Il y a des récits qui peuvent être publiés dans les journaux ou dans les magazines. D’autres qu’il vaut mieux passer sous silence. L’histoire est encore chaude. Les braises vous brûlent les doigts. J’ai raconté l’aventure de l’or de la Banque de France transporté de Brest à Halifax (Canada) puis d’Halifax à Fort-de-France (Martinique) à bord du croiseur Émile Bertin en juin 1940. Mais je n’ai pas parlé de l’or envoyé à Dakar au Sénégal en juin 1940. 1.200 tonnes d’or français avec 200 tonnes d’or belge et 75 tonnes d’or polonais tirés de la Banque de France, embarqués les 16 et 17 juin à Brest et Lorient sur six navires dont le Victor Schœlcher. Le convoi arriva à Dakar le 28 juin et on stocka l’or d’abord à Thiès, un camp militaire situé à 64 km de Dakar, puis à Cayes, à 600 km.
Pourquoi croyez-vous que le Général de Gaulle avec l’aide de Churchill qui mit à sa disposition une flotte de la Royal Navy, ait entrepris un raid, les 23 et 24 septembre 1940 visant à s’emparer de Dakar ? Sûrement pas pour les beaux yeux du gouverneur général Boisson qui réussit à chasser les Français. Le Général de brigade (à titre provisoire) ne lui pardonna pas cet affront et se vengea par la suite. Si vous voulez que je vous la raconte en entier cette histoire, faites_-moi savoir.
Ne voulant pas vous ennuyer, je me contente parfois de rappeler certains détails comme cette consommation d’ignames par la Kriegsmarine qui donna tant de sueurs froides à certains de nos agriculteurs quand ils l’apprirent ! J’aurais bien d’autres récits, d’autres histoires à vous raconter. Des récits qui vous intéresseront, j’en suis persuadé. Au vrai, je pense que je suis devenu historien parce que je voulais apprendre ces histoires curieuses qui émaillent l’évolution du monde depuis que l’homme est descendu dans la savane africaine. Les millénaires ont passé, les guerres se sont multipliées, les civilisations se sont opposées, se sont mélangées ou parfois ont disparu en laissant peu de traces.
Récemment, j’ai rédigé un gros volume qui évoque une période difficile, au milieu du XIXe siècle aux Caraïbes : des colonies françaises, Guadeloupe, Guyane et Martinique. Une fois opérée la suppression de l’esclavage en 1848, ces territoires doivent affronter un processus de reconstruction de la colonisation sur des bases d’occupation militaire, de violences et d’oppression sociales.
Au centre de cette affaire, j’évoque un personnage, Léonard Sénégal, un leader informel, né en 1807, condamné aux assises de Basse-Terre, le 6 octobre 1851, aux travaux forcés à perpétuité. Il parviendra à survivre dans les bagnes de Guyane entre octobre 1852 et mai 1862. Il réussit à sortir de cet enfer des établissements pénitentiaires et à se réfugier en Haïti avec deux de ses enfants, ses fils Alexandre et Fontenelle Sénégal.
Cette histoire marque le début d’un processus d’indépendance pour la Guadeloupe. J’aurais voulu convaincre tous ceux qui pensent, qui lisent, qui écrivent, qui réfléchissent, bref, les « intellectuels » - comment les appeler autrement ? – de la société civile, de la nécessité pour eux, de l’obligation qu’ils ont de s’informer sur ce qui est enseigné dans leur université.
La surveillance des institutions est un comportement démocratique. Le peuple doit surveiller ses représentants, son gouvernement et les medias. Bref, être vigilant et contrôler tout ce qui constitue le pouvoir. On peut discuter de l’existence de la démocratie dans des colonies comme la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane. Je n’écrirai pas un article sur cette question, mais un livre qui risquerait bien sûr de froisser du beau monde.
Je reviens à cette question de connaissance de l’université. Je tiens énormément à ce que les médias soient moins enclins à se prosterner, à s’incliner devant les mandarins universitaires. Il s’agit ni plus ni moins dans cette affaire, de protéger nos enfants, les étudiants. Il faut donc savoir ce qui se passe dans ces enceintes universitaires d’où rien ne filtre à l’extérieur si on n’y prend pas garde. Quelles recherches pratique-t-on dans les unités universitaires de sciences, de sciences humaines et sociales et de lettres ? Les professeurs, les enseignants de l’université (Maître de conférences et autres chargés de cours) sont censés dispenser leurs cours en se fondant sur leurs propres investigations.
C’est le principe théorique de base. Un professeur des universités parle à ses étudiants de ses propres recherches, de ses travaux. Mais pratiquement, qu’en est-il dans les campus de Schœlcher, de Fouillole, de Saint-Claude et de Cayenne ?
La publication récente en 2011, d’un Guide de la Recherche en Histoire a semé quelques doutes dans les esprits. A lire ce gros volume, on se demande avec inquiétude où se cache la recherche en histoire ? Les auteurs de ce guide évoquent une liste d’interminables ouvrages. Le professeur Fernand Braudel titulaire de la chaire d’Histoire Moderne au Collège de France nous disait que les listes de titres d’une bibliographie s’apparentait à un cimetière.
Or, la recherche en histoire n’a rien à voir avec les cimetières, ni avec des listes d’ouvrages et de chroniques anciennes. Où se cache à l’université la recherche en histoire ?
Qui s’en occupe ?
C’est un domaine que je connais et je peux assurer que les investigations n’apparaissent nullement dans ce volume. Je le répète, on y trouve des tombes, des caveaux, des sépultures, mais point de populations vivantes, d’hommes et de femmes qui luttent pour survivre et pour combattre les obstacles de la colonisation. Où se trouvent les enseignants-chercheurs compétents, expérimentés, maîtrisant leur discipline ? Où ? J’aimerais bien qu’on me le dise.
Par ailleurs, que se passe-t-il en mathématiques ? Dans le département de recherche ? Nous avons tous le droit de le savoir. Il en est de même en archéologie, sociologie, économie ou en anthropologie…
L’université est un foyer culturel. Un foyer international : y-a-t-il des liens entre les universitaires des Caraïbes ? Y-a-t-il des rapports unissant notre université à l’université des West Indies, à l’université de Cuba, à l’université de Haïti et à l’université de la République dominicaine ? Sommes-nous liés à l’université du Mexique ? A l’université de Panama ? Avons-nous des contacts avec les universités du Venezuela et avec celles de la Colombie ? Toutes ces universités gravitant dans notre voisinage ont tant à échanger et nous de notre côté, que d’enquêtes à entreprendre !
On pourrait tenter ainsi de retrouver les traces de ces familles qui partirent au milieu du XIXe siècle de Guadeloupe et de Martinique pour se rendre au Venezuela, en Colombie, à Cuba, à Puerto-Rico, en République Dominicaine et en Haïti. Des familles qui fuyaient les violences policières et militaires des colonies françaises pour s’établir durablement dans ces pays de la région caraïbe où ils ont encore aujourd’hui des descendants qui connaissent leurs racines.
Il faudrait évidemment qu’il y ait dans notre université des professeurs, des enseignants avides de recherche fondamentale, des centres de recherches et des instruments d’investigation. Et la volonté de certains chercheurs de se mettre en quête de ces pistes ouvertes dans l’histoire des Caraïbes.
ORUNO D. LARA
CERCAM (Centre de Recherches Caraïbes-Amériques)
Pourquoi croyez-vous que le Général de Gaulle avec l’aide de Churchill qui mit à sa disposition une flotte de la Royal Navy, ait entrepris un raid, les 23 et 24 septembre 1940 visant à s’emparer de Dakar ? Sûrement pas pour les beaux yeux du gouverneur général Boisson qui réussit à chasser les Français. Le Général de brigade (à titre provisoire) ne lui pardonna pas cet affront et se vengea par la suite. Si vous voulez que je vous la raconte en entier cette histoire, faites_-moi savoir.
Ne voulant pas vous ennuyer, je me contente parfois de rappeler certains détails comme cette consommation d’ignames par la Kriegsmarine qui donna tant de sueurs froides à certains de nos agriculteurs quand ils l’apprirent ! J’aurais bien d’autres récits, d’autres histoires à vous raconter. Des récits qui vous intéresseront, j’en suis persuadé. Au vrai, je pense que je suis devenu historien parce que je voulais apprendre ces histoires curieuses qui émaillent l’évolution du monde depuis que l’homme est descendu dans la savane africaine. Les millénaires ont passé, les guerres se sont multipliées, les civilisations se sont opposées, se sont mélangées ou parfois ont disparu en laissant peu de traces.
Récemment, j’ai rédigé un gros volume qui évoque une période difficile, au milieu du XIXe siècle aux Caraïbes : des colonies françaises, Guadeloupe, Guyane et Martinique. Une fois opérée la suppression de l’esclavage en 1848, ces territoires doivent affronter un processus de reconstruction de la colonisation sur des bases d’occupation militaire, de violences et d’oppression sociales.
Au centre de cette affaire, j’évoque un personnage, Léonard Sénégal, un leader informel, né en 1807, condamné aux assises de Basse-Terre, le 6 octobre 1851, aux travaux forcés à perpétuité. Il parviendra à survivre dans les bagnes de Guyane entre octobre 1852 et mai 1862. Il réussit à sortir de cet enfer des établissements pénitentiaires et à se réfugier en Haïti avec deux de ses enfants, ses fils Alexandre et Fontenelle Sénégal.
Cette histoire marque le début d’un processus d’indépendance pour la Guadeloupe. J’aurais voulu convaincre tous ceux qui pensent, qui lisent, qui écrivent, qui réfléchissent, bref, les « intellectuels » - comment les appeler autrement ? – de la société civile, de la nécessité pour eux, de l’obligation qu’ils ont de s’informer sur ce qui est enseigné dans leur université.
La surveillance des institutions est un comportement démocratique. Le peuple doit surveiller ses représentants, son gouvernement et les medias. Bref, être vigilant et contrôler tout ce qui constitue le pouvoir. On peut discuter de l’existence de la démocratie dans des colonies comme la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane. Je n’écrirai pas un article sur cette question, mais un livre qui risquerait bien sûr de froisser du beau monde.
Je reviens à cette question de connaissance de l’université. Je tiens énormément à ce que les médias soient moins enclins à se prosterner, à s’incliner devant les mandarins universitaires. Il s’agit ni plus ni moins dans cette affaire, de protéger nos enfants, les étudiants. Il faut donc savoir ce qui se passe dans ces enceintes universitaires d’où rien ne filtre à l’extérieur si on n’y prend pas garde. Quelles recherches pratique-t-on dans les unités universitaires de sciences, de sciences humaines et sociales et de lettres ? Les professeurs, les enseignants de l’université (Maître de conférences et autres chargés de cours) sont censés dispenser leurs cours en se fondant sur leurs propres investigations.
C’est le principe théorique de base. Un professeur des universités parle à ses étudiants de ses propres recherches, de ses travaux. Mais pratiquement, qu’en est-il dans les campus de Schœlcher, de Fouillole, de Saint-Claude et de Cayenne ?
La publication récente en 2011, d’un Guide de la Recherche en Histoire a semé quelques doutes dans les esprits. A lire ce gros volume, on se demande avec inquiétude où se cache la recherche en histoire ? Les auteurs de ce guide évoquent une liste d’interminables ouvrages. Le professeur Fernand Braudel titulaire de la chaire d’Histoire Moderne au Collège de France nous disait que les listes de titres d’une bibliographie s’apparentait à un cimetière.
Or, la recherche en histoire n’a rien à voir avec les cimetières, ni avec des listes d’ouvrages et de chroniques anciennes. Où se cache à l’université la recherche en histoire ?
Qui s’en occupe ?
C’est un domaine que je connais et je peux assurer que les investigations n’apparaissent nullement dans ce volume. Je le répète, on y trouve des tombes, des caveaux, des sépultures, mais point de populations vivantes, d’hommes et de femmes qui luttent pour survivre et pour combattre les obstacles de la colonisation. Où se trouvent les enseignants-chercheurs compétents, expérimentés, maîtrisant leur discipline ? Où ? J’aimerais bien qu’on me le dise.
Par ailleurs, que se passe-t-il en mathématiques ? Dans le département de recherche ? Nous avons tous le droit de le savoir. Il en est de même en archéologie, sociologie, économie ou en anthropologie…
L’université est un foyer culturel. Un foyer international : y-a-t-il des liens entre les universitaires des Caraïbes ? Y-a-t-il des rapports unissant notre université à l’université des West Indies, à l’université de Cuba, à l’université de Haïti et à l’université de la République dominicaine ? Sommes-nous liés à l’université du Mexique ? A l’université de Panama ? Avons-nous des contacts avec les universités du Venezuela et avec celles de la Colombie ? Toutes ces universités gravitant dans notre voisinage ont tant à échanger et nous de notre côté, que d’enquêtes à entreprendre !
On pourrait tenter ainsi de retrouver les traces de ces familles qui partirent au milieu du XIXe siècle de Guadeloupe et de Martinique pour se rendre au Venezuela, en Colombie, à Cuba, à Puerto-Rico, en République Dominicaine et en Haïti. Des familles qui fuyaient les violences policières et militaires des colonies françaises pour s’établir durablement dans ces pays de la région caraïbe où ils ont encore aujourd’hui des descendants qui connaissent leurs racines.
Il faudrait évidemment qu’il y ait dans notre université des professeurs, des enseignants avides de recherche fondamentale, des centres de recherches et des instruments d’investigation. Et la volonté de certains chercheurs de se mettre en quête de ces pistes ouvertes dans l’histoire des Caraïbes.
ORUNO D. LARA
CERCAM (Centre de Recherches Caraïbes-Amériques)