Nous nous reconnaissons à plus d’un titre dans ce courrier et si dans son ensemble ce texte nous agrée, nous retiendrons en particulier, sa préoccupation patrimoniale quand il dit « faut-il au nom du modernisme, des normes parasismiques, les démolir ou les classer pour mieux les protéger ?». Attentif à démontrer sa valeur historique, il conclut en insistant sur la nécessité de sa protection : « sauvegarder notre patrimoine, c’est une manifestation patriotique.
Appuyons la revendication pour que l’actuel lycée soit classé monument historique, comme l’a demandé Aimé Césaire. Toute polémique serait superfétation ».
Cette prise de position intervenait 10 jours après celle d’Aimé Césaire (daté du 10 octobre 2007) et depuis le dossier du Lycée Schœlcher semblait avancer inexorablement dans l’indifférence et dans une certaine acceptation fataliste de la disparition inéluctable de ce lycée.
Le 5 septembre 2008, « France-Antilles » publiait une tribune que nous avons signée, intitulée « Le patrimoine, promesse d’avenir ».
Nous aurions pu nous réjouir du fait que cet article ait déclenché un débat sur la dimension patrimoniale du Lycée Schœlcher et le patrimoine en général en Martinique si ces réponses n’avaient été autant polémiques, malveillantes, réductrices et politiciennes pour la plupart. Néanmoins, ce débat a surgi sur la scène publique et il a brisé la lourde et pesante chape de plomb qui pèse sur ce pays.
Et l’on se plait à penser qu’il pourrait permettre à la population martiniquaise de se faire sa propre idée sur cette question.
Dans l’état actuel des interventions : « Le bal des hypocrites », « Lycée Schœlcher : d’une idéologie à l’autre », « Pourquoi ne pas démolir et reconstruire ? », « le LS et les schœlchéristes tardifs », etc (j’en oublie), tous se proposent de porter un point de vue éclairant et décisif.
Tous ont cependant un point commun, celui de ne pas répondre au problème de fond posé par cet article mais de donner une interprétation politicienne des prétendus véritables objectifs du texte à savoir l’expression d’un conflit entre la municipalité de Fort-de-France et la Région Martinique.
En effet, les auteurs de ces articles, Monsieur le Professeur des Universités, dont la réponse s’apparente plus à la farce de mauvais goût d’un humoriste grincheux.
Madame la Professeure, polémiste pathétique ou Messieurs les Professeurs en mal de victoire électorale (décidément il n’y a que des professeurs !) nous consternent tant il y a de la malhonnêteté intellectuelle dans leur volonté farouche de dénigrer et d’attaquer, non pour ce qui est énoncé dans cette tribune, mais pour les qualités précisées de l’auteur. (Qualités ni usurpées, ni octroyées).
Vous auriez sûrement souhaité, Madame et Messieurs les professeurs, que nous avancions masquée, parée d’une fausse modestie comme vous en usez pour affirmer votre propre autorité ?
Néanmoins, tous ces textes montrent sans ambages que le problème posé par la démolition et la reconstruction du Lycée Schœlcher relève de véritables enjeux politiques.
Le refus de la patrimonialisation du lycée Schœlcher et les différentes positions qui s’expriment mettent en évidence l’expression des cultures politiques qui sont au fondement de nos choix politiques.
Il s’agit de savoir dans quel type de société nous voulons vivre et surtout quel type de gouvernance nous acceptons.
Comment vivre ensemble sans débat démocratique et comment fonder l’avenir de nos pays, si fragiles, sans un ancrage à ce qui a fait nos repères, nos références et notre passé.
En ce sens, on peut être indépendantiste et patriote et fier de l’être tout en reconnaissant la valeur patrimoniale du premier lycée martiniquais, voulu par des Martiniquais depuis 1880 et devenu un lieu de vie, d’expériences affectives et intellectuelles, de brassage des Martiniquais venus de tout horizon.
Toutes les critiques adressées à cet article (l’absence de prise en compte des problèmes de sécurité, l’élitisme de la formation coloniale) ont de quoi surprendre dans la mesure où ils avaient été abordés dans l’article qui de fait ne se limitait pas à une vision idéaliste et nostalgique d’un passé paré de toutes les vertus.
Quant aux critiques qui ne visent qu’à dénigrer (césairolâtrie, schœlchérisme tardif, manque de déontologie, de rigueur intellectuelle, naïveté politique et j’en passe), elles révèlent plus un mal-être dans le rapport au savoir qu’une volonté réelle de poser les termes d’un débat de fond.
Il faut croire que la violence, l’humour, l’ironie traduisent le fait que l’article touche à des questions extrêmement sensibles notamment dans notre contexte politique, social et culturel. Ils se trompent donc de cible et oublient le contexte de combat politique dans lequel nous nous situons.
Car nous ne confondons ni l’histoire officielle coloniale dominante qui engendre des formes d’aliénation et de déni de mémoire que nous dénoncions au début de notre article, ni l’histoire détournée à des fins politiques et à des usages publics et ni l’histoire scientifique centrée sur nos problématiques et nos réalités caribéennes qui seule peut être un véritable instrument de connaissance, de solidarité caribéenne et de libération.
Dans cette dernière perspective, le lycée Schœlcher ne saurait être un bouc-émissaire de la politique scolaire et coloniale d’une époque. On peut très bien comprendre que ce type d’arguments puisse séduire les lecteurs mais il ne faudrait pas se laisser abuser par ce qui s’apparente à une forme de manipulation et d’exacerbation des sentiments populistes.
Qu’en est-il réellement ?
Ce n’est pas un hasard si la sauvegarde du lycée Schœlcher suscite tant de passions et de polémiques. Par son nom, sa fonction, il met à jour les grands enjeux de la politique et l’insoutenable du rapport à Schœlcher, et pour certains à Césaire, dans notre histoire.
Notre objectif essentiel était de poser le problème du rapport au patrimoine dans les sociétés dominées et post-esclavagistes et de montrer la difficulté qu’il y a à assumer, de manière apaisée, notre rapport à l’histoire afin de mieux construire l’avenir.
Il y a comme un certain paradoxe à commémorer d’une part le 22 mai comme acte fondamental de la libération du peuple martiniquais et d’autre part à conserver majoritairement des habitations (classés ou inscrits à l’inventaire) tout en refusant de protéger un haut lieu de la formation de la conscience critique et émancipatrice de la jeunesse.
L’histoire de ce pays ne s’arrête pas en 1848 et ce qui se passe entre 1848 et nos jours ressort de la lutte pour la construction d’un espace public autonome et démocratique.
Quelles que soient les interprétations que l’on peut donner des actions patrimoniales de la mairie de Fort-de-France dans un contexte difficile de révolution culturelle et urbaine, cela interdit-il de continuer à progresser afin d’aller vers une Martinique démocratique, solidaire et moderne ?
Nous rappelons avec les membres du collectif et ceux qui soutiennent notre action, que nous sommes conscients des problèmes de sécurité et que nous ne sommes pas opposés à la démolition des bâtiments qui peuvent s’avérer dangereux.
Nous ne sommes pas passéistes et nostalgiques du vieux béton. Nous voulons en revanche d’une reconstruction « à l’identique », c’est-à-dire qui respecte les acquis patrimoniaux de l’architecture et de l’esprit des lieux.
L’enjeu est de taille dans la construction d’une culture partagée qui prenne en compte tous les patrimoines matériel et immatériel. Dans le cadre de la mondialisation, il est plus que jamais important de sauvegarder nos lieux de vie, de mémoire à partir desquels nous avons construit, nous construisons et construirons notre identité.
Nous permettra-t-on de revenir à André Constant lorsqu’il dit : « l’actuel lycée Schœlcher fait partie de notre paysage culturel, de notre en soi. Certes l’homme peut vivre de mythes et de souvenirs. Mais quand c’est lui-même de son plein gré, qui brise son substrat, c’est pire ».
Elisabeth LANDI
Agrégée d’Histoire
Professeur de Chaire Supérieure.
Appuyons la revendication pour que l’actuel lycée soit classé monument historique, comme l’a demandé Aimé Césaire. Toute polémique serait superfétation ».
Cette prise de position intervenait 10 jours après celle d’Aimé Césaire (daté du 10 octobre 2007) et depuis le dossier du Lycée Schœlcher semblait avancer inexorablement dans l’indifférence et dans une certaine acceptation fataliste de la disparition inéluctable de ce lycée.
Le 5 septembre 2008, « France-Antilles » publiait une tribune que nous avons signée, intitulée « Le patrimoine, promesse d’avenir ».
Nous aurions pu nous réjouir du fait que cet article ait déclenché un débat sur la dimension patrimoniale du Lycée Schœlcher et le patrimoine en général en Martinique si ces réponses n’avaient été autant polémiques, malveillantes, réductrices et politiciennes pour la plupart. Néanmoins, ce débat a surgi sur la scène publique et il a brisé la lourde et pesante chape de plomb qui pèse sur ce pays.
Et l’on se plait à penser qu’il pourrait permettre à la population martiniquaise de se faire sa propre idée sur cette question.
Dans l’état actuel des interventions : « Le bal des hypocrites », « Lycée Schœlcher : d’une idéologie à l’autre », « Pourquoi ne pas démolir et reconstruire ? », « le LS et les schœlchéristes tardifs », etc (j’en oublie), tous se proposent de porter un point de vue éclairant et décisif.
Tous ont cependant un point commun, celui de ne pas répondre au problème de fond posé par cet article mais de donner une interprétation politicienne des prétendus véritables objectifs du texte à savoir l’expression d’un conflit entre la municipalité de Fort-de-France et la Région Martinique.
En effet, les auteurs de ces articles, Monsieur le Professeur des Universités, dont la réponse s’apparente plus à la farce de mauvais goût d’un humoriste grincheux.
Madame la Professeure, polémiste pathétique ou Messieurs les Professeurs en mal de victoire électorale (décidément il n’y a que des professeurs !) nous consternent tant il y a de la malhonnêteté intellectuelle dans leur volonté farouche de dénigrer et d’attaquer, non pour ce qui est énoncé dans cette tribune, mais pour les qualités précisées de l’auteur. (Qualités ni usurpées, ni octroyées).
Vous auriez sûrement souhaité, Madame et Messieurs les professeurs, que nous avancions masquée, parée d’une fausse modestie comme vous en usez pour affirmer votre propre autorité ?
Néanmoins, tous ces textes montrent sans ambages que le problème posé par la démolition et la reconstruction du Lycée Schœlcher relève de véritables enjeux politiques.
Le refus de la patrimonialisation du lycée Schœlcher et les différentes positions qui s’expriment mettent en évidence l’expression des cultures politiques qui sont au fondement de nos choix politiques.
Il s’agit de savoir dans quel type de société nous voulons vivre et surtout quel type de gouvernance nous acceptons.
Comment vivre ensemble sans débat démocratique et comment fonder l’avenir de nos pays, si fragiles, sans un ancrage à ce qui a fait nos repères, nos références et notre passé.
En ce sens, on peut être indépendantiste et patriote et fier de l’être tout en reconnaissant la valeur patrimoniale du premier lycée martiniquais, voulu par des Martiniquais depuis 1880 et devenu un lieu de vie, d’expériences affectives et intellectuelles, de brassage des Martiniquais venus de tout horizon.
Toutes les critiques adressées à cet article (l’absence de prise en compte des problèmes de sécurité, l’élitisme de la formation coloniale) ont de quoi surprendre dans la mesure où ils avaient été abordés dans l’article qui de fait ne se limitait pas à une vision idéaliste et nostalgique d’un passé paré de toutes les vertus.
Quant aux critiques qui ne visent qu’à dénigrer (césairolâtrie, schœlchérisme tardif, manque de déontologie, de rigueur intellectuelle, naïveté politique et j’en passe), elles révèlent plus un mal-être dans le rapport au savoir qu’une volonté réelle de poser les termes d’un débat de fond.
Il faut croire que la violence, l’humour, l’ironie traduisent le fait que l’article touche à des questions extrêmement sensibles notamment dans notre contexte politique, social et culturel. Ils se trompent donc de cible et oublient le contexte de combat politique dans lequel nous nous situons.
Car nous ne confondons ni l’histoire officielle coloniale dominante qui engendre des formes d’aliénation et de déni de mémoire que nous dénoncions au début de notre article, ni l’histoire détournée à des fins politiques et à des usages publics et ni l’histoire scientifique centrée sur nos problématiques et nos réalités caribéennes qui seule peut être un véritable instrument de connaissance, de solidarité caribéenne et de libération.
Dans cette dernière perspective, le lycée Schœlcher ne saurait être un bouc-émissaire de la politique scolaire et coloniale d’une époque. On peut très bien comprendre que ce type d’arguments puisse séduire les lecteurs mais il ne faudrait pas se laisser abuser par ce qui s’apparente à une forme de manipulation et d’exacerbation des sentiments populistes.
Qu’en est-il réellement ?
Ce n’est pas un hasard si la sauvegarde du lycée Schœlcher suscite tant de passions et de polémiques. Par son nom, sa fonction, il met à jour les grands enjeux de la politique et l’insoutenable du rapport à Schœlcher, et pour certains à Césaire, dans notre histoire.
Notre objectif essentiel était de poser le problème du rapport au patrimoine dans les sociétés dominées et post-esclavagistes et de montrer la difficulté qu’il y a à assumer, de manière apaisée, notre rapport à l’histoire afin de mieux construire l’avenir.
Il y a comme un certain paradoxe à commémorer d’une part le 22 mai comme acte fondamental de la libération du peuple martiniquais et d’autre part à conserver majoritairement des habitations (classés ou inscrits à l’inventaire) tout en refusant de protéger un haut lieu de la formation de la conscience critique et émancipatrice de la jeunesse.
L’histoire de ce pays ne s’arrête pas en 1848 et ce qui se passe entre 1848 et nos jours ressort de la lutte pour la construction d’un espace public autonome et démocratique.
Quelles que soient les interprétations que l’on peut donner des actions patrimoniales de la mairie de Fort-de-France dans un contexte difficile de révolution culturelle et urbaine, cela interdit-il de continuer à progresser afin d’aller vers une Martinique démocratique, solidaire et moderne ?
Nous rappelons avec les membres du collectif et ceux qui soutiennent notre action, que nous sommes conscients des problèmes de sécurité et que nous ne sommes pas opposés à la démolition des bâtiments qui peuvent s’avérer dangereux.
Nous ne sommes pas passéistes et nostalgiques du vieux béton. Nous voulons en revanche d’une reconstruction « à l’identique », c’est-à-dire qui respecte les acquis patrimoniaux de l’architecture et de l’esprit des lieux.
L’enjeu est de taille dans la construction d’une culture partagée qui prenne en compte tous les patrimoines matériel et immatériel. Dans le cadre de la mondialisation, il est plus que jamais important de sauvegarder nos lieux de vie, de mémoire à partir desquels nous avons construit, nous construisons et construirons notre identité.
Nous permettra-t-on de revenir à André Constant lorsqu’il dit : « l’actuel lycée Schœlcher fait partie de notre paysage culturel, de notre en soi. Certes l’homme peut vivre de mythes et de souvenirs. Mais quand c’est lui-même de son plein gré, qui brise son substrat, c’est pire ».
Elisabeth LANDI
Agrégée d’Histoire
Professeur de Chaire Supérieure.