Parmi ce foisonnement d’exigences, on peut douter de la pertinence des réponses apportées ceci compte tenu de la multiplicité des demandes, l’hétérogénéité des porteurs quand bien même réunis en collectif, les méthodes de résolution, l’urgence et le manque de recul sur les solutions proposées.
Dans les processus d’élaboration de solutions on peut néanmoins faire les constats convergents qui soulignent en premier lieu :
•l’importance d‘une approche transversale des connaissances pour prendre en compte la complexité et les multiples dimensions des problèmes de société,
•la complexité croissante des questions à intégrer dans les processus de prise de décision,
•l’émergence de plus en plus visible de la société civile avec une nouvelle conception de l’espace public,
•l’importance des processus de négociation et de médiation dans la construction des solutions.
Ce conflit a mis aussi en exergue le profond malaise qui traverse la presse tant dans ses relations avec ses partenaires extérieurs, que sur des questions de crédibilité.
Remédier au déficit de crédibilité des médias
Certains médias ont un déficit de crédibilité dont ils ne viendront à bout qu’en se montrant scrupuleux, soucieux de la transparence et prêts à se plier aux vérifications.
Or le sentiment général est que certains médias échappent à tout contrôle, qu’ils choisissent leurs sujets sans se soucier de l’avis du public et qu’ils publient ce que leurs rédacteurs en chef et non leurs lecteurs souhaitent lire.
Quand on connait la structure du capital et la nature des instances de décision de certains médias en Martinique on peut imaginer que des journalistes soucieux de rester intègres et d’exercer leur métier avec professionnalisme, soient mis à rude épreuve car il leur faut résister à la tentation d’accepter incitations financières et autres, proposées par des groupes d’intérêts.
L’indépendance éditoriale et la transparence financière des organes de presse sont extrêmement importantes car il n’est pas rare que les détenteurs du capital, ou du pouvoir fassent passer leurs propres intérêts avant les critères d’indépendance.
La rédaction doit être protégée de tout lien susceptible d’influencer le contenu éditorial.
Un acteur émergeant : la société civile ou encore dit collectif.
Un autre enseignement que j’ai pu tirer de l’observation de cette crise est l’émergence du rôle des acteurs associatifs, et de la société civile organisée, dans la prise de décision. On se souvient du pic de son émergence aux dernières élections régionales avec la liste de l’ancien maire du morne rouge. On n’oublie pas non plus les résultats.
Qu’implique ce constat d’émergence de la société civile ?
Quels sont les multiples acteurs derrière ce concept de société civile ?
En quoi réinventent-ils le politique ?
En quoi leur contribution est-elle nécessaire dans les processus de prise de décision, dans les modalités et les procédures de la gouvernance ?
En ce qui concerne le concept de société civile, chacun y va de son analyse et met l’accent sur tel ou tel aspect et y inclut ou non certains types d’acteurs. Lors d’un des débats, cette question s’est posée, par exemple, au sujet du monde des entreprises, qui pour certains faisait partie de la société civile, et pas pour d‘autres.
Tout est tellement imbriqué lorsqu’on parle « société » qu’il est difficile d’avoir des catégories tranchées.
D’une part, il convient de distinguer les entreprises et les institutions financières relevant de l’économie sociale et solidaire (mutuelles, coopératives, fondations) des entreprises et des institutions économiques se vouant exclusivement à la recherche du profit ; et la société civile de l’État - gouvernement et ensemble de l’administration publique- et des partis politiques.
Les initiatives citoyennes rendent encore plus floues ces distinctions. Un même individu ne peut-il pas, en tant que citoyen, à la fois participer à une ou plusieurs associations et être membre d’un parti politique, tout en étant fonctionnaire, salarié, entrepreneur ou actionnaire ? Où et comment situer, par exemple, les élus ?
André-Jean Arnaud se demande comment faire participer les citoyens dans toute leur diversité au processus de création de la norme, alors que dans nos démocraties c’est le législateur, mandaté comme représentant du peuple ou de la nation, qui a légitimité pour réguler la société ?
Il montre alors à quel point l’émergence de la société civile amène à repenser la production du droit, qui d’autorité devient progressivement négocié.
I1 souligne également la nécessité de réhabiliter la société civile pour inventer de nouvelles formes de gouvernement, pour réinventer le politique en assurant, au-delà de la représentation, une gestion collective à travers la participation des acteurs sociaux discutant et définissant collectivement leurs buts propres.
C’est toute la problématique de la démocratie participative et de la démocratie représentative.
La refondation de l’action politique
Tous les observateurs s'accordent autant en Guadeloupe qu'en Martinique sur le fait que ce serait une erreur de réduire ces mouvements sociaux aux seules revendications des plateformes syndicales.
Il y a derrière un problème de fond, et qu'il nous appartient de ne pas sombrer dans le syndrome de la recette à court terme et de bien prendre conscience que les événements ne procédaient ni de caprices d’assistés, ni de l’expression d’un « macoutisme » larvé que pourrait nourrir les nostalgiques du grand soir.
Ces événements ont révélé un désir, une volonté de faire peuple et d’être reconnus comme tels sans pour cela entrer dans une logique de rupture avec la France en conjuguant droit à l’égalité et droit à la différence
Face à l’ampleur de ce mouvement, le concept de gouvernance à partir des institutions traditionnelles actuelles (le gouvernement) est donc remis en cause au profit de la gouvernance locale sans remise en cause du cadre républicain Français.
Mais ce concept de « gouvernance locale » n’est pas sans ambiguïté. Il peut en effet se traduire comme un instrument de renforcement de la libéralisation des économies qui vise à utiliser les institutions existantes, pour renforcer leurs compétences, et créer entre elles des organes de coordination (agence de la biodiversité, ou encore comité martiniquais du logement etc.…) qui pourraient s’avérer nécessaires. Hors en France cette conception qui ne bouleverse pas vraiment les lignes, est déjà discutable en soi, et pourrait être soupçonnée d’une simple stratégie de désengagement libéral de l’Etat.
En effet le chantier de la commission Balladur me semble-t’il confirme cette tendance. Au moins pour la France.
En ce qui concerne la Martinique le cadre législatif existant nous réduit à la centralisation parisienne et renforce le déficit de responsabilité collective.
Cela me parait difficilement supportable plus longtemps.
Cette centralisation Parisienne nous contraint à une logique d’administration et de gestion de transferts publics, et conduit parfois nos hommes politiques à s’ériger en meilleurs élèves de la classe de gestion en affichant des excédents budgétaires, pendant que 25% de la population active est au chômage et que l’investissement dans le développement économique ne crée pas de zones d’activités, voire d’emplois.
Si on s’en tient à la revendication du collectif, elle se situe dans l’option la plus poussée de l’identité législative de l’article 73 de la constitution. Le stade suprême de la départementalisation, dont le premier ministre lui-même avait souligné son incapacité à favoriser le développement de la Martinique.
Comble du paradoxe, les porte-paroles des ces revendications me semblent être à l’opposé d’une telle idéologie.
La gouvernance locale
La situation actuelle se définit en termes de « crise de gouvernance » qui appelle à un aménagement de cadre institutionnel qui ne se trouve pas forcément dans les options actuelles du cadre statutaire que nous offre la constitution.
La notion de gouvernance est proposée ici comme un moyen visant à redéfinir la frontière des compétences entre l’État, les pouvoirs publics locaux, la société civile et les acteurs privés, dans le but de repenser la cohésion sociale et territoriale.
Il s’agit en quelque sorte de ne pas limiter le processus de décision à la seule sphère de la démocratie de représentation mais aussi d’y associer des formes de démocratie de participation et de comprendre les articulations nécessaires entre, la décision politique - gouvernementale - et, point fondamental, la société civile organisée.
L’objectif est de mettre en lumière l’importance de la prise en compte de la société civile organisée, de ses avis, de ses projets de société et de sa diversité.
Dans l’analyse courante des relations entre les citoyens et la politique, l’Homme politique est en effet trop souvent restreint à sa dimension « gouvernementale et institutionnelle », qui peut manipuler la société civile dans le but de justifier le caractère démocratique du processus gouvernemental et institutionnel de prise de décision politique.
Je suis convaincu qu’il nous faut utiliser cette crise, non par opportunisme mais par pur réalisme, pour sortir de ces schémas traditionnels centralisateurs, décentralisateurs ou autres.
Il nous est possible de l’analyser comme l’endroit d’une nouvelle définition de la notion même de gouvernance, en sorte de mieux l’inscrire dans nos réalités diverses et lui permettre de répondre à nos aspirations à plus de responsabilité.
Cette nouvelle gouvernance prône une démocratisation des processus décisionnels et, de ce fait, elle exige de revoir les frontières entre les prérogatives de l’État, des pouvoirs publics locaux, de la société civile organisée sous forme d’associations et du secteur privé.
Elle met en effet l’accent sur la redéfinition de l’action collective avec l’émergence de nouveaux acteurs politiques comme les associations ou groupements spontanés ou collectifs. Elle est synonyme de participation, négociation, coordination et aussi médiation.
L’émergence de la société civile et le rôle des associations dans les processus de prise de décision, et malgré la diversité thématique et la variété des terrains de discussion, met en exergue :
•L’importance d’une approche transversale des problèmes sont essentiels pour rendre compte de la complexité et des multiples dimensions des problèmes de société (apprentissage et production de connaissances à travers la systématisation et la confrontation d’expériences, de pratiques et de théories).
•L’émergence de plus en plus nette de la société civile, avec une nouvelle conception de l’espace public,
•L’importance des processus de négociation et de médiation.
Cette montée en puissance de la notion de citoyenneté active (intelligence collective) influence en profondeur la recherche d’espaces démocratiques de décision (gouvernance) et influence en parallèle l’effort de participation des citoyens à ces mêmes processus de prise de décision.
La gouvernance locale appelle donc à de nouveaux modes d’élaboration des politiques publiques où l’accent est mis sur l’initiative, la négociation, l’expérimentation et surtout l’audace.
Elle exige des pouvoirs publics qu’ils renoncent à leurs prérogatives en matière de réglementation et qu’ils acceptent une nouvelle forme d’interaction entre les différents partenaires économiques, sociaux et politiques.
Elle donne la priorité à une participation accrue du secteur privé et de la société civile à la collaboration dans la gestion des affaires publiques et invite donc à repenser tant la façon de gouverner que les rapports entre l’État et la société.
Elle nécessite la séparation des trois pouvoirs traditionnels. « Le législatif et le judiciaire doivent pouvoir exercer leurs prérogatives en parallèle avec le pouvoir exécutif. La personne investie de la fonction suprême ne doit pas jouir de pouvoirs illimités, mais gouverner pour le bien du plus grand nombre et non de quelques fidèles ».
La gouvernance locale requiert outre la séparation des pouvoirs, la participation, la transparence, la responsabilité, l’équité le respect de la primauté du droit, l’efficacité.
La participation d’un nombre aussi grand que possible de citoyens à la prise des décisions, à leur mise en application et à leur suivi, est un élément essentiel de la gouvernance. Cette forme de citoyenneté active présente l’avantage de remédier au déficit de légitimité qui caractérise les élites politiques traditionnelles, et conduit à la démocratie participative. Pour que les citoyens prennent pleinement et effectivement part aux décisions d’intérêt général, ils doivent être informés et organisés.
Cela présuppose l’accès de tous à l’information.
La transparence signifie que les décisions sont prises et appliquées conformément à des normes préétablies que les citoyens acceptent et qu’ils se sont engagés librement à respecter. Il faut pour cela que les personnes concernées par les décisions et leur application aient librement accès à l’information. Il faut aussi que ces informations soient diffusées par des médias libres.
La responsabilité est l’une des conditions essentielles d’une bonne gouvernance.
Toutes les organisations doivent rendre compte de leurs actes devant la totalité des parties prenantes au sein de la société, y compris le public. Cette responsabilité ne peut s’exercer s’il n’y a pas de transparence ni d’état de droit.
L’équité est une autre caractéristique de la bonne gouvernance. Ce principe veut que nul dans la communauté ne doive se sentir « laissé pour compte » et que tous les groupes, en particulier les plus vulnérables, aient la possibilité d’améliorer leur sort. L’équité étant le moyen de l’objectif d’égalité.
La primauté du droit et la mise en place d’un cadre juridique juste, appliqué de manière impartiale est une exigence de La bonne gouvernance qui invite à une triple révolution :
1.Entre société civile et politique. La refondation impose un nouveau mode de dialogue entre les uns et les autres dont la coopération intercommunale, l’initiative citoyenne et la démocratie participative constituent des modèles des synergies possibles
2.Entre économie et écologie. L’écologisation de l’économie est une démarche salutaire dans toute perspective de progrès. Cette démarche entrepreneuriale devrait participer à très court terme à création de nombreux emplois.
3.Dans le mode de rassemblement des Martiniquais. Le modèle sociétal Martiniquais n’est soluble ni dans le libéralisme ni dans le socialisme.
Il appelle en Martinique un nouveau modèle de société dans lequel le politique, c'est-à-dire l’autorité publique (l’Etat, les collectivités) doit devenir le défenseur de l’intérêt collectif et non le porte voix d’intérêts particuliers.
Texte deJean-François Lafontaine
Dans les processus d’élaboration de solutions on peut néanmoins faire les constats convergents qui soulignent en premier lieu :
•l’importance d‘une approche transversale des connaissances pour prendre en compte la complexité et les multiples dimensions des problèmes de société,
•la complexité croissante des questions à intégrer dans les processus de prise de décision,
•l’émergence de plus en plus visible de la société civile avec une nouvelle conception de l’espace public,
•l’importance des processus de négociation et de médiation dans la construction des solutions.
Ce conflit a mis aussi en exergue le profond malaise qui traverse la presse tant dans ses relations avec ses partenaires extérieurs, que sur des questions de crédibilité.
Remédier au déficit de crédibilité des médias
Certains médias ont un déficit de crédibilité dont ils ne viendront à bout qu’en se montrant scrupuleux, soucieux de la transparence et prêts à se plier aux vérifications.
Or le sentiment général est que certains médias échappent à tout contrôle, qu’ils choisissent leurs sujets sans se soucier de l’avis du public et qu’ils publient ce que leurs rédacteurs en chef et non leurs lecteurs souhaitent lire.
Quand on connait la structure du capital et la nature des instances de décision de certains médias en Martinique on peut imaginer que des journalistes soucieux de rester intègres et d’exercer leur métier avec professionnalisme, soient mis à rude épreuve car il leur faut résister à la tentation d’accepter incitations financières et autres, proposées par des groupes d’intérêts.
L’indépendance éditoriale et la transparence financière des organes de presse sont extrêmement importantes car il n’est pas rare que les détenteurs du capital, ou du pouvoir fassent passer leurs propres intérêts avant les critères d’indépendance.
La rédaction doit être protégée de tout lien susceptible d’influencer le contenu éditorial.
Un acteur émergeant : la société civile ou encore dit collectif.
Un autre enseignement que j’ai pu tirer de l’observation de cette crise est l’émergence du rôle des acteurs associatifs, et de la société civile organisée, dans la prise de décision. On se souvient du pic de son émergence aux dernières élections régionales avec la liste de l’ancien maire du morne rouge. On n’oublie pas non plus les résultats.
Qu’implique ce constat d’émergence de la société civile ?
Quels sont les multiples acteurs derrière ce concept de société civile ?
En quoi réinventent-ils le politique ?
En quoi leur contribution est-elle nécessaire dans les processus de prise de décision, dans les modalités et les procédures de la gouvernance ?
En ce qui concerne le concept de société civile, chacun y va de son analyse et met l’accent sur tel ou tel aspect et y inclut ou non certains types d’acteurs. Lors d’un des débats, cette question s’est posée, par exemple, au sujet du monde des entreprises, qui pour certains faisait partie de la société civile, et pas pour d‘autres.
Tout est tellement imbriqué lorsqu’on parle « société » qu’il est difficile d’avoir des catégories tranchées.
D’une part, il convient de distinguer les entreprises et les institutions financières relevant de l’économie sociale et solidaire (mutuelles, coopératives, fondations) des entreprises et des institutions économiques se vouant exclusivement à la recherche du profit ; et la société civile de l’État - gouvernement et ensemble de l’administration publique- et des partis politiques.
Les initiatives citoyennes rendent encore plus floues ces distinctions. Un même individu ne peut-il pas, en tant que citoyen, à la fois participer à une ou plusieurs associations et être membre d’un parti politique, tout en étant fonctionnaire, salarié, entrepreneur ou actionnaire ? Où et comment situer, par exemple, les élus ?
André-Jean Arnaud se demande comment faire participer les citoyens dans toute leur diversité au processus de création de la norme, alors que dans nos démocraties c’est le législateur, mandaté comme représentant du peuple ou de la nation, qui a légitimité pour réguler la société ?
Il montre alors à quel point l’émergence de la société civile amène à repenser la production du droit, qui d’autorité devient progressivement négocié.
I1 souligne également la nécessité de réhabiliter la société civile pour inventer de nouvelles formes de gouvernement, pour réinventer le politique en assurant, au-delà de la représentation, une gestion collective à travers la participation des acteurs sociaux discutant et définissant collectivement leurs buts propres.
C’est toute la problématique de la démocratie participative et de la démocratie représentative.
La refondation de l’action politique
Tous les observateurs s'accordent autant en Guadeloupe qu'en Martinique sur le fait que ce serait une erreur de réduire ces mouvements sociaux aux seules revendications des plateformes syndicales.
Il y a derrière un problème de fond, et qu'il nous appartient de ne pas sombrer dans le syndrome de la recette à court terme et de bien prendre conscience que les événements ne procédaient ni de caprices d’assistés, ni de l’expression d’un « macoutisme » larvé que pourrait nourrir les nostalgiques du grand soir.
Ces événements ont révélé un désir, une volonté de faire peuple et d’être reconnus comme tels sans pour cela entrer dans une logique de rupture avec la France en conjuguant droit à l’égalité et droit à la différence
Face à l’ampleur de ce mouvement, le concept de gouvernance à partir des institutions traditionnelles actuelles (le gouvernement) est donc remis en cause au profit de la gouvernance locale sans remise en cause du cadre républicain Français.
Mais ce concept de « gouvernance locale » n’est pas sans ambiguïté. Il peut en effet se traduire comme un instrument de renforcement de la libéralisation des économies qui vise à utiliser les institutions existantes, pour renforcer leurs compétences, et créer entre elles des organes de coordination (agence de la biodiversité, ou encore comité martiniquais du logement etc.…) qui pourraient s’avérer nécessaires. Hors en France cette conception qui ne bouleverse pas vraiment les lignes, est déjà discutable en soi, et pourrait être soupçonnée d’une simple stratégie de désengagement libéral de l’Etat.
En effet le chantier de la commission Balladur me semble-t’il confirme cette tendance. Au moins pour la France.
En ce qui concerne la Martinique le cadre législatif existant nous réduit à la centralisation parisienne et renforce le déficit de responsabilité collective.
Cela me parait difficilement supportable plus longtemps.
Cette centralisation Parisienne nous contraint à une logique d’administration et de gestion de transferts publics, et conduit parfois nos hommes politiques à s’ériger en meilleurs élèves de la classe de gestion en affichant des excédents budgétaires, pendant que 25% de la population active est au chômage et que l’investissement dans le développement économique ne crée pas de zones d’activités, voire d’emplois.
Si on s’en tient à la revendication du collectif, elle se situe dans l’option la plus poussée de l’identité législative de l’article 73 de la constitution. Le stade suprême de la départementalisation, dont le premier ministre lui-même avait souligné son incapacité à favoriser le développement de la Martinique.
Comble du paradoxe, les porte-paroles des ces revendications me semblent être à l’opposé d’une telle idéologie.
La gouvernance locale
La situation actuelle se définit en termes de « crise de gouvernance » qui appelle à un aménagement de cadre institutionnel qui ne se trouve pas forcément dans les options actuelles du cadre statutaire que nous offre la constitution.
La notion de gouvernance est proposée ici comme un moyen visant à redéfinir la frontière des compétences entre l’État, les pouvoirs publics locaux, la société civile et les acteurs privés, dans le but de repenser la cohésion sociale et territoriale.
Il s’agit en quelque sorte de ne pas limiter le processus de décision à la seule sphère de la démocratie de représentation mais aussi d’y associer des formes de démocratie de participation et de comprendre les articulations nécessaires entre, la décision politique - gouvernementale - et, point fondamental, la société civile organisée.
L’objectif est de mettre en lumière l’importance de la prise en compte de la société civile organisée, de ses avis, de ses projets de société et de sa diversité.
Dans l’analyse courante des relations entre les citoyens et la politique, l’Homme politique est en effet trop souvent restreint à sa dimension « gouvernementale et institutionnelle », qui peut manipuler la société civile dans le but de justifier le caractère démocratique du processus gouvernemental et institutionnel de prise de décision politique.
Je suis convaincu qu’il nous faut utiliser cette crise, non par opportunisme mais par pur réalisme, pour sortir de ces schémas traditionnels centralisateurs, décentralisateurs ou autres.
Il nous est possible de l’analyser comme l’endroit d’une nouvelle définition de la notion même de gouvernance, en sorte de mieux l’inscrire dans nos réalités diverses et lui permettre de répondre à nos aspirations à plus de responsabilité.
Cette nouvelle gouvernance prône une démocratisation des processus décisionnels et, de ce fait, elle exige de revoir les frontières entre les prérogatives de l’État, des pouvoirs publics locaux, de la société civile organisée sous forme d’associations et du secteur privé.
Elle met en effet l’accent sur la redéfinition de l’action collective avec l’émergence de nouveaux acteurs politiques comme les associations ou groupements spontanés ou collectifs. Elle est synonyme de participation, négociation, coordination et aussi médiation.
L’émergence de la société civile et le rôle des associations dans les processus de prise de décision, et malgré la diversité thématique et la variété des terrains de discussion, met en exergue :
•L’importance d’une approche transversale des problèmes sont essentiels pour rendre compte de la complexité et des multiples dimensions des problèmes de société (apprentissage et production de connaissances à travers la systématisation et la confrontation d’expériences, de pratiques et de théories).
•L’émergence de plus en plus nette de la société civile, avec une nouvelle conception de l’espace public,
•L’importance des processus de négociation et de médiation.
Cette montée en puissance de la notion de citoyenneté active (intelligence collective) influence en profondeur la recherche d’espaces démocratiques de décision (gouvernance) et influence en parallèle l’effort de participation des citoyens à ces mêmes processus de prise de décision.
La gouvernance locale appelle donc à de nouveaux modes d’élaboration des politiques publiques où l’accent est mis sur l’initiative, la négociation, l’expérimentation et surtout l’audace.
Elle exige des pouvoirs publics qu’ils renoncent à leurs prérogatives en matière de réglementation et qu’ils acceptent une nouvelle forme d’interaction entre les différents partenaires économiques, sociaux et politiques.
Elle donne la priorité à une participation accrue du secteur privé et de la société civile à la collaboration dans la gestion des affaires publiques et invite donc à repenser tant la façon de gouverner que les rapports entre l’État et la société.
Elle nécessite la séparation des trois pouvoirs traditionnels. « Le législatif et le judiciaire doivent pouvoir exercer leurs prérogatives en parallèle avec le pouvoir exécutif. La personne investie de la fonction suprême ne doit pas jouir de pouvoirs illimités, mais gouverner pour le bien du plus grand nombre et non de quelques fidèles ».
La gouvernance locale requiert outre la séparation des pouvoirs, la participation, la transparence, la responsabilité, l’équité le respect de la primauté du droit, l’efficacité.
La participation d’un nombre aussi grand que possible de citoyens à la prise des décisions, à leur mise en application et à leur suivi, est un élément essentiel de la gouvernance. Cette forme de citoyenneté active présente l’avantage de remédier au déficit de légitimité qui caractérise les élites politiques traditionnelles, et conduit à la démocratie participative. Pour que les citoyens prennent pleinement et effectivement part aux décisions d’intérêt général, ils doivent être informés et organisés.
Cela présuppose l’accès de tous à l’information.
La transparence signifie que les décisions sont prises et appliquées conformément à des normes préétablies que les citoyens acceptent et qu’ils se sont engagés librement à respecter. Il faut pour cela que les personnes concernées par les décisions et leur application aient librement accès à l’information. Il faut aussi que ces informations soient diffusées par des médias libres.
La responsabilité est l’une des conditions essentielles d’une bonne gouvernance.
Toutes les organisations doivent rendre compte de leurs actes devant la totalité des parties prenantes au sein de la société, y compris le public. Cette responsabilité ne peut s’exercer s’il n’y a pas de transparence ni d’état de droit.
L’équité est une autre caractéristique de la bonne gouvernance. Ce principe veut que nul dans la communauté ne doive se sentir « laissé pour compte » et que tous les groupes, en particulier les plus vulnérables, aient la possibilité d’améliorer leur sort. L’équité étant le moyen de l’objectif d’égalité.
La primauté du droit et la mise en place d’un cadre juridique juste, appliqué de manière impartiale est une exigence de La bonne gouvernance qui invite à une triple révolution :
1.Entre société civile et politique. La refondation impose un nouveau mode de dialogue entre les uns et les autres dont la coopération intercommunale, l’initiative citoyenne et la démocratie participative constituent des modèles des synergies possibles
2.Entre économie et écologie. L’écologisation de l’économie est une démarche salutaire dans toute perspective de progrès. Cette démarche entrepreneuriale devrait participer à très court terme à création de nombreux emplois.
3.Dans le mode de rassemblement des Martiniquais. Le modèle sociétal Martiniquais n’est soluble ni dans le libéralisme ni dans le socialisme.
Il appelle en Martinique un nouveau modèle de société dans lequel le politique, c'est-à-dire l’autorité publique (l’Etat, les collectivités) doit devenir le défenseur de l’intérêt collectif et non le porte voix d’intérêts particuliers.
Texte deJean-François Lafontaine