Alors que les équipes qualifiées pour le deuxième tour de la Coupe du monde seront bientôt connues, osons faire quelques commentaires des Martiniquais, certes incomplètes, sur l’ évènement et l’approche qu’en ont les Martiniquais. D’abord, le championnat d’Europe des clubs champions tend à devenir plus importante sur le plan sportif que la Coupe d’Europe des nations et la Coupe du Monde. Les grands joueurs y sont meilleurs.
En effet, il y a en Europe cinq ou six clubs de niveau européen qui feraient plus que rivaliser avec les sélections de leurs nations respectives. Ils sont en Espagne, en Allemagne, en Italie et en Angleterre où, à de rares exceptions, les joueurs ne quittent pas leur pays. Les joueurs français qui, grâce à la qualité des écoles de formation, sont parmi les meilleurs du monde, sont dispersés hors de la France, incapable de les garder. Ils n’ont pas de club français à leur mesure, mais, convoqués en sélection, ils ne font pas équipe. En effet, l’Equipe de France est formée de joueurs issus d’une dizaine de clubs qui, à deux ou trois unités près, sont des clubs étrangers. En réunissant des joueurs venant de clubs aussi épars, le sélectionneur a toutes les peines pour obtenir des automatismes.
En réalité, lors de la coupe d’Europe ou du Monde, l’équipe se fabrique sur le tas. Au fur et à mesure des rencontres l’équipe se fait et se bonifie. Qu’elle gagne ou qu’elle perde, on peut espérer que la sélection française soit meilleure lors du prochain tour.
S’agissant de la présence massive de Noirs d’origine africaine dans l’Equipe de France, je maintiens un point de vue que j’ai développé dès 1998. Le talent et la performance sont appréciés davantage que les individus. Le fait d’être noir ou blanc compte peu. Pourvu qu’on ait l’ivresse. L’Equipe de France est en tout cas un baromètre social. Elle indique une réalité : les Arabes et les Noirs d’origine africaine sont au bas de l’échelle sociale. Car dans tous les pays, le foot-ball est un sport populaire qui recrute toujours majoritairement ses joueurs dans l’en bas de la société. Le niveau social des Français blancs et, à une moindre échelle, des Français d’origine martiniquaise, s’est élevée et ceux-ci sont moins enclins à l’effort que les Noirs et les Arabes.
Le temps semble révolu où le jeune Martiniquais était prêt à accomplir cet effort. L’international Gérard Janvion avait pressenti qu’il serait difficile de renouveler son exploit. Depuis 40 ans, les faits lui donnent raison. Je reviens à l’exemple de Lilian Thuram, l’un des joueurs de foot les plus intelligents (mais il y en a d’autres). Je suis convaincu que s’il était né dans une famille aisée, il aurait peut-être fait de brillantes études qui l’éloigneraient des stades et du goût de l’effort, du moins au niveau qu’il a atteint. Quoi qu’il en soit, cet écran en noir et blanc dont nous ne savons pas nous séparer empêche une analyse purement sportive et objective du déroulement de la Coupe d’Europe.
Ajoutons que la France n’est pas un pays de foot-ball, comme peuvent l’être d’autres nations. Pour preuve le peu de supporters français présents en Russie. Par ailleurs, à Paris comme à Londres ou Madrid, mais aussi à Marseille, il pourrait y avoir deux grands clubs européens, permettant de former l’ossature de la sélection et la rendant ainsi plus homogène. Or pour toute la France, il n’y a qu’un, le Paris St Germain qui, plus en devenir qu’autre chose, participe à un championnat moyen.
Enfin, c’est fou ce que, en Martinique, les commentaires, pronostics et préférences relatifs à l’Equipe de France portent presque exclusivement sur l’origine raciale des joueurs ou le racisme dont il ferait l’objet. Naguère c’est le nombre de joueurs noirs qui étaient scruté, il n’y en avait pas suffisamment. Maintenant qu’ils sont majoritaires dans l’équipe, parce qu’ils sont les meilleurs, ce sont les critiques des journalistes métropolitains à leur égard qui sont analysées. Lorsque ces derniers affirment comme vous et moi que la France ne joue pas bien, c’est regardé comme une manière raciste de critiquer les joueurs noirs. Par ailleurs, il est impossible d’avoir un débat si l’Etat français, totalement hors sujet, n’est pas prononcé cinq ou six fois comme pour distinguer la Martinique de cet Etat. Lorsque dans un débat à la télé ou la radio il est demandé aux personnes présentes de dire s’ils sont pour la France ou une autre équipe, c’est comme lorsqu’on pose la question de savoir si on se sent Français ou Africain.
C’est le syndrome du crabe.
L’émission se termine avant d’obtenir la première réponse. Ou alors, tous empruntent la langue de bois pour ne pas dire leur préférence. On craint de dire qu’on est pour l’Equipe de France, car cela ne fait pas bon genre dans le landernau. On n’ose pas dire non plus qu’on est contre, cela ne fait pas chic non plus dans ce pays de superficialité.
En revanche, quand on pose la même question dans les « fan zones », aussitôt la réponse fuse : on est très majoritairement pour la France, et on le dit. On est parfois pour le Brésil, on le dit aussi. On est pour une équipe africaine parce que ce sont des Noirs. On est moins nombreux à le dire, mais on le dit encore. Sauf que dans les fans zones ou sur les trottoirs, c’est le peuple qui parle. Pas besoin de précaution, cé pèp la ki ka palé.
Fort-de-France, le 23 juin 2018
Yves-Léopold Monthieux
En effet, il y a en Europe cinq ou six clubs de niveau européen qui feraient plus que rivaliser avec les sélections de leurs nations respectives. Ils sont en Espagne, en Allemagne, en Italie et en Angleterre où, à de rares exceptions, les joueurs ne quittent pas leur pays. Les joueurs français qui, grâce à la qualité des écoles de formation, sont parmi les meilleurs du monde, sont dispersés hors de la France, incapable de les garder. Ils n’ont pas de club français à leur mesure, mais, convoqués en sélection, ils ne font pas équipe. En effet, l’Equipe de France est formée de joueurs issus d’une dizaine de clubs qui, à deux ou trois unités près, sont des clubs étrangers. En réunissant des joueurs venant de clubs aussi épars, le sélectionneur a toutes les peines pour obtenir des automatismes.
En réalité, lors de la coupe d’Europe ou du Monde, l’équipe se fabrique sur le tas. Au fur et à mesure des rencontres l’équipe se fait et se bonifie. Qu’elle gagne ou qu’elle perde, on peut espérer que la sélection française soit meilleure lors du prochain tour.
S’agissant de la présence massive de Noirs d’origine africaine dans l’Equipe de France, je maintiens un point de vue que j’ai développé dès 1998. Le talent et la performance sont appréciés davantage que les individus. Le fait d’être noir ou blanc compte peu. Pourvu qu’on ait l’ivresse. L’Equipe de France est en tout cas un baromètre social. Elle indique une réalité : les Arabes et les Noirs d’origine africaine sont au bas de l’échelle sociale. Car dans tous les pays, le foot-ball est un sport populaire qui recrute toujours majoritairement ses joueurs dans l’en bas de la société. Le niveau social des Français blancs et, à une moindre échelle, des Français d’origine martiniquaise, s’est élevée et ceux-ci sont moins enclins à l’effort que les Noirs et les Arabes.
Le temps semble révolu où le jeune Martiniquais était prêt à accomplir cet effort. L’international Gérard Janvion avait pressenti qu’il serait difficile de renouveler son exploit. Depuis 40 ans, les faits lui donnent raison. Je reviens à l’exemple de Lilian Thuram, l’un des joueurs de foot les plus intelligents (mais il y en a d’autres). Je suis convaincu que s’il était né dans une famille aisée, il aurait peut-être fait de brillantes études qui l’éloigneraient des stades et du goût de l’effort, du moins au niveau qu’il a atteint. Quoi qu’il en soit, cet écran en noir et blanc dont nous ne savons pas nous séparer empêche une analyse purement sportive et objective du déroulement de la Coupe d’Europe.
Ajoutons que la France n’est pas un pays de foot-ball, comme peuvent l’être d’autres nations. Pour preuve le peu de supporters français présents en Russie. Par ailleurs, à Paris comme à Londres ou Madrid, mais aussi à Marseille, il pourrait y avoir deux grands clubs européens, permettant de former l’ossature de la sélection et la rendant ainsi plus homogène. Or pour toute la France, il n’y a qu’un, le Paris St Germain qui, plus en devenir qu’autre chose, participe à un championnat moyen.
Enfin, c’est fou ce que, en Martinique, les commentaires, pronostics et préférences relatifs à l’Equipe de France portent presque exclusivement sur l’origine raciale des joueurs ou le racisme dont il ferait l’objet. Naguère c’est le nombre de joueurs noirs qui étaient scruté, il n’y en avait pas suffisamment. Maintenant qu’ils sont majoritaires dans l’équipe, parce qu’ils sont les meilleurs, ce sont les critiques des journalistes métropolitains à leur égard qui sont analysées. Lorsque ces derniers affirment comme vous et moi que la France ne joue pas bien, c’est regardé comme une manière raciste de critiquer les joueurs noirs. Par ailleurs, il est impossible d’avoir un débat si l’Etat français, totalement hors sujet, n’est pas prononcé cinq ou six fois comme pour distinguer la Martinique de cet Etat. Lorsque dans un débat à la télé ou la radio il est demandé aux personnes présentes de dire s’ils sont pour la France ou une autre équipe, c’est comme lorsqu’on pose la question de savoir si on se sent Français ou Africain.
C’est le syndrome du crabe.
L’émission se termine avant d’obtenir la première réponse. Ou alors, tous empruntent la langue de bois pour ne pas dire leur préférence. On craint de dire qu’on est pour l’Equipe de France, car cela ne fait pas bon genre dans le landernau. On n’ose pas dire non plus qu’on est contre, cela ne fait pas chic non plus dans ce pays de superficialité.
En revanche, quand on pose la même question dans les « fan zones », aussitôt la réponse fuse : on est très majoritairement pour la France, et on le dit. On est parfois pour le Brésil, on le dit aussi. On est pour une équipe africaine parce que ce sont des Noirs. On est moins nombreux à le dire, mais on le dit encore. Sauf que dans les fans zones ou sur les trottoirs, c’est le peuple qui parle. Pas besoin de précaution, cé pèp la ki ka palé.
Fort-de-France, le 23 juin 2018
Yves-Léopold Monthieux