LE DISCOURS OFFICIEL
Merci de me faire l'honneur, non seulement de partager avec vous ce temps de mémoire, de reconstitution de soi même, fortifié que nous sommes, l'espace d'une commémoration, par les racines historiques d'un peuple, le votre, à l'écoute des premiers bâtisseurs et des histoires tragiques longtemps non révélées,
Mais plus encore de me demander de prononcer quelques mots, moi, issu d'un autre peuple, celui de la Guadeloupe, voisin certes mais à l'écoute de sa propre histoire.
Comment vous dire simplement ma quête partagée avec Serge Letchimy et ses camarades, à la recherche dans ces évènements historiques, chez vous comme chez nous, du fil conducteur qui donne du sens à la quotidienneté de notre engagement d'hommes politiques et d'élus de terrain. Et ce n'est rien de le dire au moment même où d'aucuns veulent remettre en question la légitimité des élus.
Comment vous dire l'espoir fou qui est le notre de faire du pragmatisme du bâtisseur, le marteau et le piolet capables de briser des chaines aujourd'hui encore .
Celles d'une culture tantôt ignorée, tantôt étouffée, tantôt récupérée,mais jamais révélée à elle même hors les politiques initiées ici par Aimée Césaire, là par Henri Bangou et reprises ensuite par les générations suivantes.
Celles économiques rappelées ces derniers mois à la conscience de la nation colonisatrice, elle même, comme frappée d'étonnement devant la révélation d'une emprise coloniale encore aussi fortement organisée dans une république toujours sourde à ses diversités.
Celles politiques d'un cadre statutaire unanimement reconnu comme inapte mais vis à vis duquel nos peuples encore déchirés n'ont pas voulu à ce jour s'éloigner. Tant il est vrai que loin du discours grandiloquent sur la souveraineté, le chemin de la responsabilité effraie encore nos peuples.
J'ai choisi très modestement de vous dire combien malgré nos différences vos combats trouvent échos auprès de nous et combien l'histoire continue de mêler nos destins.
Je n'avais pas dix ans quand Armand Nicolas publia en 1960 le premier récit historique de la révolte des esclaves du 22 mai 1848 à la Martinique.
Le récit lui même ne me fut pas révélé à cette date, mais la vie et le combat de ce militant et dirigeant communiste Martiniquais m'étaient déjà familiers, ma famille partageant avec lui et ses camarades des engagements communs et un militantisme étudiant identique qui les avaient conduits chacun de leur côté à travailler en pionniers de l'histoire de nos deux peuples revisitée à la lueur de leur formation marxiste.
Singulièrement, c'est en 1978 que plusieurs communes en Martinique, Fort-de-France, le François, le Lamentin, Macouba, Morne Rouge, Rivière Pilote, Trinité décident de commémorer à cette date cette page de l'histoire Martiniquaise en faisant sur leur territoire et pour leur personnel une journée chômée.
La même année s'achevait à Pointe-à-Pitre la construction sur la place des martyrs de la liberté du tertre de l'anneau brisé, monument symbolique rappelant au monde le sacrifice de Delgrès, Ignace et Solitude, le 28 mai 1802.
Et dès cette année la ville de Pointe-à-Pitre devait faire de cette date une journée chômée pour son personnel et consacrée à un dépôt de gerbe.
Tradition que nous maintenons vivace après 31 ans même si le choix du 27 mai fût finalement décidé par le gouvernement comme date commémorative pour la Guadeloupe.
(Sans revenir sur la pertinence du choix du 27 a contrario de celui du 28 mai, l'histoire riche des batailles pour la liberté de 1802 en Guadeloupe remplissant l'éphéméride de tous les jours de cette période de l'année, nous n'avons pas manqué de voir dans cette décision du gouvernement français en 1983 une pierre jetée dans le jardin de la seule action commémorative institutionnalisée par des Guadeloupéens de leur propre chef depuis 15 ans).
En choisissant d'honorer la révolte de 1848 ici en Martinique, comme nous en Guadeloupe nous fêtons la mémoire des batailles de 1802 et ses martyrs/ batailles tenues à Baimbridge par Ignace et ses compagnons, celles tenues de Baie-Mahault à Gourbeyre pour porter le combat de Pointe-à-Pitre à Basse-Terre, la fin tragique de Delgrés dans le fortin de Saint Claude/, les peuples de Martinique et de Guadeloupe entendent rappeler au monde que leur destin ils l'ont façonné eux- mêmes.
Nos peuples n'ont pas été spectateur et victimes consentantes de leur histoire.
C'est un enseignement clair que nous nous rappelons à nous même et aux générations montantes.
Battez vous!
Ne subissez pas!
Dressez la tête!
Voilà ce que nous disent à deux siècles presque d'intervalle nos ancêtres.
Et ils peuvent être fiers, je le crois, ce soir en voyant dans toute la Martinique les marques de reconnaissance. Ils peuvent être fiers aussi en voyant ça et là les fruits du combat continu mené au nom de ce peuple:
-Respect ainsi au nom de ces ancêtres pour l'œuvre d'Aimée Césaire ici dans cette ville capitale de Fort-de-France.
-Respect pour le docteur Pierre Aliker dont on se souviendra entre autre le cri jeté à la face de grands de ce monde dans le stade qui porte son nom, je cite: « le meilleur spécialiste de la Martinique est le Martiniquais ».
-Respect à celles et ceux qui continuent de bâtir et d'offrir au peuple Martiniquais cet espace de liberté où nous nous trouvons aujourd'hui.
Quoiqu'il en soit, les évènements récents montrent combien nous avons tous soif d'identité enracinée dans une histoire connue et assumée. Nous avons soif d'avancer vers l'avenir et de nouveaux destins enrichis d'un passé dont nous pouvons être fiers.
Mais si le combat de ceux qui ont sorti ce passé de l'ombre, celui des Armand Nicolas, d'Aimée Césaire ici, de Rémy Naissouta, d'Henri Bangou en Guadeloupe, et celui là bas comme ici, mené par tous les mouvements engagés pour la reconnaissance de nos histoires, est maintenant accompli, le combat d'aujourd'hui est celui du devenir de nos commémorations.
La tentation est grande d'en faire le jardin de nos seules visions politiques.
Il ne sera pas évident de toujours pouvoir en maintenir le caractère fédérateur et fondateur pour nos peuples. Les nouvelles générations seront en effet tentées de les recevoir comme une journée de vacances de plus pour un grand-pont festif.
Et il est fascinant, à mes yeux tout au moins, de voir combien la puissance colonisatrice a vite expurgée sa conscience en renvoyant à notre mémoire, et non à la sienne, nos histoires tourmentées.
Alors,cela signifie que le combat continue. Il nous appartient de continuer d'être acteur de notre histoire et comme le dit (je crois) Édouard Glissant, avoir « une vision prophétique du passé ».
A ce titre, au peuple Martiniquais debout pour slamer, battre le tambour, sonner la corne, filmer, chanter, danser, écrire les vérités d'aujourd'hui dans les espaces d'aujourd'hui, je dis bravo.
Et Bravo également à vous monsieur le député maire, à tous vos collègues, tous vos camarades et tous vos collaborateurs.
Je vous apporte la solidarité des miens les Guadeloupéens, celle de la ville dont j'ai la charge,Pointe-à-Pitre, celle du parti où je milite, le PPDG.
Respect pour ceux qui, ici en mai 1848, ont brisé leurs chaines, Respect chez moi pour les héros des batailles de 1802.
Jacques BANGOU
Maire de Pointe-à-Pitre
Merci de me faire l'honneur, non seulement de partager avec vous ce temps de mémoire, de reconstitution de soi même, fortifié que nous sommes, l'espace d'une commémoration, par les racines historiques d'un peuple, le votre, à l'écoute des premiers bâtisseurs et des histoires tragiques longtemps non révélées,
Mais plus encore de me demander de prononcer quelques mots, moi, issu d'un autre peuple, celui de la Guadeloupe, voisin certes mais à l'écoute de sa propre histoire.
Comment vous dire simplement ma quête partagée avec Serge Letchimy et ses camarades, à la recherche dans ces évènements historiques, chez vous comme chez nous, du fil conducteur qui donne du sens à la quotidienneté de notre engagement d'hommes politiques et d'élus de terrain. Et ce n'est rien de le dire au moment même où d'aucuns veulent remettre en question la légitimité des élus.
Comment vous dire l'espoir fou qui est le notre de faire du pragmatisme du bâtisseur, le marteau et le piolet capables de briser des chaines aujourd'hui encore .
Celles d'une culture tantôt ignorée, tantôt étouffée, tantôt récupérée,mais jamais révélée à elle même hors les politiques initiées ici par Aimée Césaire, là par Henri Bangou et reprises ensuite par les générations suivantes.
Celles économiques rappelées ces derniers mois à la conscience de la nation colonisatrice, elle même, comme frappée d'étonnement devant la révélation d'une emprise coloniale encore aussi fortement organisée dans une république toujours sourde à ses diversités.
Celles politiques d'un cadre statutaire unanimement reconnu comme inapte mais vis à vis duquel nos peuples encore déchirés n'ont pas voulu à ce jour s'éloigner. Tant il est vrai que loin du discours grandiloquent sur la souveraineté, le chemin de la responsabilité effraie encore nos peuples.
J'ai choisi très modestement de vous dire combien malgré nos différences vos combats trouvent échos auprès de nous et combien l'histoire continue de mêler nos destins.
Je n'avais pas dix ans quand Armand Nicolas publia en 1960 le premier récit historique de la révolte des esclaves du 22 mai 1848 à la Martinique.
Le récit lui même ne me fut pas révélé à cette date, mais la vie et le combat de ce militant et dirigeant communiste Martiniquais m'étaient déjà familiers, ma famille partageant avec lui et ses camarades des engagements communs et un militantisme étudiant identique qui les avaient conduits chacun de leur côté à travailler en pionniers de l'histoire de nos deux peuples revisitée à la lueur de leur formation marxiste.
Singulièrement, c'est en 1978 que plusieurs communes en Martinique, Fort-de-France, le François, le Lamentin, Macouba, Morne Rouge, Rivière Pilote, Trinité décident de commémorer à cette date cette page de l'histoire Martiniquaise en faisant sur leur territoire et pour leur personnel une journée chômée.
La même année s'achevait à Pointe-à-Pitre la construction sur la place des martyrs de la liberté du tertre de l'anneau brisé, monument symbolique rappelant au monde le sacrifice de Delgrès, Ignace et Solitude, le 28 mai 1802.
Et dès cette année la ville de Pointe-à-Pitre devait faire de cette date une journée chômée pour son personnel et consacrée à un dépôt de gerbe.
Tradition que nous maintenons vivace après 31 ans même si le choix du 27 mai fût finalement décidé par le gouvernement comme date commémorative pour la Guadeloupe.
(Sans revenir sur la pertinence du choix du 27 a contrario de celui du 28 mai, l'histoire riche des batailles pour la liberté de 1802 en Guadeloupe remplissant l'éphéméride de tous les jours de cette période de l'année, nous n'avons pas manqué de voir dans cette décision du gouvernement français en 1983 une pierre jetée dans le jardin de la seule action commémorative institutionnalisée par des Guadeloupéens de leur propre chef depuis 15 ans).
En choisissant d'honorer la révolte de 1848 ici en Martinique, comme nous en Guadeloupe nous fêtons la mémoire des batailles de 1802 et ses martyrs/ batailles tenues à Baimbridge par Ignace et ses compagnons, celles tenues de Baie-Mahault à Gourbeyre pour porter le combat de Pointe-à-Pitre à Basse-Terre, la fin tragique de Delgrés dans le fortin de Saint Claude/, les peuples de Martinique et de Guadeloupe entendent rappeler au monde que leur destin ils l'ont façonné eux- mêmes.
Nos peuples n'ont pas été spectateur et victimes consentantes de leur histoire.
C'est un enseignement clair que nous nous rappelons à nous même et aux générations montantes.
Battez vous!
Ne subissez pas!
Dressez la tête!
Voilà ce que nous disent à deux siècles presque d'intervalle nos ancêtres.
Et ils peuvent être fiers, je le crois, ce soir en voyant dans toute la Martinique les marques de reconnaissance. Ils peuvent être fiers aussi en voyant ça et là les fruits du combat continu mené au nom de ce peuple:
-Respect ainsi au nom de ces ancêtres pour l'œuvre d'Aimée Césaire ici dans cette ville capitale de Fort-de-France.
-Respect pour le docteur Pierre Aliker dont on se souviendra entre autre le cri jeté à la face de grands de ce monde dans le stade qui porte son nom, je cite: « le meilleur spécialiste de la Martinique est le Martiniquais ».
-Respect à celles et ceux qui continuent de bâtir et d'offrir au peuple Martiniquais cet espace de liberté où nous nous trouvons aujourd'hui.
Quoiqu'il en soit, les évènements récents montrent combien nous avons tous soif d'identité enracinée dans une histoire connue et assumée. Nous avons soif d'avancer vers l'avenir et de nouveaux destins enrichis d'un passé dont nous pouvons être fiers.
Mais si le combat de ceux qui ont sorti ce passé de l'ombre, celui des Armand Nicolas, d'Aimée Césaire ici, de Rémy Naissouta, d'Henri Bangou en Guadeloupe, et celui là bas comme ici, mené par tous les mouvements engagés pour la reconnaissance de nos histoires, est maintenant accompli, le combat d'aujourd'hui est celui du devenir de nos commémorations.
La tentation est grande d'en faire le jardin de nos seules visions politiques.
Il ne sera pas évident de toujours pouvoir en maintenir le caractère fédérateur et fondateur pour nos peuples. Les nouvelles générations seront en effet tentées de les recevoir comme une journée de vacances de plus pour un grand-pont festif.
Et il est fascinant, à mes yeux tout au moins, de voir combien la puissance colonisatrice a vite expurgée sa conscience en renvoyant à notre mémoire, et non à la sienne, nos histoires tourmentées.
Alors,cela signifie que le combat continue. Il nous appartient de continuer d'être acteur de notre histoire et comme le dit (je crois) Édouard Glissant, avoir « une vision prophétique du passé ».
A ce titre, au peuple Martiniquais debout pour slamer, battre le tambour, sonner la corne, filmer, chanter, danser, écrire les vérités d'aujourd'hui dans les espaces d'aujourd'hui, je dis bravo.
Et Bravo également à vous monsieur le député maire, à tous vos collègues, tous vos camarades et tous vos collaborateurs.
Je vous apporte la solidarité des miens les Guadeloupéens, celle de la ville dont j'ai la charge,Pointe-à-Pitre, celle du parti où je milite, le PPDG.
Respect pour ceux qui, ici en mai 1848, ont brisé leurs chaines, Respect chez moi pour les héros des batailles de 1802.
Jacques BANGOU
Maire de Pointe-à-Pitre