Notre presse généralement si bavarde en période électorale est étrangement muette sur tout le reste. Si l’on excepte Antilla, à un degré moindre Politiques Publiques et Le Naïf, notre grande presse, (France-Antilles, radio-télé), n’a jamais été aussi peu curieuse ni aussi peu soucieuse d’informer ses lecteurs et ses auditeurs sur les enjeux de ces sénatoriales.
Trois dangers nous guettent dont nul ne sait comment les prévenir ni, à plus forte raison, comment nous en tirer s’ils nous tombent dessus. Nous sommes au bord du gouffre sur le plan économique. Nous nous trouvons sous la menace d’une explosion sociale qui peut, sans préavis, nous frapper à n’importe quel moment. En l’état actuel des dispositions législatives organisant le régime de l’assemblée unique, nous courons le risque politique d’une dérive autoritaire ou d’une instabilité chronique dans la gestion des affaires du pays. Plus grave peut-être : la menace déjà perceptible d’une crise morale comme notre pays n’en pas connu depuis très longtemps. Cette crise pourrait se traduire par une désaffection encore plus grande pour la politique que lors des dernières cantonales, une abstention de plus en plus massive aux prochaines consultations électorales.
C’est dire que les élections sénatoriales du 25 septembre prochain revêtent une importance exceptionnelle. C’est en effet probablement au Sénat que se jouera l’avenir de la démocratie locale dans notre pays. D’abord au cours de la période transition (2011-2014) entre l’ancien régime et le nouveau. Ensuite pendant le rodage des premières années de l’assemblée unique (2014-2020), Qu’il s’agisse du fonctionnement de cette l’assemblée qui cumulera entre ses mains les compétences et les moyens de nos deux assemblées actuelles ou du sort de nos communes qui se trouveront dans une dépendance aggravée par rapport à la nouvelle assemblée comme par rapport au pouvoir central, nous n’avons jamais eu autant besoin de la vigilance des citoyens.
Dans ce contexte difficile, même si ces élections sénatoriales sont pour le pays et en tout cas pour le PPM, une affaire de principe avant d’être une question de personnes, il est évident que les qualités personnelles de nos représentants dans la Haute Assemblée auront une portée infiniment plus grande que par le passé.
C’est pourquoi il nous semble important, pour le PPM mais aussi pour le pays, de mesurer le gâchis auquel aboutit le mépris des questions de principe et des procédures démocratiques prévues dans les statuts du parti pour la désignation de nos candidats aux élections sénatoriales. Ce qui frappe dans les discussions informelles qu’on peut avoir avec les uns et les autres depuis plus de deux mois, c’est l’ignorance absolue et parfois, plus inquiétante, l’indifférence dans laquelle se trouvent les militants PPM ainsi probablement que la plupart des grands électeurs sénatoriaux, des termes d’une comparaison entre ceux qui aspirent à représenter le pays au Sénat. Peut-être aussi le cynisme ou le manque de courage de ceux qui savent, qui ne sont pas d’accord, qui en rougissent au fond d’eux-mêmes et qui, par peur de compromettre leur rang sur les prochaine liste électorale, à la proportionnelle « territorialisée », se taisent et se terrent dans un silence prudent.
La direction du PPM s’en tire avec un air de fausse innocence savamment calculée et cyniquement orchestrée. Elle a d’abord joué sur l’idée que nous n’avions pas vraiment de candidats aucun de ceux dont on parlait « n’ayant fait officiellement acte de candidature ». À part Serge Larcher qui, lui, aurait accompli le jour ou le lendemain de son adhésion cette formalité désormais essentielle dans notre parti ? Sauf également Frantz Thodiard. Son balisier avait répondu à l’appel du secrétaire général demandant une analyse de la situation politique à la veille des sénatoriales mais n’avait pas présenté sa candidature puisqu’on ne le lui demandait pas.
Le second aspect de la défense d’une candidature qui ne satisfait pleinement personne, c’est que les candidats PPM rejetés par le Comité National sont des militants conscients et disciplinés. Ils ont compris que Larcher était sinon notre meilleur candidat du moins le plus facilement mobilisable dans la conjoncture actuelle. La preuve ? Leur silence prolongé sur cette question. Nous avions heureusement sous la main notre sénateur sortant qui se vante par ailleurs cyniquement de n’avoir pas été demandeur. Il n’avait pas besoin de faire une déclaration écrite de candidature. Il lui suffisait de prendre sa carte du Parti la veille de sa désignation.
Il se trouve que le PPM avait quatre candidats, qu’il était même le seul parti politique martiniquais à pouvoir en présenter un aussi grand nombre et parmi les meilleurs que l’on puisse trouver aujourd’hui sur le marché des candidatures. La presse ne semble pas s’en être aperçue, celle du PPM encore moins que les autres. C’est à peine s’il lui est arrivé de signaler en passant l’une ou l’autre de ces candidatures sans manifester plus de curiosité sur le sort qui leur avait été réservé, comme s’il s’était agi d’épiphénomènes indignes de retenir l’attention du public
Nous avons suffisamment insisté sur les qualités de celui qui nous paraissait le mieux placé pour représenter le PPM et la gauche martiniquaise dans cette bataille, le sénateur honoraire, maire et conseiller général du Marin, Rodolphe Désiré, pour ne pas y revenir. Du moins dans l’immédiat. À terme, il sera impossible d’ignorer les idées fondamentales contenues dans les deux petits livres que nous avons signalés 1/ Pour une région autonome martiniquaise, Institutions comparées des communautés insulaires périphériques et ultra-périphériques - La France, l’Espagne, le Portugal, la Corse, les DOM, les Canaries, Madère, les Açores. Nov 1997 - 2/ Quelle autonomie pour la Martinique dans le cadre de la République (déc 2001)
Les trois autres candidats PPM, Louis Crusol, Charles-Henri Michaux et Frantz Thodiard avaient autant de titres à représenter le PPM dans cette consultation et le peuple martiniquais à la Haute Assemblée si les électeurs sénatoriaux les appelaient à cette fonction.
Louis Crusol, membre du PPM depuis 35 ans, ancien deuxième puis premier vice-président de notre premier Conseil Régional de 1983- 86 à 1998, maire de Sainte-Luce depuis 21 ans, ancien conseiller général, est probablement l’un des meilleurs connaisseurs des problèmes de la démocratie locale. Nos dirigeants semblent avoir oublié qu’il est aussi un économiste connu qui a formé pendant plus de trente ans à l’Université des générations d’étudiants dont plusieurs occupent des fonctions importantes dans notre pays et à l’étranger. Ils ont également oublié ou fait semblant d’oublier que Louis Crusol est, depuis près de vingt ans, le président de la caisse régionale du Crédit Mutuel , l’une des plus performantes de toutes les caisses régionales de France.
À un moment où l’on peut avoir autant besoin au Sénat d’un spécialiste capable de défendre sans être ridicule notre point de vue sur des questions dont chacun sent combien elles sont aujourd’hui décisives pour notre survie dans des conditions décentes, cela peut être difficilement interprété comme un oubli regrettable mais irréparable.
Charles-Henri Michaux, membre du PPM depuis 33 ans, est l’un des nos meilleurs juristes. Conseiller municipal de Césaire pendant 18 ans, adjoint de Serge Letchimy puis de Raymond Saint-Louis Augustin depuis dix ans, son mérite n’est pas mince d’avoir su résister à la tentation de suivre Claude Lise avec lequel il était venu au PPM en 1978. Ancien président du Sermac pendant six ans, ce juriste qui est aussi un homme de grande culture, pouvait être au Sénat l’un des porte parole les mieux préparés aux débats sur les questions institutionnelles qui domineront probablement la vie politique de la Haute assemblée pendant les six ans qui viennent, quels que soient les résultats du 25 septembre prochain.
Frantz Thodiard, le plus tardivement venu au PPM (depuis cependant plus d’une décennie) n’était pas le moins digne de la confiance de notre Comité National. Avec une incomparable somme d’expériences accumulées d’ingénieur des travaux portuaires à la DDE, puis à la CCIM dans la gestion des problèmes du transport (aérien et maritime), qu’il a enseigné à l’université avant de se consacrer totalement à la direction du Port de Fort de France et de l’aéroport du Lamentin. Adjoint au maire de Fort de France depuis
dix ans, en charge des grands projets de rénovation urbaine de la Ville, Président puis vice-président de la SEMAFF, en contact direct avec les problèmes auxquels se trouve confrontée quotidiennement non seulement la capitale mais l’économie d’un petit pays insulaire qui entend faire du tourisme l’un des atouts majeurs de son développement, il pouvait être au Sénat un porte-parole avisé de notre volonté de nous ouvrir au monde sans renoncer à être nous-mêmes.
Informer les militants et le pays
Il était possible d’organiser au sein du PPM sinon des primaires du moins une information sérieuse des militants et des dirigeants du Parti, au lieu de cette caricature de consultation entre deux ou trois privilégiés de l’entourage immédiat du président, plus ou moins honteux, en tout cas manifestement mal à l’aise, dans le rôle qu’ils s’imposent de défenseurs d’une candidature à laquelle ils ne croient pas.
Le moment viendra inévitablement où il faudra que les bouches s’ouvrent dans ce parti pour que les militants comprennent pourquoi le PPM a pu préférer la candidature de Larcher à celle d’un des quatre candidats authentiquement PPM, les trois autres, et leurs amis avec eux, s’engageant, bien entendu, à se mettre totalement au service de celui d’entre eux qui aurait été retenu par le Comité National.
Nous reviendrons avant le vote du 25 septembre sur ce qu’il eût été possible de faire pour ces élections sénatoriales si, au lieu de cet attelage bancal de deux hommes pour représenter le pays au Palais du Luxembourg, on avait voulu vraiment respecter le principe de la parité, cette feuille de vigne qui a servi à enterrer le rapport privilégié entre les élus et leurs électeurs par la disparition des cantons et, en réalité, des communes dans la représentation du pays à l’assemblée unique. Il n’y avait donc aucune femme, ni au PPM ni à Ensemble pour une Martinique Nouvelle, capable de représenter dignement la Martinique dans la Haute Assemblée ?
Le Robert, 12.09.2011/ ÉdL