ALLONS NOUS DEMEURER A JAMAIS ISOLES ET EN DEHORS DES AFFAIRES DE NOTRE CONTINENT ?
Par Henri PASTEL 03 05 2011
Le 05 juillet 2011 prochain, jour du 200ème anniversaire de l’indépendance du Venezuela, 33 chefs d’états des Amériques ont rendez-vous à Caracas pour créer officiellement la CELAC, (sigle espagnol pour : Communauté des Etats d’Amérique latine et de la Caraïbe).
La tutelle étasunienne
Depuis l’énoncé de la Doctrine de Monroe en 1823, l’Amérique latine et la Caraïbe ont été considérées par les USA comme leur arrière-cour. Washington y a mené grand train de vie en y exploitant à outrance les matières premières disponibles, en entretenant une kyrielle de dictateurs plus sanguinaires les uns que les autres, en faisant élire des dizaines de chefs d’état fantoches, en liquidant d’autres et en ficelant leur relation avec le sous-continent par le biais d’organismes cachant mal leur vocation d’outils de domination. Deux exemples : L’Ecole des Amériques : Créée en 1946 l’Ecole des Amériques fut établie en premier lieu dans la zone américaine du Canal de Panama. « Le centre de formation militaire le plus important d’Amérique latine a permis aux Etats-Unis d’entraîner et de former idéologiquement plus de 60 000 militaires. Parmi ses élèves, quelques noms tristement célèbres : les généraux putschistes argentins Viola, Videla et Galtieri, des dictateurs : Pinochet (Chili), Somoza (Nicaragua), Manuel Noriega (Panama), Stroessner (Paraguay), Hugo Banzer (Bolivie), etc. Transférée à Fort Benning (Georgie) en 1984, l’Ecole a été fermée en l’an 2000 par le président Clinton qui l’a réouverte aussitôt sous une nouvelle appellation : Institut de Défense pour la Coopération de la Sécurité Hémisphérique….!!! » L’OEA (Organisation des Etats Américains) : Créée le 30 avril 1948 lors de la neuvième conférence panaméricaine de Bogotá et adoptée par 21 nations des Amériques, l’OEA s’était donnée pour principe de « défendre la démocratie et les Droits de l'homme, de renforcer la sécurité du territoire, de lutter contre les trafics de drogue et la corruption, ainsi que d'aider aux échanges entre les différents pays de l'Amérique ». Dans les faits, l’OEA, dont le siège se trouve à Washington DC, s’est révélée être aux mains des USA, un outil efficace de lutte contre « l’expansion du communisme ». Peu importaient les méthodes. L’expulsion de Cuba en 1962 en est un exemple.
Réglons nos affaires entre nous !
Aujourd’hui, « la boule a tourné », l’Amérique Latine et la Caraïbe s’émancipent progressivement de la tutelle imposée ou acceptée des USA. Ainsi, si l’on excepte les escarmouches verbales de principe qui prévalent entre Washington et Caracas, les quelques poches résiduelles de lutte armée en Colombie et les demandes réitérées de la Bolivie auprès du Chili en vue de la rétrocession de sa province du littoral, (son unique accès à la mer perdu lors de la Guerre du Pacifique (1879-1884), l’Amérique latine est globalement pacifiée. La CELAC peut ainsi afficher progressivement ses objectifs et ses ambitions. Précisons-les :
1 - “Disposer d'un forum de concertation politique continental. Mettre l’accent sur la nécessité de faire converger les accords historiques, de trouver des complémentarités”. (Déclaration de Salvador de Bahia :16-17/12/2008) 2 - “Plan d'action : Coopération entre les mécanismes d'intégration ; crise financière internationale ; énergie ; infrastructure ; développement social et éradication de la pauvreté et de la faim ; sécurité alimentaire et nutritionnelle ; développement durable ; désastres naturels ; changement climatique ; culture”. (Plan d’Action de Montego bay :06-11-2009)
3 - Décision de la création de la CELAC. Affirmation des trois principes fondamentaux : La solidarité, l’inclusion sociale et la complémentarité (Déclaration de Cancun 23-02-2010)
La fondation de la CELAC, un pas historique. 1 - Il existe bien toute une série d’alliances au Sud du Rio Grande. Elles visent toutes l’intégration régionale et la coopération : ALBA - UNASUR - MERCOSUR – CARICOM – CARIFORUM - GROUPE DE RIO - AEC, etc., mais aucune n’englobe comme la CELAC, l’ensemble des pays. Pour la première fois en effet depuis 200 ans, toute l’Amérique Latine et la Caraïbe sont unies dans un même projet. 2 - Ce dont il faut se réjouir, c’est précisément que notre Caraïbe soit solidairement accrochée à cette locomotive économique, culturelle et écologique. 3 - Ce qu’il faut déplorer, c’est que Portorico, la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane en soient absents. Pourquoi ? Parce qu’aucun de ces pays n’est indépendant ? C’est là une réponse facile ! Posons alors une question de fond : Allons-nous demeurer à jamais isolés et en dehors des affaires de notre continent ? Notre réponse est sans équivoque : Non !
Que faire donc ? 1 - Réfléchir ensemble à la question (Présidents des Conseils, général et régional, parlementaires et spécialistes en relations internationales), en discuter avec la Guadeloupe et la Guyane et créer un groupe de contact ad hoc. 2 - Solliciter un entretien auprès des autorités du Venezuela, principal maître d’œuvre, afin d’explorer la faisabilité technique, diplomatique et politique du niveau d’inclusion de notre pays dans la CELAC. (M. l’ambassadeur du Venezuela à Paris pourrait être un excellent interlocuteur. Il a compétence pour nos régions et est bien informé du contexte politique et institutionnel des DFA). 3 - En fonction des retours de Caracas, prendre l’attache du gouvernement français en nous appuyant sur la déclaration de Fort-de-France du premier ministre : “Prenez votre autonomie économique, en relation avec vos voisins !” et plus particulièrement sur le discours du Président de la République du 06 novembre 2009 prononcé en conclusion du Conseil interministériel :
« Qui peut dénier aux collectivités locales une connaissance toute particulière de leur environnement direct ? Quel diplomate peut aller expliquer aux Polynésiens, aux Réunionnais, aux Antillais ou aux Guyanais la manière dont ses voisins conçoivent leurs rapports dans la zone sans même écouter ce que les principaux intéressés ont à en dire ? »
« ….je souhaite donner la possibilité aux collectivités régionales de participer aux négociations internationales qui les concernent, et même de représenter la France, sous mandat, dans les organismes de coopération régionale de leur zone géographique ».
Notre conclusion :
L’AEC (Association des Etats de la Caraïbe) semble marquer le pas, en tout cas, ses possibilités sont limitées et notre présence n’y est que symbolique.
Nous n’avons pas pu, su, ou voulu - à notre connaissance –, explorer la piste de l’ALBA et de son extension : Petrocaribe.
Plus simple, en dehors des discussions ayant trait à l’harmonisation des taux de TVA sur les cigarettes et le champagne, nous n’avons même pas su progresser vers une espèce d’entente économique globale avec la Guadeloupe et la Guyane.
Avons-nous par ailleurs jamais imaginé la création d’une alliance stratégique d’intérêts, franco-caribéenne entre les DFA et Haïti, ce qui porterait notre zone de chalandise à 12 millions d’habitants ?
Rien de tout cela. Que nous soyons autonomistes, souverainistes, indépendantistes ou du K5F, nous ne parvenons pas à concevoir notre existence en dehors du coût des transports des yaourts et des fraises sur la distance nous séparant de la France et de l’Europe. Des relations outre-Atlantique qu’il ne faut en aucun cas négliger, mais qui selon nous, ne suffisent pas pour assurer un développement économique, culturel, psychologique et humain équilibré, lisse et durable de nos pays.
Il nous parait donc important, au-delà des urgences, d’oser prendre, non seulement notre autonomie économique comme nous le suggère François Fillon, mais notre autonomie de pensée et d’imagination, sous peine de réduire la nouvelle collectivité à venir, à une coquille vide résonnant de mots creux.
Par Henri PASTEL 03 05 2011
Le 05 juillet 2011 prochain, jour du 200ème anniversaire de l’indépendance du Venezuela, 33 chefs d’états des Amériques ont rendez-vous à Caracas pour créer officiellement la CELAC, (sigle espagnol pour : Communauté des Etats d’Amérique latine et de la Caraïbe).
La tutelle étasunienne
Depuis l’énoncé de la Doctrine de Monroe en 1823, l’Amérique latine et la Caraïbe ont été considérées par les USA comme leur arrière-cour. Washington y a mené grand train de vie en y exploitant à outrance les matières premières disponibles, en entretenant une kyrielle de dictateurs plus sanguinaires les uns que les autres, en faisant élire des dizaines de chefs d’état fantoches, en liquidant d’autres et en ficelant leur relation avec le sous-continent par le biais d’organismes cachant mal leur vocation d’outils de domination. Deux exemples : L’Ecole des Amériques : Créée en 1946 l’Ecole des Amériques fut établie en premier lieu dans la zone américaine du Canal de Panama. « Le centre de formation militaire le plus important d’Amérique latine a permis aux Etats-Unis d’entraîner et de former idéologiquement plus de 60 000 militaires. Parmi ses élèves, quelques noms tristement célèbres : les généraux putschistes argentins Viola, Videla et Galtieri, des dictateurs : Pinochet (Chili), Somoza (Nicaragua), Manuel Noriega (Panama), Stroessner (Paraguay), Hugo Banzer (Bolivie), etc. Transférée à Fort Benning (Georgie) en 1984, l’Ecole a été fermée en l’an 2000 par le président Clinton qui l’a réouverte aussitôt sous une nouvelle appellation : Institut de Défense pour la Coopération de la Sécurité Hémisphérique….!!! » L’OEA (Organisation des Etats Américains) : Créée le 30 avril 1948 lors de la neuvième conférence panaméricaine de Bogotá et adoptée par 21 nations des Amériques, l’OEA s’était donnée pour principe de « défendre la démocratie et les Droits de l'homme, de renforcer la sécurité du territoire, de lutter contre les trafics de drogue et la corruption, ainsi que d'aider aux échanges entre les différents pays de l'Amérique ». Dans les faits, l’OEA, dont le siège se trouve à Washington DC, s’est révélée être aux mains des USA, un outil efficace de lutte contre « l’expansion du communisme ». Peu importaient les méthodes. L’expulsion de Cuba en 1962 en est un exemple.
Réglons nos affaires entre nous !
Aujourd’hui, « la boule a tourné », l’Amérique Latine et la Caraïbe s’émancipent progressivement de la tutelle imposée ou acceptée des USA. Ainsi, si l’on excepte les escarmouches verbales de principe qui prévalent entre Washington et Caracas, les quelques poches résiduelles de lutte armée en Colombie et les demandes réitérées de la Bolivie auprès du Chili en vue de la rétrocession de sa province du littoral, (son unique accès à la mer perdu lors de la Guerre du Pacifique (1879-1884), l’Amérique latine est globalement pacifiée. La CELAC peut ainsi afficher progressivement ses objectifs et ses ambitions. Précisons-les :
1 - “Disposer d'un forum de concertation politique continental. Mettre l’accent sur la nécessité de faire converger les accords historiques, de trouver des complémentarités”. (Déclaration de Salvador de Bahia :16-17/12/2008) 2 - “Plan d'action : Coopération entre les mécanismes d'intégration ; crise financière internationale ; énergie ; infrastructure ; développement social et éradication de la pauvreté et de la faim ; sécurité alimentaire et nutritionnelle ; développement durable ; désastres naturels ; changement climatique ; culture”. (Plan d’Action de Montego bay :06-11-2009)
3 - Décision de la création de la CELAC. Affirmation des trois principes fondamentaux : La solidarité, l’inclusion sociale et la complémentarité (Déclaration de Cancun 23-02-2010)
La fondation de la CELAC, un pas historique. 1 - Il existe bien toute une série d’alliances au Sud du Rio Grande. Elles visent toutes l’intégration régionale et la coopération : ALBA - UNASUR - MERCOSUR – CARICOM – CARIFORUM - GROUPE DE RIO - AEC, etc., mais aucune n’englobe comme la CELAC, l’ensemble des pays. Pour la première fois en effet depuis 200 ans, toute l’Amérique Latine et la Caraïbe sont unies dans un même projet. 2 - Ce dont il faut se réjouir, c’est précisément que notre Caraïbe soit solidairement accrochée à cette locomotive économique, culturelle et écologique. 3 - Ce qu’il faut déplorer, c’est que Portorico, la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane en soient absents. Pourquoi ? Parce qu’aucun de ces pays n’est indépendant ? C’est là une réponse facile ! Posons alors une question de fond : Allons-nous demeurer à jamais isolés et en dehors des affaires de notre continent ? Notre réponse est sans équivoque : Non !
Que faire donc ? 1 - Réfléchir ensemble à la question (Présidents des Conseils, général et régional, parlementaires et spécialistes en relations internationales), en discuter avec la Guadeloupe et la Guyane et créer un groupe de contact ad hoc. 2 - Solliciter un entretien auprès des autorités du Venezuela, principal maître d’œuvre, afin d’explorer la faisabilité technique, diplomatique et politique du niveau d’inclusion de notre pays dans la CELAC. (M. l’ambassadeur du Venezuela à Paris pourrait être un excellent interlocuteur. Il a compétence pour nos régions et est bien informé du contexte politique et institutionnel des DFA). 3 - En fonction des retours de Caracas, prendre l’attache du gouvernement français en nous appuyant sur la déclaration de Fort-de-France du premier ministre : “Prenez votre autonomie économique, en relation avec vos voisins !” et plus particulièrement sur le discours du Président de la République du 06 novembre 2009 prononcé en conclusion du Conseil interministériel :
« Qui peut dénier aux collectivités locales une connaissance toute particulière de leur environnement direct ? Quel diplomate peut aller expliquer aux Polynésiens, aux Réunionnais, aux Antillais ou aux Guyanais la manière dont ses voisins conçoivent leurs rapports dans la zone sans même écouter ce que les principaux intéressés ont à en dire ? »
« ….je souhaite donner la possibilité aux collectivités régionales de participer aux négociations internationales qui les concernent, et même de représenter la France, sous mandat, dans les organismes de coopération régionale de leur zone géographique ».
Notre conclusion :
L’AEC (Association des Etats de la Caraïbe) semble marquer le pas, en tout cas, ses possibilités sont limitées et notre présence n’y est que symbolique.
Nous n’avons pas pu, su, ou voulu - à notre connaissance –, explorer la piste de l’ALBA et de son extension : Petrocaribe.
Plus simple, en dehors des discussions ayant trait à l’harmonisation des taux de TVA sur les cigarettes et le champagne, nous n’avons même pas su progresser vers une espèce d’entente économique globale avec la Guadeloupe et la Guyane.
Avons-nous par ailleurs jamais imaginé la création d’une alliance stratégique d’intérêts, franco-caribéenne entre les DFA et Haïti, ce qui porterait notre zone de chalandise à 12 millions d’habitants ?
Rien de tout cela. Que nous soyons autonomistes, souverainistes, indépendantistes ou du K5F, nous ne parvenons pas à concevoir notre existence en dehors du coût des transports des yaourts et des fraises sur la distance nous séparant de la France et de l’Europe. Des relations outre-Atlantique qu’il ne faut en aucun cas négliger, mais qui selon nous, ne suffisent pas pour assurer un développement économique, culturel, psychologique et humain équilibré, lisse et durable de nos pays.
Il nous parait donc important, au-delà des urgences, d’oser prendre, non seulement notre autonomie économique comme nous le suggère François Fillon, mais notre autonomie de pensée et d’imagination, sous peine de réduire la nouvelle collectivité à venir, à une coquille vide résonnant de mots creux.