Le poisson et le blaff : les grands absents du Tour des Yoles
YVES-LÉOPOLD MONTHIEUX·MARDI 9 AOÛT 2016
(Tribune parue sur Politiques publiques et Antilla en aout 2013)
Il a suffit que quelques-uns se soient demandés « éti nou konnet « dessaler », sé « koulé » nou konnet » pour qu’une partie de la presse soit prise de malaise, face l’usage du mot dessaler. Certes, il n’est pas de gens de mer qui ne connaisse la signification du mot, lequel est franchement familier aux pratiquants de tous âges de la voile traditionnelle où l’on recrute désormais la plupart des commentateurs des courses de yoles. Mais tout se passe comme s’il était inopportun d’ajouter dans le vocabulaire yolin ce vocable venu d’ailleurs. Celui-ci n’a pas la sonorité qui convient et il n’en est apparemment pas un autre pouvant le remplacer.
Après quelques bafouilles, des journalistes ont carrément décider de zapper le mot. C’est pourquoi, un brusque « i koulé » vient parfois casser la phrase, en français, du commentateur embarrassé. Il est évident que le « pren-i an kréyol » est souvent savoureux et utile pour faire remonter l’authentique de la pratique traditionnelle de la yole. Des formules méritent d’apparaître dans un commentaire captivant, telle l’expression « londjè yol » qui a été souvent prononcée par Karl Sivatte, la longueur des yoles servant d’instrument de mesure permettant d’évaluer les écarts entre les embarcations sur une distance relativement courte. Exemple : le second est à 3 londjè yol du premier, c’est-à-dire à une vingtaine de mètres… Cela nous conduit à évoquer le temps perdu à la recherche du langage politiquement correct.
(...) Mais dans cet exercice de sémantique qui occupe nos loisirs, on ne fait pas attention à la disparition galopante du mot « blaff » et surtout le plat lui-même, simple et savoureux, qui, autant que la yole et le bèlè, fait partie du patrimoine martiniquais. Et, c’est ici ma critique, je ne comprends pas que ce plat qui répondrait mieux que d’autres aux règles de la diététique alimentaire (poisson bouilli et absence de graisse ajoutée) soit le grand absent du Tour et n’accompagne pas les yoles au moins autant que le poulet, le cabri, le porc, les frites ou les pizzas. Il suffirait d’une volonté politique pour que les étapes du Tour soient autant d’étapes gastronomiques, avec le poisson en fête et le blaff en promotion. Tiens, le Prix du Blaff du Tour pourrait être mis en compétition entre les restaurateurs des communes recevant les étapes du Tour.
On sent bien la présence du maire du Prêcheur derrière la promotion du « boyau ton », deux mots que la très grande majorité des martiniquais ignorait totalement. Mais, peut-on objecter, pour faire du blaff, il faut du poisson, du poisson frais – autant que possible – et, mieux encore, du poisson pêché par nos pêcheurs. C’est beaucoup demander, il est vrai. Un autre grand absent du Tour des Yoles 2013.
Yves-Léopold Monthieux, le 5 août 2013
(Tribune parue sur Politiques publiques et Antilla en aout 2013)
Il a suffit que quelques-uns se soient demandés « éti nou konnet « dessaler », sé « koulé » nou konnet » pour qu’une partie de la presse soit prise de malaise, face l’usage du mot dessaler. Certes, il n’est pas de gens de mer qui ne connaisse la signification du mot, lequel est franchement familier aux pratiquants de tous âges de la voile traditionnelle où l’on recrute désormais la plupart des commentateurs des courses de yoles. Mais tout se passe comme s’il était inopportun d’ajouter dans le vocabulaire yolin ce vocable venu d’ailleurs. Celui-ci n’a pas la sonorité qui convient et il n’en est apparemment pas un autre pouvant le remplacer.
Après quelques bafouilles, des journalistes ont carrément décider de zapper le mot. C’est pourquoi, un brusque « i koulé » vient parfois casser la phrase, en français, du commentateur embarrassé. Il est évident que le « pren-i an kréyol » est souvent savoureux et utile pour faire remonter l’authentique de la pratique traditionnelle de la yole. Des formules méritent d’apparaître dans un commentaire captivant, telle l’expression « londjè yol » qui a été souvent prononcée par Karl Sivatte, la longueur des yoles servant d’instrument de mesure permettant d’évaluer les écarts entre les embarcations sur une distance relativement courte. Exemple : le second est à 3 londjè yol du premier, c’est-à-dire à une vingtaine de mètres… Cela nous conduit à évoquer le temps perdu à la recherche du langage politiquement correct.
(...) Mais dans cet exercice de sémantique qui occupe nos loisirs, on ne fait pas attention à la disparition galopante du mot « blaff » et surtout le plat lui-même, simple et savoureux, qui, autant que la yole et le bèlè, fait partie du patrimoine martiniquais. Et, c’est ici ma critique, je ne comprends pas que ce plat qui répondrait mieux que d’autres aux règles de la diététique alimentaire (poisson bouilli et absence de graisse ajoutée) soit le grand absent du Tour et n’accompagne pas les yoles au moins autant que le poulet, le cabri, le porc, les frites ou les pizzas. Il suffirait d’une volonté politique pour que les étapes du Tour soient autant d’étapes gastronomiques, avec le poisson en fête et le blaff en promotion. Tiens, le Prix du Blaff du Tour pourrait être mis en compétition entre les restaurateurs des communes recevant les étapes du Tour.
On sent bien la présence du maire du Prêcheur derrière la promotion du « boyau ton », deux mots que la très grande majorité des martiniquais ignorait totalement. Mais, peut-on objecter, pour faire du blaff, il faut du poisson, du poisson frais – autant que possible – et, mieux encore, du poisson pêché par nos pêcheurs. C’est beaucoup demander, il est vrai. Un autre grand absent du Tour des Yoles 2013.
Yves-Léopold Monthieux, le 5 août 2013