Lorsque la science est portée par le militantisme c’est toujours le militantisme qui l’emporte
La rentrée politique de NOU PEP-LA à Terpsichora, au Lamentin, avait de la gueule. On se rappelle que Marcellin Nadeau avait su donner un air original à sa participation à l’élection de la collectivité de Martinique, en décembre 2015. Les adversaires les plus déterminés de l’indépendance avaient reconnu l’intelligence du discours de celui qui avait su élever le courant politique qu’il représente (GRS, CNCP et MODEMAS) à un niveau électoral jamais atteint. Ce ne sont pas ses vieux compagnons, les spécialistes du passé, qui diront le contraire. Seul le slogan, « An nou poté mannèv » , emprunté au vocabulaire guadeloupéen, pourrait faire tiquer les défenseurs de l’identité martiniquaise. Mais l’import en tous genres n’est-il pas devenu, avec la culture du passé, la marque de fabrique de la Martinique ?
Lorsque la science est portée par le militantisme c’est toujours le militantisme qui l’emporte
Cette originalité s’est retrouvée lors de la rentrée politique de NOU PEP-LA, à Terpsichora. Elle s’est distinguée de celle des autres partis politiques en ce qu’elle a paru vouloir donner la primeur au débat d’idées. Sauf qu’en Martinique les vrais débats n’existent pas. Les « grands grecs » qui étaient invités à honorer cette rentrée par leur présence ont répondu à une recherche d’image et une commande destinées à être ovationnées par les militants du parti. Le politologue Justin Daniel et l’historien Gilbert Pago ont fait le job. Comme d’habitude, leurs brillants exposés ont été accueillis par l’assistance comme l’oisillon reçoit la becquée. Mais lorsque la science est portée par le militantisme c’est toujours le militantisme qui l’emporte. On sait gré à Gilbert Pago d’avoir, d’entrée de jeu, rappelé qu’il est un militant et que ses positions sur le sujet traité sont nécessairement partisanes. Sauf qu’il ne suffit pas d’enfoncer cette porte ouverte pour qu’il en soit autrement. Cette précaution oratoire vise, au contraire, à souhaiter que sa communication soit entendue en mode d’expertise et à suggérer que ses conclusions ne se prêtent pas à la contestation. C’est un registre qui lui sied parfaitement, lui à qui on n’oppose jamais de contradicteur.
Les historiens ne peuvent l’ignorer : seuls les pays de compromis ont fait avancer leurs peuples.
Rappeler, comme le fait Pago, que le compromis de la gauche avec la droite affaiblit la gauche est une lapalissade comme celle qui consisterait à dire, à l’inverse, que le compromis de la droite avec la gauche tempère l’oppression du capitalisme. Mais tout tourne autour de l’image – syndrome pour certains, référence pour d’autres – de ce « bout de chemin avec l’usine » du député socialiste Joseph Lagrosillière, en 1919. Ce rappel atteste pourtant de l’intérêt accordé à cette décision historique décrite par Camille Darsières qui était convaincu, lui aussi, de la nécessité de « voir ce que les békés ont dans le ventre ». En France, fermés au compromis, les partis de gauche et de droite en paient le prix, au profit du Front national. L’alternance politique, qui est un début de compromis, a permis au salarié français, donc martiniquais, – et même le non-salarié – d’être le citoyen qu’il est devenu.
Celui-ci bénéficie d’un niveau et d’une qualité de vie introuvables tant au Brésil, par exemple, où les idées de gauche ont eu peu de prise, que dans les régimes longtemps chéris du tout-socialisme, tombés d’inanition à force d’immobilisme. Ce n’est pas l’abus de compromis qui étrangle Haïti depuis deux siècles. Seuls les pays de compromis ont fait avancer leurs peuples. Le compromis est donc la vertu cardinale de la gouvernance démocratique et on peut douter que les Martiniquais qui remplissent aujourd’hui les avions charters et les bateaux de croisière à destination du monde, eussent connu un meilleur indice de développement humain (IDH) si Gilbert Pago et ses amis avaient réussi, dès les années 1960 – 1970, à imposer leurs thèses anti-compromis. Il n’est donc pas sûr que le propos relativement moderne du maire du Prêcheur se soit trouvé renforcé par un discours auquel l’histoire a fait un sort, alors qu’il immobilise toujours notre quotidien. Ainsi se succèdent, sous l’égide des historiens martiniquais, les « commémorations pour avancer » et les « colloques pour avancer ». Bref, on piétine !
Interprétation sinusoïdale de la loi portant création et organisation de la CTM.
Pour sa part, le professeur Justin Daniel n’a pas cru devoir protester de son appartenance à un camp ou à un autre. Il est vrai que son propos avant et pendant l’expérience électorale de décembre 2015 avait fait l’unanimité des élus. De sorte que depuis la mise en œuvre du « bel outil » institutionnel, lui et ses collègues du campus se trouvent à l’abri de toute critique sérieuse de la part de ceux qui avaient passé commande de la loi.
Ainsi le professeur est amené à poursuivre un discours qui, des travaux de conception de la CTM à ce jour, a connu quelques virages, notamment en ce qui concerne le leadership de la collectivité. La séparation entre l’assemblée et le conseil exécutif avait été voulue comme un gage de démocratie et de modernité. Puis on apprit au cours de la campagne électorale que le seul maître à bord devait être celui qui dirigeait la liste de candidatures, les chefs de section étant dépourvus d’existence réelle. En mode de rétrécissement démocratique, le leader exclusif se découvrait ainsi, grâce à l’interprétation des professeurs, nanti d’une légitimité incontestable à diriger l’attelage avant, pendant et après le scrutin. Mais voilà qu’au lendemain du vote, cette primauté est remise en cause par les constitutionnalistes qui auraient finalement, disent-ils, prévu un pouvoir bicéphale. La prépondérance présumée du président de l’exécutif serait, tout à coup, devenue juridiquement incongrue.
La guerre entre MODEMAS et le MIM, le dépeçage du CNCP sont-ils les moteurs de Nou pèp la ?
Les interrogations des militants de NOU PEP-LA sur le fonctionnement de la CTM trouvent leurs limites dans le contenu du discours tenu par le politologue. « Ne touche pas à ma loi de juin 2011 car tout est dans le comportement des élus », semble dire le professeur. Mais voilà que Justin Daniel vient dire aux militants, puis à la presse, qu’il va falloir procéder au « renforcement du rôle de l’assemblée ». Est-il possible de modifier autrement que par la loi l’articulation des organes de la CTM ? Ou doit-on ne compter, à cette fin, que sur la vertu des hommes ? A entendre le politologue, le changement des actuels dirigeants y pourvoirait. Comme si ces derniers ne seraient pas les bons.
De même qu’on a attendu qu’un beau matin éclate aux visages le scandale des déchets ménagers, peut-être attend-on pour se réveiller, l’aboutissement des poursuites judiciaires qui pèsent sur le président du conseil exécutif, dont les conséquences pourraient s’avérer très graves pour l’avenir de l’institution. Mais le ripolinage des vieux habits des années 60 suffira-t-il à cacher les rancoeurs dont fait l’objet Alfred Marie-Jeanne, notamment de la part des leaders du MODEMAS et CNCP ? D’où l’on peut craindre que ces inimitiés ne soient les vrais motifs de la naissance de NOU PEP-LA.
Yves-Léopold Monthieux, le 20 octobre 2016
Lorsque la science est portée par le militantisme c’est toujours le militantisme qui l’emporte
Cette originalité s’est retrouvée lors de la rentrée politique de NOU PEP-LA, à Terpsichora. Elle s’est distinguée de celle des autres partis politiques en ce qu’elle a paru vouloir donner la primeur au débat d’idées. Sauf qu’en Martinique les vrais débats n’existent pas. Les « grands grecs » qui étaient invités à honorer cette rentrée par leur présence ont répondu à une recherche d’image et une commande destinées à être ovationnées par les militants du parti. Le politologue Justin Daniel et l’historien Gilbert Pago ont fait le job. Comme d’habitude, leurs brillants exposés ont été accueillis par l’assistance comme l’oisillon reçoit la becquée. Mais lorsque la science est portée par le militantisme c’est toujours le militantisme qui l’emporte. On sait gré à Gilbert Pago d’avoir, d’entrée de jeu, rappelé qu’il est un militant et que ses positions sur le sujet traité sont nécessairement partisanes. Sauf qu’il ne suffit pas d’enfoncer cette porte ouverte pour qu’il en soit autrement. Cette précaution oratoire vise, au contraire, à souhaiter que sa communication soit entendue en mode d’expertise et à suggérer que ses conclusions ne se prêtent pas à la contestation. C’est un registre qui lui sied parfaitement, lui à qui on n’oppose jamais de contradicteur.
Les historiens ne peuvent l’ignorer : seuls les pays de compromis ont fait avancer leurs peuples.
Rappeler, comme le fait Pago, que le compromis de la gauche avec la droite affaiblit la gauche est une lapalissade comme celle qui consisterait à dire, à l’inverse, que le compromis de la droite avec la gauche tempère l’oppression du capitalisme. Mais tout tourne autour de l’image – syndrome pour certains, référence pour d’autres – de ce « bout de chemin avec l’usine » du député socialiste Joseph Lagrosillière, en 1919. Ce rappel atteste pourtant de l’intérêt accordé à cette décision historique décrite par Camille Darsières qui était convaincu, lui aussi, de la nécessité de « voir ce que les békés ont dans le ventre ». En France, fermés au compromis, les partis de gauche et de droite en paient le prix, au profit du Front national. L’alternance politique, qui est un début de compromis, a permis au salarié français, donc martiniquais, – et même le non-salarié – d’être le citoyen qu’il est devenu.
Celui-ci bénéficie d’un niveau et d’une qualité de vie introuvables tant au Brésil, par exemple, où les idées de gauche ont eu peu de prise, que dans les régimes longtemps chéris du tout-socialisme, tombés d’inanition à force d’immobilisme. Ce n’est pas l’abus de compromis qui étrangle Haïti depuis deux siècles. Seuls les pays de compromis ont fait avancer leurs peuples. Le compromis est donc la vertu cardinale de la gouvernance démocratique et on peut douter que les Martiniquais qui remplissent aujourd’hui les avions charters et les bateaux de croisière à destination du monde, eussent connu un meilleur indice de développement humain (IDH) si Gilbert Pago et ses amis avaient réussi, dès les années 1960 – 1970, à imposer leurs thèses anti-compromis. Il n’est donc pas sûr que le propos relativement moderne du maire du Prêcheur se soit trouvé renforcé par un discours auquel l’histoire a fait un sort, alors qu’il immobilise toujours notre quotidien. Ainsi se succèdent, sous l’égide des historiens martiniquais, les « commémorations pour avancer » et les « colloques pour avancer ». Bref, on piétine !
Interprétation sinusoïdale de la loi portant création et organisation de la CTM.
Pour sa part, le professeur Justin Daniel n’a pas cru devoir protester de son appartenance à un camp ou à un autre. Il est vrai que son propos avant et pendant l’expérience électorale de décembre 2015 avait fait l’unanimité des élus. De sorte que depuis la mise en œuvre du « bel outil » institutionnel, lui et ses collègues du campus se trouvent à l’abri de toute critique sérieuse de la part de ceux qui avaient passé commande de la loi.
Ainsi le professeur est amené à poursuivre un discours qui, des travaux de conception de la CTM à ce jour, a connu quelques virages, notamment en ce qui concerne le leadership de la collectivité. La séparation entre l’assemblée et le conseil exécutif avait été voulue comme un gage de démocratie et de modernité. Puis on apprit au cours de la campagne électorale que le seul maître à bord devait être celui qui dirigeait la liste de candidatures, les chefs de section étant dépourvus d’existence réelle. En mode de rétrécissement démocratique, le leader exclusif se découvrait ainsi, grâce à l’interprétation des professeurs, nanti d’une légitimité incontestable à diriger l’attelage avant, pendant et après le scrutin. Mais voilà qu’au lendemain du vote, cette primauté est remise en cause par les constitutionnalistes qui auraient finalement, disent-ils, prévu un pouvoir bicéphale. La prépondérance présumée du président de l’exécutif serait, tout à coup, devenue juridiquement incongrue.
La guerre entre MODEMAS et le MIM, le dépeçage du CNCP sont-ils les moteurs de Nou pèp la ?
Les interrogations des militants de NOU PEP-LA sur le fonctionnement de la CTM trouvent leurs limites dans le contenu du discours tenu par le politologue. « Ne touche pas à ma loi de juin 2011 car tout est dans le comportement des élus », semble dire le professeur. Mais voilà que Justin Daniel vient dire aux militants, puis à la presse, qu’il va falloir procéder au « renforcement du rôle de l’assemblée ». Est-il possible de modifier autrement que par la loi l’articulation des organes de la CTM ? Ou doit-on ne compter, à cette fin, que sur la vertu des hommes ? A entendre le politologue, le changement des actuels dirigeants y pourvoirait. Comme si ces derniers ne seraient pas les bons.
De même qu’on a attendu qu’un beau matin éclate aux visages le scandale des déchets ménagers, peut-être attend-on pour se réveiller, l’aboutissement des poursuites judiciaires qui pèsent sur le président du conseil exécutif, dont les conséquences pourraient s’avérer très graves pour l’avenir de l’institution. Mais le ripolinage des vieux habits des années 60 suffira-t-il à cacher les rancoeurs dont fait l’objet Alfred Marie-Jeanne, notamment de la part des leaders du MODEMAS et CNCP ? D’où l’on peut craindre que ces inimitiés ne soient les vrais motifs de la naissance de NOU PEP-LA.
Yves-Léopold Monthieux, le 20 octobre 2016