Les tribus berbères originaires de Tripolitaine, du Fezzan et de Cyrénaïque ont été arabisées, islamisées, urbanisées et alphabétisées (89%), puis industrialisées (industrie : 50% du PNB avec le pétrole). Le pétrole constitue l’essentiel des exportations du pays alors que les produits de consommation sont tous importés de l’étranger.
La Libye est donc un pays très dépendant de l’extérieur, vulnérable et fortement soumis aux pressions économiques, financières, diplomatiques et politiques internationales. Qui est dépendant des puissances impérialistes ne saurait prétendre soutenir une politique national indépendante et souveraine. Aussi les déclarations tonitruantes de Kadhafi ne sont-elles que les bouffonneries d’un polichinelle pathétique.
Le chômage y est endémique (30%) comme dans le reste de l’Afrique. Même si le revenu moyen par habitant (14 000 dollars) est le plus élevé d’Afrique du Nord les disparités régionales sont importantes. Comme ces disparités épousent la géographie de la répartition des tribus ancestrales, la présente insurrection armée se marie avec le ressentiment populaire, qui se confond quant à lui avec la carte de la distribution très inégale de la richesse. C’est ce qui faisait dire aux insurgés de Tobrouk que Kadhafi de Tripolitaine n’avait jamais rien fait pour le peuple de Cyrénaïque depuis le roi Idris Ier, qu’ils auraient aimé ressusciter.
A Tobrouk, dans l’est, une manifestation a réuni un millier de personnes. Les manifestants brandissaient des drapeaux de la monarchie libyenne du roi Idris Senoussi qui s’est imposé comme un symbole de l’insurrection. « Ils n’ont jamais rien fait pour nous, dans l’Est : tout ce que vous pouvez voir a été construit par le roi Idris, renversé par Kadhafi en 1969 », assure Khaled Abdul Aziz, un sergent de police.
L’insurrection armée
L’insurrection libyenne a ceci de particulier que depuis le début des hostilités de nombreux mutins sont armés, ils savent manier les armes lourdes et ils ont infligé des pertes importantes aux forces de l’ordre. Ce n’est pas usuel, dans un pays où le service militaire n’est pas obligatoire et dont l’armée est fragile. Les hommes des tribus sont armés, mais dans les zones rurales seulement, ce n’est pas le cas des gens des villes, qui forment tout de même l’immense majorité de la population libyenne.
Au début du soulèvement, les défections dans l’armée ont été minimes, si bien que ce retournement des armes ne peut expliquer les premiers revers du clan Kadhafi. Il n’est pas non plus concevable que quelques milliers de citoyens révoltés inexpérimentés se soient emparés des équipements dans les casernes et aient spontanément pu tuer tant de soldats et de policiers ; ni qu’ils aient connu instinctivement les techniques de camouflage et de guérilla urbaine. En effet, le nombre de victimes est relativement peu élevé après plus d’une semaine de « carnage » aérien et terrestre. Tout cela ne colle pas : on nous cache tout, on ne nous dit rien… Ou bien, alors, on nous ment.
Le foyer de la guerre civile trouve son origine à Benghazi qui brade le pétrole du pays à l’Europe et qui en est à sa troisième insurrection en 15 ans (1996, 2006 et 2011), alors que Tripoli est restée fidèle au « Guide de la révolution » de la Jamahiriya arabe libyenne. Depuis son accession au pouvoir en 1969, Kadhafi a mis sur pied une structure de gouvernance qui s’appuie en partie sur les vieilles organisations tribales et en partie sur les Comités révolutionnaires. Ceux-ci, avec le temps, ont été peu à peu dépouillés de leur pouvoir, particulièrement depuis que le « Guide révolutionnaire » a été réhabilité par George W. Bush, lequel a mis fin au boycott de la Libye. En effet, les entreprises américaines étaient les seules à respecter l’embargo alors que les entreprises européennes et chinoises investissaient massivement au pays du « terroriste » devenu soudainement fréquentable. Les firmes BP, Royal Dutch Shell, Total, Basf, Statoil, Rapsol et Gazprom exploitent aujourd’hui le pétrole libyen (1,8 millions de barils par jour, troisième producteur d’Afrique).
Un règlement de compte entre clans est toujours sanglant et n’a jamais rien d’attrayant, mais cela a bien peu à voir avec une révolution populaire. La révolte libyenne est une guerre civile atroce comme la Somalie, le Liban, le Soudan et l’Afghanistan en ont connues. Pas de héros, ni d’un côté, ni de l’autre, seulement des paumés pris en tenaille entre les deux camps. Tous les clans sont coupables d’exactions et tous les clans embauchent des mercenaires. Pourquoi soutenir un clan meurtrier plutôt qu’un autre ? Dans une alliance tribale, il y a des rituels et des traditions, une façon de transmettre le pouvoir d’un chef à un autre et, surtout, des principes dans l’attribution du butin des rapines. Ces dernières années, Mouammar Kadhafi n’a respecté aucune de ces règles, aucune de ces traditions. Il a monopolisé le fruit du pillage de l’État entre les mains de sa famille et de sa tribu, il a spolié les autres tribus. La réponse, soutenue en sous-main, est venue des hauts-plateaux : les tribus flouées sont descendues des versants et sont venues à Tripoli lui faire payer le prix de sa cupidité et de sa duplicité, faisant la jonction avec toute une jeune génération qui, depuis sa naissance, n’a connu aucune autre figure politique que l’homme du « Livre vert » et dont le ras-le-bol est devenu évident.
Faut-il choisir le clan de Mouammar Kadhafi, ou celui de son concurrent Al-Houni, son ancien compagnon de révolte, ou encore le clan de l’un ou l’autre de ses fils ? De la façon dont le conflit évolue, les insurgés désigneront eux-mêmes le prochain dictateur libyen. Il n’est même pas certain qu’ils le feront entériner par scrutin. Ils voudront d’abord supputer les chances du « désigné » de gagner l’élection truquée. Si leur challenger risque de perdre au vote, il n’y aura pas plus d’élection qu’il n’y en a eu au cours des quarante-deux dernières années.
Intervention – invasion ?
Depuis Kouchner, et même avant, les Droits de l’homme ont toujours servi à préparer le terrain pour les envahisseurs. Avant-hier, les États-Unis sont allés libérer les Irakiens de la poigne de Saddam Hussein-le-sanguinaire ; un million de morts plus tard, ils quittent l’Irak ravagé. Hier, ils sont allés libérer les femmes afghanes des Talibans. Des centaines de milliers de cadavres (de femmes notamment) plus tard, ils négocient leur retrait d’Afghanistan avec les Talibans « terroristes modérés ».
Aujourd’hui, un consortium étranger formé de Human Rights Watch, d’Amnesty International, de la Fédération internationale des ligues de Droits de l’Homme (FIDH) et de l’ONG Human Rights Solidarity réclame une intervention militaire pour assurer la victoire d’un des clans d’insurgés. Pour ce faire, ils répandent des histoires d’horreur à propos des seuls mercenaires de Kadhafi, semblables à celles qui ont été diffusées à propos d’incubateurs débranchés par les hordes barbares de Saddam (sic) au Koweït, ou encore ces fadaises à propos de charniers géants découverts à Timiþoara puis disparus après l’exécution de Ceauþescu en Roumanie (re-sic).
Mais il est peu probable que l’OTAN envoie un contingent de troupier en Libye parce que, d’une part, elle en prend déjà plein la gueule en Afghanistan, où tous les alliés des Américains ne songent qu’à lever le camp et à rentrer chez eux. D’autre part, une intervention des soldats de l’OTAN ne servirait qu’à mettre le pays sous tutelle américaine. Les puissances européennes membres de l’OTAN se sont déjà fait arnaquer en Irak ; elles ont contribué à l’écrasement de Saddam et à la destruction de la nation irakienne pour se retrouver exclues de la saignée du pays, par la suite. La France, qui avait une position dominante dans l’Irak de Hussein, en conserve un goût amer.
Depuis et avant que le gouvernement Bush ait réhabilité Kadhafi « le voyou », ce sont surtout les Européens qui ont profité de la manne libyenne. Les multinationales américaines sont arrivées sur le tard, si bien que la Libye exporte 85 % de son pétrole vers l’Europe et le reste vers la Chine, le tout, sans transiter aucunement par les entreprises américaines : une situation inacceptable, pour la superpuissance décadente. Les concurrents des USA n’ont pas à être affranchies de la puissance de tutelle, pense Obama.
Les États-Unis souhaiteraient peut-être une intervention aérienne de l’OTAN (visant à empêcher le clan Kadhafi d’utiliser ses avions de façon à faire basculer le rapport de force militaire en faveur des clans insurgés), si les mercenaires rebelles ne parviennent pas à renverser le « Guide », mais leurs alliés européens dans l’OTAN n’accepteront pas de fournir de contingents et préfèreront une intervention sous le haut-patronage de l’ONU, de façon à conserver le contrôle du pays après l’intervention militaire étrangère.
En ce qui a trait à un hypothétique contingent africain sous bannière de l’OTAN, il est trop tôt pour y songer, le traité de coopération OTAN-Union Africaine n’est pas encore ratifié et le Commandement Africa (AfriCom), le principal instrument de pénétration États-unienne sur le continent, n’est pas prêt pour une telle intervention. Rien à craindre, les soldats de l’OTAN n’iront pas mourir à Tobrouk sur les tombes de l’Afrika Corps.
La Grande-Bretagne, ancienne puissance colonisatrice de l’Égypte, maraude en eau trouble ces jours-ci et il n’est pas impossible que le Premier ministre Cameron suggère à l’État-major toujours en place de l’ex-dictateur Moubarak une intervention « humanitaire » musclée en sol libyen afin de sauver la mise Britannique.
Le ver est dans le fruit
Le premier fils du second mariage de Kadhafi, Saïf al-Islam, aujourd’hui en disgrâce mais qui fut un temps l’héritier putatif du « Guide de la révolution », a mené les négociations pour la ruée tardive des multinationales américaines dans le pays. C’est lui qui a proposé un train de réformes de ce qui tient lieu de constitution afin de le rendre plus conforme au mode de gouvernance occidental et de départir les Comités populaires de toutes leurs prérogatives. Il y a quelque temps, il a ordonné la libération de centaines d’islamistes des geôles libyennes, en préparation de l’insurrection qu’il manigançait. C’est l’homme lige des Occidentaux, mais il n’est probablement pas leur préféré, tant il est difficile de prévoir la réaction de la population libyenne à la résurrection de ce poltron, ce qui expliquerait l’atermoiement des puissances impérialistes quant à une intervention en faveur de l’une ou de l’autre faction dans l’insurrection clanique armée en cours au pays du « Livre Vert ».
Le peuple libyen et la classe ouvrière libyenne abusés par cet écheveau meurtrier, victimes collatérales de cet affrontement tribal sanglant, parviendront-t-ils à tirer leur épingle du jeu et à renvoyer dos à dos tous ces prétendants illégitimes et à défendre leurs intérêts propres au milieu de cette catastrophe ? Il le faudrait bien, pourtant.
Robert BIBEAU
Source legrandsoir
La Libye est donc un pays très dépendant de l’extérieur, vulnérable et fortement soumis aux pressions économiques, financières, diplomatiques et politiques internationales. Qui est dépendant des puissances impérialistes ne saurait prétendre soutenir une politique national indépendante et souveraine. Aussi les déclarations tonitruantes de Kadhafi ne sont-elles que les bouffonneries d’un polichinelle pathétique.
Le chômage y est endémique (30%) comme dans le reste de l’Afrique. Même si le revenu moyen par habitant (14 000 dollars) est le plus élevé d’Afrique du Nord les disparités régionales sont importantes. Comme ces disparités épousent la géographie de la répartition des tribus ancestrales, la présente insurrection armée se marie avec le ressentiment populaire, qui se confond quant à lui avec la carte de la distribution très inégale de la richesse. C’est ce qui faisait dire aux insurgés de Tobrouk que Kadhafi de Tripolitaine n’avait jamais rien fait pour le peuple de Cyrénaïque depuis le roi Idris Ier, qu’ils auraient aimé ressusciter.
A Tobrouk, dans l’est, une manifestation a réuni un millier de personnes. Les manifestants brandissaient des drapeaux de la monarchie libyenne du roi Idris Senoussi qui s’est imposé comme un symbole de l’insurrection. « Ils n’ont jamais rien fait pour nous, dans l’Est : tout ce que vous pouvez voir a été construit par le roi Idris, renversé par Kadhafi en 1969 », assure Khaled Abdul Aziz, un sergent de police.
L’insurrection armée
L’insurrection libyenne a ceci de particulier que depuis le début des hostilités de nombreux mutins sont armés, ils savent manier les armes lourdes et ils ont infligé des pertes importantes aux forces de l’ordre. Ce n’est pas usuel, dans un pays où le service militaire n’est pas obligatoire et dont l’armée est fragile. Les hommes des tribus sont armés, mais dans les zones rurales seulement, ce n’est pas le cas des gens des villes, qui forment tout de même l’immense majorité de la population libyenne.
Au début du soulèvement, les défections dans l’armée ont été minimes, si bien que ce retournement des armes ne peut expliquer les premiers revers du clan Kadhafi. Il n’est pas non plus concevable que quelques milliers de citoyens révoltés inexpérimentés se soient emparés des équipements dans les casernes et aient spontanément pu tuer tant de soldats et de policiers ; ni qu’ils aient connu instinctivement les techniques de camouflage et de guérilla urbaine. En effet, le nombre de victimes est relativement peu élevé après plus d’une semaine de « carnage » aérien et terrestre. Tout cela ne colle pas : on nous cache tout, on ne nous dit rien… Ou bien, alors, on nous ment.
Le foyer de la guerre civile trouve son origine à Benghazi qui brade le pétrole du pays à l’Europe et qui en est à sa troisième insurrection en 15 ans (1996, 2006 et 2011), alors que Tripoli est restée fidèle au « Guide de la révolution » de la Jamahiriya arabe libyenne. Depuis son accession au pouvoir en 1969, Kadhafi a mis sur pied une structure de gouvernance qui s’appuie en partie sur les vieilles organisations tribales et en partie sur les Comités révolutionnaires. Ceux-ci, avec le temps, ont été peu à peu dépouillés de leur pouvoir, particulièrement depuis que le « Guide révolutionnaire » a été réhabilité par George W. Bush, lequel a mis fin au boycott de la Libye. En effet, les entreprises américaines étaient les seules à respecter l’embargo alors que les entreprises européennes et chinoises investissaient massivement au pays du « terroriste » devenu soudainement fréquentable. Les firmes BP, Royal Dutch Shell, Total, Basf, Statoil, Rapsol et Gazprom exploitent aujourd’hui le pétrole libyen (1,8 millions de barils par jour, troisième producteur d’Afrique).
Un règlement de compte entre clans est toujours sanglant et n’a jamais rien d’attrayant, mais cela a bien peu à voir avec une révolution populaire. La révolte libyenne est une guerre civile atroce comme la Somalie, le Liban, le Soudan et l’Afghanistan en ont connues. Pas de héros, ni d’un côté, ni de l’autre, seulement des paumés pris en tenaille entre les deux camps. Tous les clans sont coupables d’exactions et tous les clans embauchent des mercenaires. Pourquoi soutenir un clan meurtrier plutôt qu’un autre ? Dans une alliance tribale, il y a des rituels et des traditions, une façon de transmettre le pouvoir d’un chef à un autre et, surtout, des principes dans l’attribution du butin des rapines. Ces dernières années, Mouammar Kadhafi n’a respecté aucune de ces règles, aucune de ces traditions. Il a monopolisé le fruit du pillage de l’État entre les mains de sa famille et de sa tribu, il a spolié les autres tribus. La réponse, soutenue en sous-main, est venue des hauts-plateaux : les tribus flouées sont descendues des versants et sont venues à Tripoli lui faire payer le prix de sa cupidité et de sa duplicité, faisant la jonction avec toute une jeune génération qui, depuis sa naissance, n’a connu aucune autre figure politique que l’homme du « Livre vert » et dont le ras-le-bol est devenu évident.
Faut-il choisir le clan de Mouammar Kadhafi, ou celui de son concurrent Al-Houni, son ancien compagnon de révolte, ou encore le clan de l’un ou l’autre de ses fils ? De la façon dont le conflit évolue, les insurgés désigneront eux-mêmes le prochain dictateur libyen. Il n’est même pas certain qu’ils le feront entériner par scrutin. Ils voudront d’abord supputer les chances du « désigné » de gagner l’élection truquée. Si leur challenger risque de perdre au vote, il n’y aura pas plus d’élection qu’il n’y en a eu au cours des quarante-deux dernières années.
Intervention – invasion ?
Depuis Kouchner, et même avant, les Droits de l’homme ont toujours servi à préparer le terrain pour les envahisseurs. Avant-hier, les États-Unis sont allés libérer les Irakiens de la poigne de Saddam Hussein-le-sanguinaire ; un million de morts plus tard, ils quittent l’Irak ravagé. Hier, ils sont allés libérer les femmes afghanes des Talibans. Des centaines de milliers de cadavres (de femmes notamment) plus tard, ils négocient leur retrait d’Afghanistan avec les Talibans « terroristes modérés ».
Aujourd’hui, un consortium étranger formé de Human Rights Watch, d’Amnesty International, de la Fédération internationale des ligues de Droits de l’Homme (FIDH) et de l’ONG Human Rights Solidarity réclame une intervention militaire pour assurer la victoire d’un des clans d’insurgés. Pour ce faire, ils répandent des histoires d’horreur à propos des seuls mercenaires de Kadhafi, semblables à celles qui ont été diffusées à propos d’incubateurs débranchés par les hordes barbares de Saddam (sic) au Koweït, ou encore ces fadaises à propos de charniers géants découverts à Timiþoara puis disparus après l’exécution de Ceauþescu en Roumanie (re-sic).
Mais il est peu probable que l’OTAN envoie un contingent de troupier en Libye parce que, d’une part, elle en prend déjà plein la gueule en Afghanistan, où tous les alliés des Américains ne songent qu’à lever le camp et à rentrer chez eux. D’autre part, une intervention des soldats de l’OTAN ne servirait qu’à mettre le pays sous tutelle américaine. Les puissances européennes membres de l’OTAN se sont déjà fait arnaquer en Irak ; elles ont contribué à l’écrasement de Saddam et à la destruction de la nation irakienne pour se retrouver exclues de la saignée du pays, par la suite. La France, qui avait une position dominante dans l’Irak de Hussein, en conserve un goût amer.
Depuis et avant que le gouvernement Bush ait réhabilité Kadhafi « le voyou », ce sont surtout les Européens qui ont profité de la manne libyenne. Les multinationales américaines sont arrivées sur le tard, si bien que la Libye exporte 85 % de son pétrole vers l’Europe et le reste vers la Chine, le tout, sans transiter aucunement par les entreprises américaines : une situation inacceptable, pour la superpuissance décadente. Les concurrents des USA n’ont pas à être affranchies de la puissance de tutelle, pense Obama.
Les États-Unis souhaiteraient peut-être une intervention aérienne de l’OTAN (visant à empêcher le clan Kadhafi d’utiliser ses avions de façon à faire basculer le rapport de force militaire en faveur des clans insurgés), si les mercenaires rebelles ne parviennent pas à renverser le « Guide », mais leurs alliés européens dans l’OTAN n’accepteront pas de fournir de contingents et préfèreront une intervention sous le haut-patronage de l’ONU, de façon à conserver le contrôle du pays après l’intervention militaire étrangère.
En ce qui a trait à un hypothétique contingent africain sous bannière de l’OTAN, il est trop tôt pour y songer, le traité de coopération OTAN-Union Africaine n’est pas encore ratifié et le Commandement Africa (AfriCom), le principal instrument de pénétration États-unienne sur le continent, n’est pas prêt pour une telle intervention. Rien à craindre, les soldats de l’OTAN n’iront pas mourir à Tobrouk sur les tombes de l’Afrika Corps.
La Grande-Bretagne, ancienne puissance colonisatrice de l’Égypte, maraude en eau trouble ces jours-ci et il n’est pas impossible que le Premier ministre Cameron suggère à l’État-major toujours en place de l’ex-dictateur Moubarak une intervention « humanitaire » musclée en sol libyen afin de sauver la mise Britannique.
Le ver est dans le fruit
Le premier fils du second mariage de Kadhafi, Saïf al-Islam, aujourd’hui en disgrâce mais qui fut un temps l’héritier putatif du « Guide de la révolution », a mené les négociations pour la ruée tardive des multinationales américaines dans le pays. C’est lui qui a proposé un train de réformes de ce qui tient lieu de constitution afin de le rendre plus conforme au mode de gouvernance occidental et de départir les Comités populaires de toutes leurs prérogatives. Il y a quelque temps, il a ordonné la libération de centaines d’islamistes des geôles libyennes, en préparation de l’insurrection qu’il manigançait. C’est l’homme lige des Occidentaux, mais il n’est probablement pas leur préféré, tant il est difficile de prévoir la réaction de la population libyenne à la résurrection de ce poltron, ce qui expliquerait l’atermoiement des puissances impérialistes quant à une intervention en faveur de l’une ou de l’autre faction dans l’insurrection clanique armée en cours au pays du « Livre Vert ».
Le peuple libyen et la classe ouvrière libyenne abusés par cet écheveau meurtrier, victimes collatérales de cet affrontement tribal sanglant, parviendront-t-ils à tirer leur épingle du jeu et à renvoyer dos à dos tous ces prétendants illégitimes et à défendre leurs intérêts propres au milieu de cette catastrophe ? Il le faudrait bien, pourtant.
Robert BIBEAU
Source legrandsoir