à la population du Marin et aux militants progressistes en général que le Comité National ait pu préférer Larcher à Désiré pour représenter les élus locaux de la Martinique et être au Sénat le porte-parole du parti à « la grande fleur énigmatique du balisier au triple cœur pantelant au bout d’une lance », qu’il aura mis 22 ans à découvrir et deux jours à décrypter ?
Le simple rappel de la violation de nos principes dans la désignation de nos candidats ne peut pas suffire. Serge et Didier savent autant que le balisier que nos principes ont été non pas ignorés mais bafoués, foulés au pied. Ils l’ont admis lors de la réunion que nous avons eue avec eux le 27 juillet. Ils n’en continuent pas moins de soutenir le contraire en public, même s’il leur arrive en privé, parfois même en public, me dit-on, d’admettre que les choses ne se sont pas passées comme le prévoient nos statuts.
La direction du Parti ne pouvait-elle pas inviter les présidents de balisiers pour les entendre 15 jours avant le Comité National, qui a tranché, au lieu de le faire 20 jours après pour les informer de sa décision. Ne pouvait-elle pas vraiment convoquer ces camarades pour un échange avec les 4 candidats, leur poser des questions, enregistrer leurs réponses pour l’ensemble des militants. Les balisiers auraient pu alors donner un avis dument motivé au CN qui aurait transmis ces avis à la Commission d’investiture chargée de les étudier. La Commission d’investiture aurait fait connaître son ou ses points de vue au CN qui aurait tranché.
Les dirigeants du Parti savent tout cela. Ce n’est pas eux que le balisier doit convaincre, c’est les militants. Il faut leur dire très exactement ce qui s’est passé. En réalité la décision était prise bien avant le 7 juillet, probablement sans Didier qui n’a qu’une très vague idée, si même il en a une, du fonctionnement démocratique d’un parti politique.
Mais je veux m’en tenir aujourd’hui à ces élections telles qu’elles se présentent à quelques jours du scrutin. Je ne comprends pas que le balisier du Marin puisse à la fois dénoncer la principale raison de notre opposition à la candidature de Larcher, en plus de sa désignation au mépris des principes démocratiques dont nous nous réclamons : sa complicité avec Lise, le fossoyeur en second des cantons, et appeler à voter pour Antiste qui a fait la même chose en acceptant « la proportionnelle territorialisée », cette ânerie monumentale sortie d’une commission mixte, sans aucune légitimité ni politique ni historique, que le Parlement français à feint de prendre pour l’expression d’un consensus entre les partis politiques martiniquais.
Qu’est ce que cela veut dire « la proportionnelle territorialisée » ? Pas seulement la mort sans phrase du canton mais celle de nos communes, historiquement la plus ancienne et la plus stable de nos institutions, politiquement la meilleure garantie d’un rapport privilégié entre les électeurs et leurs élus, ceux-ci connaissant parfaitement ceux-là et inversement. Nous voici directement livrés pieds et poings liés à une majorité renforcée par cette disposition antidémocratique des 20% accordés à la liste arrivée en tête, même si elle arrive en tête avec 1% d’avance sur son opposition, ce qui ne serait pas moins détestable si nous arrivions en tête que si c’était nos adversaires qui nous devançaient.
Parité et territorialité
Nous n’avions guère qu’une solution pour échapper à cette alternative anti-démocratique. C’était de prendre à leur propre piège les inventeurs de la proportionnelle territorialisée. Ils invoquent la parité pour justifier leur capitulation devant les exigences de Marie-Jeanne - Lise. La parité serait la suprême et incontournable justification de la proportionnelle. Moyennant quoi, ils désignent deux hommes pour porter les couleurs ou les « valeurs » (encore un nouveau mot fétiche) de la parité.
Plus ridicule ou plus triste. La territorialisation serait un moyen de compenser les inconvénients de la proportionnelle. Elle permettrait de prendre en compte les besoins de la représentation du territoire. Mais ils choisissent pour représenter le territoire deux hommes du Sud, comme si Antiste et Larcher devaient représenter l’ensemble du territoire du seul fait de leur investiture par le CN du PPM. Il n’y avait donc aucune femme au PPM ni à Ensemble pour une Martinique Nouvelle pour représenter dignement une partie au moins du territoire ?
Je suis, sur ce point, en désaccord avec Rodolphe. Il estime qu’il faut éviter tout ce qui peut prêter à une mauvaise interprétation et la distinction Nord Sud pourrait, selon lui, prêter à confusion. Je ne le crois pas.
Notre objectif n’est pas seulement de « sortir les sortants » du Sénat. Il est d’empêcher d’y entrer leurs complices, c’est-à-dire tous ceux qui ont voté la mort des cantons. Je n’aurais voté Antiste ou pour n’importe quel candidat d’ailleurs qu’à la condition expresse qu’il eût pris, dans sa profession de foi, c’est-à-dire par écrit, l’engagement formel de se battre au Sénat pour obtenir la révision de cette loi inique.
La question de la représentation territoriale ne se pose pas seulement au niveau des cantons. Le canton c’est la circonscription de base, celle où se lit/lie le mieux la relation privilégiée entre l’électeur et l’élu. Pour des raisons inavouables mais parfaitement compréhensibles, la majorité de droite du Parlement vient d’en faire la seule circonscription pour la désignation des conseillers régionaux et des conseillers régionaux en France où subsistent les deux assemblées.
Dans le même temps elle nous exclut du droit commun, les Guyanais et nous, pour ridiculiser eux qui avaient souhaité le 74 avant de se convertir au 73. Comble de la dérision, Sarkozy nous impose de répondre à une question que les soixantequatorzistes eux-mêmes n’avaient pas posée et qu’il ne lui est jamais venu à l’esprit de poser à aucun département français. De sa seule autorité, il nous somme de choisir le 73 pour nous punir d’avoir refusé le 74… et nous exclut du droit commun pour nous punir d’avoir opté pour le 73
Le découpage en circonscriptions pour des listes élues à la proportionnelle à l’Assemblée Unique est encore plus lamentable. Les élections législatives dans 2, 3 ou 4 circonscriptions, sont des élections uninominales. Ce choix procède d’une volonté de favoriser la représentation des courants et des partis sans perdre le contact avec le terrain mais en élargissant la base territoriale de l’élu.
À la différence de nos champions de la fausse territorialité, nos grands ancêtres, eux, avaient un réel souci de l’équilibre territorial Nord-Sud ou Est-Ouest, dès l’époque de la conquête de la République par les Républicains. En 1881, Hurard élu député de la circonscription du Nord démissionne pour laisser cette circonscription à Deproge et se faire élire dans la circonscription du Sud afin de bien marquer l’unité du Parti Républicain sur l’ensemble du pays. En 1910, Sévère qui pouvait se faire élire au Nord ou au sud, laisse la circonscription du Nord à Lagrosillière et se fait élire au Sud.
Le découpage en 4, ou en 9 circonscriptions pour la proportionnelle territorialisée sert à masquer la volonté des chefs de parti de désigner ou de n’accepter comme candidats sur leur liste que ceux qui auront choisi d’avance d’être les hommes de main de celui qui les aura fait élire. Autrement dit, cette méthode aboutit à une recentralisation de fait au profit des partis de ce qui semble avoir été conçu comme un compromis entre les intégristes de la proportionnelle et les faux partisans du scrutin uninominal majoritaire par canton. Ces derniers se sont laissés violer sans aucune résistance.
Personne n’étant maître de ses associations d’idées, cela me fait penser à Nafissatou. Nous n’avons pas hésité à avoir une relation inappropriée avec les ex-soixanteqatorzistes repentis. Nous nous sommes laissés faire, à l’insu de notre plein gré, dans l’espoir d’une compensation politique : un consensus sur la prime majoritaire de 2O% contre l’abandon du scrutin mixte, en espérant que Marie-jeanne qui a bénéficié d’une prime de 25 % à la région, sans trop protester, marcherait. Il n’a pas marché et pour une fois il a eu raison.
Pour une représentation équitable du Nord et du Sud aux sénatoriales
Les sénatoriales pouvaient peut-être nous aider à compenser ce viol de la démocratie locale. Nous pouvions invoquer la nécessité d’une « parité territorialisée » pour présenter un homme au Sud et une femme au Nord ou faire l’inverse. Il y a dans la coalition « pour une Martinique Nouvelle » la seule femme maire de notre pays, madame Jenny Dulys Petit. Elle y représente une formation Osons Oser, réputée de droite mais qui est la seule à avoir accepté l’alliance avec nous en 2010. Elle a largement contribué à notre victoire aux régionales. Elle ne nous apportait pas seulement les voix du Morne Rouge. Elle nous assurait au nord comme au sud, je l’ai en tout cas vérifié au Robert, une grande partie des suffrages traditionnellement acquis à la droite.
Elle pouvait surtout nous apporter l’engagement de lutter pour la révision de cette loi inique votée par Serge Larcher au Sénat et par notre président, hélas ! à l’Assemblée Nationale sur le mode de désignation des futurs conseillers de l’Assemblée Unique. C’est d’ailleurs probablement la principale raison mais pas la seule du choix de Larcher et du rejet de la candidature de Rodolphe.
Jenny Dulys Petit était, me semble-t-il, la seule à pouvoir prendre l’engagement de lutter au Sénat pour la révision de la loi de la honte sur le mode d’élection de l’Assemblée unique. Contrairement à ceux qui viennent devant les conseils municipaux, en tout premier lieu l’ancien président du Conseil Général et sénateur Claude Lise, doublement élu des élus locaux et son colistier, Raymond Occolier, lui aussi élu des élus locaux en tant que président de l’Association des Maires, verser des larmes de crocodile sur l’enterrement des cantons après avoir tous, tête basse et le rouge au front, porté un coin de toile du cercueil du canton.
Osons oser est en effet la seule organisation de droite à avoir revendiqué une révision de l’article 73 de la constitution, « pour aller plus loin » que ce qui est aujourd’hui juridiquement permis. Aller plus loin, non vers une improbable troisième voie, qui ne serait pas l’autonomie, mais dans une direction qui faciliterait le premier pas de la droite martiniquaise vers la reconnaissance de la personnalité collective du peuple martiniquais, condition sine qua non de tout progrès décisif dans l’ordre institutionnel.
Je signale en outre que Pierre Petit est le premier à avoir fait la proposition qui se rapproche le plus de ce qui peut paraître souhaitable du point de vue de la démocratie locale. Il a envisagé dès 1995 une assemblée élue avec un mode de scrutin mixte qui comprendrait soixante et un membre dont 36 au titre des cantons et 25 pour l’ensemble du pays. On ne se rappelle apparemment plus chez nous que c’est à partir de ces positions de Pierre Petit que j’ai proposé, en novembre 2009, cette alliance avec Osons Oser qui paraissait alors une dangereuse déviation de droite, parce qu’elle constituait, il est vrai, une innovation dans notre pratique politique.
Je suis convaincu que cette démarche a fait au moins autant pour notre victoire aux régionales de mars 2010 comme aux cantonales de 2011, que n’importe laquelle des alliances que nous avons conclues avec d’autres formations réputées de gauche. À la différence d’Osons Oser dont le rayonnement sur la droite martiniquaise dépasse largement les frontières du Morne Rouge, l’audience de nos alliés de gauche dépasse rarement les frontières de leur commune d’origine, leur principale caractéristique étant d’être apparues sur la scène politique avec pour seul et unique objectif proclamé la défense des intérêts locaux, même si les succès locaux ont souvent pour premier effet de susciter des vocations voire des ambition nationales.
Les sénatoriales nous offraient une occasion de tester la justesse de l’aspect le plus original de notre ligne de 2010, cette unité ponctuelle avec une droite progressiste. Le MIM l’avait sinon réussi du moins amorcé à la Région en 1998, mais sur un programme concrétisé dans la Déclaration de Basse-Terre (décembre 1999) et tellement ambigu qu’il n’a pas pu résister au premier accroc, le referendum bidon de décembre 2003.
Nous pouvions, en respectant la charte sur laquelle ont été élus nos conseillers régionaux en mars 2010, faire de la suppléante du député UMP du Nord, Alfred Almont, la seule femme maire de notre pays, la première sénatrice à part entière du front de la gauche sans complexe que constitue Ensemble pour une Martinique Nouvelle dont l’ambition légitime est de rassembler le plus large contre le plus étroit.
Je voudrais terminer par un appel aux camarades du Marin. J’ai la faiblesse de croire que le Marin tenait en la personne de Rodolphe Désiré l’homme le plus capable de réaliser, à l’occasion de ces élections sénatoriales, une percée significative de la nouvelle donne dont ce pays a besoin pour affronter les difficultés inévitables de la période qui vient. Personne ne peut raisonnablement croire que notre situation sur le plan économique comme sur le plan social pourrait s’améliorer de façon significative au cours des six prochaines années, sans une recomposition du paysage politique martiniquais qui prendra plus ou moins de temps mais qui apparaîtra de plus en plus indispensable au fur et mesure que s’accumuleront les difficultés auxquelles nous devrons faire face.
Il y a une bonne quinzaine d’années, nous avons été à l’origine d’une initiative ce sens, Rodolphe, Camille Darsières et moi d’un côté, Pierre Petit, Yann Monplaisir et Lessausse de l’autre. Nous nous sommes rencontrés en 1996 ou 1997 chez Yann au Lamentin. Nous nous donnions un délai de trois ou quatre ans, la fin du siècle, pour y parvenir. Il était probablement trop tôt pour une telle démarche. Le projet a avorté.
Mais il faut commencer par nous convaincre nous-mêmes de la nécessité de cet élargissement sur notre gauche et sur notre droite. Nous sommes tout à fait conscient que le choix d’un candidat aux sénatoriales, qui sont une consultation très particulière, ne pouvait pas être l’affaire du seul PPM mais celle de l’alliance dans laquelle nous nous trouvons au Conseil Régional et au Conseil Général.
En réalité, le renforcement de l’Alliance n’est possible que par le renforcement mutuel simultané de chacune de ses composantes, y compris par conséquent du PPM, c’est-à-dire, en ce qui nous concerne du moins, par la mobilisation de nos militants non sur des petites combines électoralistes montées entre cinq ou six chefs de partis d’intérêt local, mais par une association de plus en plus étroite de nos balisiers à l‘élaboration comme à la mise en place d’une stratégie transparente lisible par tous.
Je suis profondément convaincu que si le Parti avait décidé d’organiser non point des primaires mais une large information des balisiers, Rodolphe l’eut emporté et que sa présence au Sénat aurait été un atout considérable à la fois pour une réorientation de notre politique et pour un élargissement de l’audience de l’alliance actuelle pour une Martinique Nouvelle.
Le Parti Socialiste est en train de donner en France un extraordinaire exemple de ce qu’est l’exemple d’un fonctionnement démocratique dans un grand parti, avec l’organisation de primaires pour la désignation de son candidat aux présidentielles. Les débats n’ont pas lieu seulement dans les instances du Parti mais au vu et au su du peuple tout entier, dans une presse (écrite, parlée et télévisée) qui, il est vrai, n’a rien à voir avec la nôtre, et qui est en train de nous donner une leçon de démocratie dans la conception de l’information.
Nous n’avions évidemment pas les moyens d’en faire autant. Mais était-il vraiment impossible d’organiser une, deux ou trois réunions de présidents de balisiers, non une vingtaine de jours après la décision du Comité National mais une vingtaine de jours avant, pas par SMS ni pour les informer mais pour les entendre ?
Nous ne l’avons pas fait parce que nous n’avions pas suffisamment confiance dans nos militants. C’est cela d’abord qui doit être corrigé. Avec Rodolphe, le balisier du Marin et le PPM disposent d’un atout majeur pour ce travail. Je regrette que nous n’y ayons pas suffisamment cru. D’abord pour décider Rodolphe à se manifester plus tôt et avec plus de vigueur, ensuite pour faire respecter par notre parti les règles qu’il a lui-même fixées pour la désignation de ses candidats à des fonctions électives.
Nos succès électoraux de ces quatre dernières années (Législatives 2007, Municipales 2008, Régionales 2010, Cantonales 2011) ne nous autorisent pas à faire n’importe quoi. La Lettre à Maurice Thorez l’a assez fortement souligné pour que nous ne l’oublions pas. C’est au moment où la Fédération communiste de la Martinique obtenait l’un de ses plus brillants succès aux législatives (Césaire a été le député communiste le mieux élu de France en Janvier 1956 avec 66 % de voix) que lui sont tombés dessus le XXe Congrès du PCUS et les révélations de Khrouchtchev sur les crimes de Staline (février 1956), le vote du PCF en faveur des pouvoirs spéciaux à Guy Mollet, en mars 1956, pour intensifier la guerre en Algérie, les insurrections ouvrières de Berlin et de Poznan en juin 1956, avec une de leurs toute premières conséquences chez nous, la démission de Césaire, à la veille du soulèvement de la Hongrie, et le début de la longue agonie des communistes à la Martinique.
Nous sommes en train de céder aux cris d’orfraie des rapaces qu’effraient nos succès et qui dénoncent de soi-disant visées hégémoniques du PPM. Étrange parti hégémonique que celui qui, avec 11 ou douze élus au Conseil Général,
présente, en 2008, à la présidence de cette collectivité le seul élu du Mouvement Populaire Franciscain au moment même où celui-ci vient de perdre la moitié de ses effectifs (Madame Bauras aujourd’hui suppléante de Claude Lise),
en 2011, à la présidence du Conseil Général, une des trois élus de Bâtir le Pays Martinique, au moment où celui-ci vient de perdre le tiers de ses effectifs et pour couronner le tout,
en septembre 2011, offre un siège au Sénat à un ancien maire et ancien président de l’Association des Maires, ancien conseiller général et ancien premier vice-président de cette assemblée, un ancien sénateur n’ayant plus la moindre base électorale en dehors des suffrages des grands électeurs PPM que notre Comité National met à sa disposition et qu’il refuse à un des quatre candidats PPM parmi les meilleurs qui puissent être aujourd’hui présentés à cette responsabilité !
Il est ridicule d’imaginer que le renforcement de l’alliance pour une Martinique Nouvelle ne saurait se faire que par un effacement du PPM, voire par un affaiblissement de ses positions, sauf à avoir recours à des ruses qui ne trompent personne et qui font rire tout le monde, sauf nos militants les plus dévoués mais les plus ingénus.
Pourquoi Louison Clémenté ou Justin Pamphile au Nord, René Corail au Sud, ne prendraient-ils pas leur carte 2012 en décembre ou en janvier, voire en avril prochain, pour porter les couleurs du PPM dans les circonscriptions du Nord et du Sud aux législatives de juin 2012 ? On dit qu’ils n’auraient même plus besoin de cela pourvu qu’ils nous foutent la paix dans la ville-capitale !
Je me suis beaucoup rappelé ces derniers temps cette citation de Bossuet que Rodolphe Désiré a placée en exergue de son travail paru il y a dix ans déjà : Contribution à la question institutionnelle aux Antilles-Guyane : Quelle autonomie pour la Martinique dans le cadre de la République ? « Le ciel se rit des prières qu’on lui fait pour détourner de soi des maux dont on persiste à vouloir les causes. »
Les circonstances de la désignation de Serge Larcher comme candidat du Parti aux sénatoriales ont créé un incontestable malaise chez nos militants et probablement chez nos dirigeants les plus conscients même si leur silence peut avoir des motivations moins nobles que celles que j’évoquais au début de cette note à l’attention des camarades du Marin, la crainte que leur réprobation ne soit exploitée contre le Parti. « Le parti prend des coups » me disait une amie que j’estime mais que je plains.
Ce qui risque d’affaiblir le parti ce ne sont pas les coups de ses adversaires, ce sont les fautes de ses dirigeants. Il est plus urgent de corriger ces fautes que de chercher à épargner des coups qui ne nous feront vraiment mal que si nous ne savons pas ou si nous refusons de corriger très rapidement des fautes dont nous sommes seuls responsables.
Fraternel salut progressiste à tous les camarades du Balisier Hector Cabit
Édouard de Lépine