Lu pour vous / Mais la plupart d’entre nous participons à ce que l’on appelle la culture du viol,

Source AL-WATWAN Le premier journal des Comores


Rédigé le Mardi 3 Octobre 2017 à 08:20 |
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Devenir femme comorienne c’est apprendre que nous sommes toutes coupables d’attirer sur nous le regard masculin et d’en subir les conséquences. Quand viennent les premières règles, notre corps devient celui d’une femme, mais c’est encore à un esprit d’enfant qu’est fait le sermon qui scelle notre destin de proie perpétuelle.


Ce qui fait de nous des cibles, ce n’est pas nous, mais l’agresseur. Très souvent on ne retient que la dimension sexuelle de l’agression, pas la violence, pas la contrainte. De femme, elle passe de «victime» à «provocatrice», «allumeuse », «manipulatrice», «menteuse» puis à «pute». L’insulte ultime.

Tout le monde est contre le viol. Il est unanimement perçu comme une abomination. Mais la plupart d’entre nous participe à ce que l’on appelle la culture du viol, et pour les victimes, cette culture est une double condamnation, psychologique et sociale.


Rappelons d’abord qu’un viol ou une agression sexuelle, dénomination plus large qui englobe toute atteinte à l’intégrité de l’intime, est un acte de nature sexuelle imposé à une victime sous la contrainte et sans consentement.

La violence réside dans la transgression de la volonté de la victime autant que dans l’acte en lui-même. Mais tout le monde est contre le viol, n’est-ce pas?

Parlons d’abord de l’ensemble des réactions et des préjugés qui organisent, de fait, l’impunité des agresseurs, la culpabilisation des victimes. Parlons donc culture du viol.

Devenir femme comorienne c’est apprendre que nous sommes toutes coupables d’attirer sur nous le regard masculin et d’en subir les conséquences. Quand viennent les premières règles, notre corps devient celui d’une femme, mais c’est encore à un esprit d’enfant qu’est fait le sermon qui scelle notre destin de proie perpétuelle.

Ne pas les regarder dans les yeux. Ne pas leur parler seule. Ne pas les laisser vous toucher. Surtout ne pas les provoquer sinon... l’indicible. L’indicible ici étant le viol. L’inacceptable étant de faire peser l’entière responsabilité de cette agression sur les épaules des petites filles.

Ces mises en garde, bien que partant d’une bonne volonté, vous enfonce dans la tête que si jamais quelque chose vous arrive, on ne peut s’en prendre qu’à nous-mêmes. C’est le cœur du principe de la culture du viol : clouer la victime au pilori et lui faire porter l’entière responsabilité de son agression.

Pour cela, proches et inconnus, de concert, recourent à toutes sortes de réactions, des accusations directes aux pseudo-questionnements: que portait la victime? Avait-elle déjà eu un amant? Connaissait-elle son agresseur? Lui a-t-elle dit non? Assez fort? L’a-t-elle repoussé? Où était-elle? Que faisait-elle là? Était-elle belle? Quelle heure était-il ? Des questions dérisoires car souvent ceux qui les posent ne recherchent les réponses que pour conforter leur scepticisme.

« Ah ! C’était en boîte de nuit ? Qui lui a dit d’aller en boîte de nuit ? Elle l’a bien cherché..». Dérisoires car rien ne permet de justifier ou de relativiser un viol. Le viol ne résulte pas d’une pulsion incontrôlable mais du choix de commettre un acte criminel. Les hommes ne sont pas des chiens, mais les membres d’un corps social à qui on excuse toutes les barbaries pour peu qu’elles aient été commises sur «qui l’a bien cherché».

Ce qui fait de nous des cibles, ce n’est pas nous, mais l’agresseur. Très souvent on ne retient que la dimension sexuelle de l’agression, pas la violence, pas la contrainte. De femme, elle passe de «victime» à «provocatrice», «allumeuse », «manipulatrice», «menteuse» puis à «pute». L’insulte ultime.

Pourtant, on le sait, toutes les femmes sont susceptibles d’être violées ou harcelées sexuellement. Petites, grosses, grandes, voilées, édentées, sages, rebelles, enfants, bébés. Et toutes sont susceptibles de faire face à ce scepticisme général. Il est grand temps que le poids de la culpabilité pèse enfin sur qui de droit. L’agresseur.

Il est temps que l’on se penche sur l’éducation de nos enfants, que nous apprenions tous, hommes et femmes, à respecter l’intégrité du corps féminin. Que, dans l’espace public, ce corps puisse exister, se mouvoir, se dévoiler en paix.

Aujourd’hui, il est l’objet des regards insistants, des insultes, de commentaires concupiscents. La violence sexuelle est à un niveau endémique, il suffit de regarder autour de soi. Vous connaissez forcément une victime d’agression sexuelle. Faites votre propre enquête, parmi vos proches, une voire probablement plusieurs personnes ont déjà vécu des violences sexuelles à des degrés divers.

Le harcèlement est très commun, toute femme y a été confrontée : dans un taxi, à Volo-volo, à Badjanani… Les attouchements également, mains aux fesses, baisers imposés, souvent par une personne ayant l’autorité, parent ou patron dans ces cas-là que faire? Se taire souvent. Essayer d’oublier.

Les agressions sexuelles sont très répandues et c’est une conversation nationale que nous devons avoir sur le sujet. Posez votre journal, et demandez à votre conjoint, votre ami, votre parent, votre enfant, votre voisin : as-tu déjà dû faire face à un acte sexuel non consenti? Parlez-en. Une victime est-elle déjà venue se confier à vous ? Quelle a été votre réaction ? Réagiriez-vous de la même façon aujourd’hui ? Pour lutter contre la culture du viol, démystifions les croyances sur les victimes et sur le viol. Parlons-en.

Biheri


Femme d'action.
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