Littérature haïtienne : ET SI LE NOM « SUPPLICE »M’ÉTAIT CONTÉ

Quels ont été leurs apports à l’histoire nationale?Quelles sont les grands soubresauts de notre vie nationale auxquels des membres éminents de cette famille ont-ils participé?

Ce livre est à placer dans un vaste mouvement mémoriel entrepris par l’auteur consistant à explorer notre mémoire vacillante afin de faire œuvre utile mais surtout de lancer en filigrane un appel à la jeunesse de ce pays qui doit s’intéresser au passé afin d’éclairer le présent car sans une compréhension exacte du passé on ne saurait comprendre le présent encore moins de pouvoir influer d’une manière positive sur le destin du pays laisser par nos valeureux devanciers.



Cet article nous est soumis par : Maguet Delva, Responsable de Communication et des Relations Publiques, à Consulat Général de la République d'Haïti à Paris

Maguet Delva
Dans cet objectif faire défiler les souvenirs de sa famille sont tout aussi intéressants que d’autres pans de notre histoire nationale. Sous cette pente et dans ce registre des sciences sociales où Haïti se porte à merveille Daniel Supllice vient encore de frapper, levant comme toujours des voiles obscures sur une partie de notre histoire méconnue. Après « Quand Gérard Gourgue parle de Clément Jumelle » Quand Emile saint Lot parle de 46 » « Simple billet à suivi de Lettre ouverte à surtout « dictionnaire biographique des personnalités politiques de la République d’Haiti ». Cette fois c’est un Daniel Supllice qui nous invite à plonger dans les méandres de sa propre famille les Supllice. En quelle année sont-ils arrivés en territoire haïtien sous colonie française. Ont-ils été des spectateurs engagés ou des réactionnaires prenant fait et cause pour les colons français?

Quels ont été leurs apports à l’histoire nationale?Quelles sont les grands soubresauts de notre vie nationale auxquels des membres éminents de cette famille ont-ils participé?

On retrouve « les Supplice » depuis la période coloniale française en fait ils sont arrivés dans les bagages des colons et s’installent d’abord à Saint Marc dans le Département de l’Artibonite disons une partie de la famille s’est installée et a fait souche. L’auteur à partir des archives patiemment dépouilles a pu retracer la généalogie de sa famille: « La branche Supllice qui est établie en Haïti est donc originaire de France. À saint Domingue, c’est en 1760 à Dondon dans l’actuel département du Nord que nous avons trouvé le nom Supplice mentionné pour la première fois dans une correspondance officielle. Elle s’est ensuite brièvement installée aux Gonaives, et en 1800 suite au départ de leur frère Thoman pour la Martinique, les négociants Etienne , Louis et Bélanger Supplice s’installèrent à Saint Marc. »

LA POLITIQUE ET LES FAMILLES HAÏTIENNES

Daniel Supllice affirme avec arguments et archives à l’appui que des membres de sa famille étaient aux côtés des combattants Haïtiens qui luttèrent pour leurs libertés et l’indépendance de leur pays. Incontestablement mais comme souvent dans les familles haïtiennes, les positions politiques sont nuancées et ne sont jamais monolithiques. Pendant le règne de Duvalier père et fils,les familles se sont déchirées au point que l’on retrouve un père président de l’assemblée nationale,Jaurès Leveque et un fils Louissaint Jaurès débarqué aux côtés des envahisseurs dans le but de renverser le régime.
Il en est de même pour les delva certains furent des duvalieristes dès la première heure d’autres des jumellistes convaincus. or il se trouve qu’un Pierrot Delva fonctionnant sans doute sous un pseudonyme,neveu de Zacharie Delva a été tué à cazale, il faisait de la guérilla en vue de renverser le dictateur francois Duvalier.


Il est tout aussi évident que d’autres membres de la famille Supplice aient été du côté des colons,ce sont les données de l’histoire et celles de notre pays sont extrêmement compliquées à ce niveau. Néanmoins l’auteur a su étayer sa thèse et raconte avec brio le patriotisme de sa famille et c’est cela l’essentiel:

« Quoique d’origine française et, contrairement à ce que certains historiens rapportent les Supllice ont toujours eu de bons rapports avec les premiers dirigeants. Proche du Général Jean Jacques Dessalines devenu par la suite empereur, la famille Supplice participa non seulement au financement de la guerre de l’indépendance , mais aussi lutta aux côtés des anciens esclaves au niveau de différents grades militaires. »

On suit l’installation des Supllice un peu partout dans le pays au gré de nos turbulences politiques, Dieu sait qu’il y en a eu particulièrement après la mort de Jean Jacques Dessalines: « suite à l’assassinat de l’empereur le 17 Octobre 1806, les Supllice furent obligés de laisser Saint Marc et de s’exiler au Cap département du Nord ) où ils furent accueillis par Henry Christophe qui leur confirma rang et privilèges. Suite au suicide de Christophe à Milot le 8 Octobre 1820, la famille Supplice retourna s’établir définitivement à Saint Marc » p. 27

À partir de là, l’auteur nous entraine avec des documents à l’appui dans le cheminement d’une famille qui a toujours occupé des hautes fonctions dans les différents gouvernements. On retrouve des militaires, des conseillers, des Députés et sénateurs des membres éminents de la basoche haïtienne etc. Dans l’introduction une mise en garde tout même qui vaut son pesant d’or afin de situer ce travail dans l’histoire politique du pays et non comme certains peuvent le penser et prétendre un travail d’auto glorification en un mot narcissique. C’est vrai qu’en Haïti il n’y a quasiment pas de travaux sur les généalogies des familles encore moins des historiens spécialisés dans ce domaine particulier de l’histoire qu’est l’itinéraire des familles. D’où pourquoi ce travail est doublement salutaire car à travers cette famille on a finalement une vue d’ensemble des grands soubresauts de l’histoire nationale.


De la plaine de l’Orenoque au Nord du Brésil , de la côte Ouest de l’Afrique, de l’Europe en quête de possessions coloniales jusqu’à l’arrivée des fils de la Grande Syrie vers la fin du 19 ieme siècle, nous sommes tous des migrants fils, petits fils, ou arrière petit fils de migrants »

En outre ce sont des archives qui dormaient dans les tiroirs jaunis qui remontent à la surface et racontent au jour le jour les processus des décisions politiques qu’incombent la Nation et ce dès 1805. En histoire et singulièrement celle d’Haiti constitue un puzzle géant ou chaque paramètre est une plongée dans les ramifications d’un passé tellement présent. L’actualité récente nous prouve si besoin est ceux qui nous méprisent avaient bénéficié de notre générosité dans le passé.

Monsieur Al Fayed n’a-t-il pas déclaré qu’il est millionnaire grâce à Haïti. Il est temps que nos historiens haïtiens penchent surs les familles européennes ou autres qui se sont enrichies et qui ont bâti leurs fortunes en Haïti. Cette piste familiale orchestrée avec maestria par l’ancien ambassadeur de la République d’Haiti est une preuve vivante que l’on peut trouver des renseignements précieux dans les archives qui nous permettent de voir l’horizon de notre passé et présent en grand. Ah désormais le chemin de l’histoire des familles haïtiennes est ouvert chacun peut puiser dans les archives du pays pour faire remonter la part de sa famille dans l’histoire nationale.

Ce d’autant plus que nous sommes tous des immigrés d’une manière ou d’une autre à un moment donné de la vie des gens sont obligés de partir s’enfuir en quête d’une vie meilleure personne ne laisse son pays avec sourire aux lèvres. Quand les martiniquais sont rentrés en Haïti après l’irruption de la montagne pelée en 1902 qui avait détruit Saint Pierre la capitale de la Martinique a l’époque beaucoup de commerçants et d’autres ont trouvé refuge dans l’eldorado que fut Haïti.

Dans cet ouvrage, le Diplomate démontre comment sa famille est arrivée en Haïti et a fait souche au fil des ans mais cette histoire personnelle est aussi la nôtre d’une manière ou d’une autre: « L’histoire des familles Haïtiennes tout comme l’histoire politique d’Haiti est une histoire de migration et la formation ethnique haïtienne n’est que le produit, dans le temps, d’un heureux métissage. De la plaine de l’Orenoque au Nord du Brésil , de la côte Ouest de l’Afrique, de l’Europe en quête de possessions coloniales jusqu’à l’arrivée des fils de la Grande Syrie vers la fin du 19 ieme siècle, nous sommes tous des migrants fils, petits fils, ou arrière petit fils de migrants »


Alors les Supplice qui étaient au service du gouvernement du royaume du Nord entretenaient ils des contacts avec celles et ceux restés dans le Sud. Des réponses exhaustives à cette question sont dans cet ouvrage qui a pour principal mérite de faire un tour d’horizon complet d’une famille dont l’histoire est indéfectiblement liée à notre histoire nationale

On retrouve les Supplice dans les grandes périodes qui ont marquées notre histoire nationale les archives sont là tantôt sous la plume du précurseur de notre indépendance Toussaint Louverture ou encore sous celle de celui qui a fondé une nation à la barbe des colons européens Jean jacques Dessalines. On a retrouvé un supllice des 1792 dans une lettre du grand quartier général de Dondon signée du précurseur de l’indépendance d’Haiti le général Toussaint Louverture

« Monsieur Aide de camp La présente est pour vous recommander Monsieur Bélanger Supplice à la paroisse des Verrettes
Je vous salue avec considération
Toussaint Louverture
15 juin 1799 »

Et cette lettre bienveillante de Jean jacques Dessalines qui annonce l’arrivée du capitaine Supplice à Saint Marc. « Au capitaine d’infanterie Supplice qui se rend en mission à saint Marc. Les autorités sont invités à lui accorder lettres manquantes et protection pendant tout le temps que durera sa mission

10 Août 1805
L’empereur
Dessalines »
Toujours en cette même année de 1805 c’est Francois Capois qui signe une lettre recommandant les frères Supplice tenez vous bien comme des compétents dans un domaine précis o combien stratégique « J’ai l’honneur de vous annoncer que les travaux de fortifications se poursuivent activement à Laxavon afin d’aller encore plus vite j’ai écrit au chef d’Etat Major général de l’Armée de faire tout ce qui est possible pour m’envoyer les frères Supplice connus pour leurs expériences en matière de fortifications
Francois Capois

2 Août1805 »

Des courriers émanants des plus hautes autorités de L’Etat permettent de retracer avec minutie le parcours des membres de la famille. Comme ces lettres signées des généraux Toussaint Louverture Jean jacques Dessalines mais parfois des simples courriers administratifs qui en disent long sur les querelles familiales et parfois d’autres pleins de tendresses et de bienveillance qui démontrent à la rigueur un art de vivre à la Haïtienne:« Nous avons l’honneur de vous accuser réception des présents que vous avez envoyé à notre nouveau né. Ils nous ont été très agréable etc et c’est signé madame Voltaire Supplice

16 Mars 1817

Évidemment la saga familiale a épousée les deux siècles d’histoire avec une continuité sans faille. On retrouve les titres et les gloires alignées. Les « de » devant des noms font leur apparition. Toutes les dénominations d’une Royauté en gestation sont concentrées dans ces deux lettres envoyées le 8 Juin 1850 au chevalier Michel de Supplice et porte la signature du duc de Saint Louis du Sud qui faisait office du ministre des Finances le Futur président Lysius Salomon et comme à l’époque les usages protocolaires étaient de rigueur c’est noté et approuvé par l’empereur Faustin1er dit soulouque. Celui la même que les journaux parisiens peignaient comme un abruti de premier.

« Monseigneur,

Trouvez bon que je vous envoie par le commandant général et duc de la bande du Nord de passage ici l’ordre total des dépenses s’élevant à la somme de huit cent soixante huit gourdes soixante quinze centimes »
Votre très humble et très fidèle serviteur
Michel de Supplice P.130

La période Royale avec les déclinaisons qui vont avec sont actes et les Supplice avec leurs particules faisaient leurs apparitions avec grades et décorations, comme atteste cette lettre il y en a une bonne dizaine comme ça.
Alors que les vainqueurs des français s’entredéchiraient à n’en plus finir au lendemain de la mort du fondateur de la nation Jean JacquesDessalines en 1806. Cette division s’est matérialisée avec la partition du pays en deux une République du Sud avec Alexandre Petion à sa tête et le royaume du Nord avec Christophe, le héros de Savanah. C’est ainsi qu’apparait dans les noms des particules de toutes sortes et cette lettre destinée au chevalier Supllice
Monsieur le chevalier Supplice

« J’ai l’honneur de vous accuser réception de votre lettre du 12 Août 1852 .J’apprends que vous passez ici le mois prochain pour seulement une journée et que vous repartirez tout de suite pour Saint Marc »
P.131

Alors les Supplice qui étaient au service du gouvernement du royaume du Nord entretenaient ils des contacts avec celles et ceux restés dans le Sud. Des réponses exhaustives à cette question sont dans cet ouvrage qui a pour principal mérite de faire un tour d’horizon complet d’une famille dont l’histoire est indéfectiblement liée à notre histoire nationale.

Daniel Supllice

Correspondance de la famille Supplice
Éditions c3

Vendredi 9 Février 2018

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