J’ai souvent écrit que le mot économie n’a pas de sens, en Martinique, s’il est vrai que le prix de revient de chaque production comprend un intrant qu’on ne retrouve pas de façon systématique ailleurs : la part correspondant à l’aide de l’Etat. En effet, tant que la production ne sera pas accessible à la concurrence de nos voisins, on ne pourra pas parler d’économie. C’est dire combien il serait essentiel, pour atteindre cet objectif, que notre niveau de vie se rapproche du leur, c’est-à-dire vers le bas. Or les réactions enregistrées chaque fois qu’on parle de toucher aux 40% des fonctionnaires, qui ne sont qu’un supplément de salaire, laissent présager de celles qui suivraient l’annonce d’un rapprochement des salaires entre la Martinique et les autres îles des Caraïbes. Reste que les incertitudes du moment, la rapidité des évolutions ainsi que leurs surprenantes manifestations dans le monde, interdisent de penser que dame Fortune nous protégera toujours de ses larges ailes. Je ne reviendrai pas sur ma conviction que les indépendantistes, c’est fini, à supposer que la volonté indépendantiste ait vraiment existé. Mais la possibilité pour la Martinique d’accéder, malgré elle, à l’indépendance, c’est tout à fait possible.
Ainsi donc, Raphaël Confiant plante le décor : « Jamais, dit-il, depuis 1635, depuis que la France a pris possession de l'île, la population n'y a diminué, même pendant la terrible période dite de "l'Amiral Robert" ou entre-deux guerres (1939-45) au cours de laquelle de sévères restrictions ont frappé la population ». L’écrivain aurait pu ajouter la catastrophe de St Pierre, en 1902 : près de 30 000 morts en quelques minutes, soit environ 10% de la population.
De même, il n’évoque pas la période du BUMIDOM qui avait été pourtant présentée comme la mère de toutes les catastrophes. En réalité, malgré cette période d’idéologisation active et de traumatisme entretenu au sein de la population partie en métropole, la démographie n’avait pas cessé d’augmenter. C’était, de surcroît, l’époque où le contrôle des naissances s’attaquait à la démographie galopante des années 50 – 60. Les contempteurs du mouvement migratoire avaient, pour l’occasion, détourné le mot de Césaire : « génocide par substitution ». Cette expression était présentée à tort aux Martiniquais comme l’image que se faisait Césaire de la fonction du BUMIDOM. Sauf qu’au cours d’une session de l’assemblée nationale, en novembre 1975, le député n’avait ainsi rien fait d’autre que justifier son opposition à l’installation des H’mongs en Guyane. On sait que Césaire s’était trompé et que les Guyanais se réjouissent que le député martiniquais n’ait pas été entendu. Cependant, pour faire prospérer la triche idéologique, les idéologues martiniquais s’emparaient de l’expression jusqu’à détourner la pensée du poète.
En réalité, les H’mongs fuyaient le génocide dont ils étaient victimes dans leur pays. Ce génocide, réel celui-là, qui n’inspirait pas la litote, n’a jamais été condamné sous nos cieux. Il y avait pourtant de vraies morts et c’était l’époque de toutes les solidarités internationales. Raphaël Confiant se réjouit en quelque sorte, lui aussi, de leur venue en Guyane et regrette, à l’inverse, les insuffisances de la Martinique dans ce domaine. Mieux, il souhaite que celle-ci prenne exemple, en envisageant cependant une immigration qui nous rapproche de nos ancêtres, une immigration choisie qui ne dit pas son nom. Une immigration nécessairement discriminante, ou positive, pour évoquer une expression que n’aime pas Confiant : discrimination positive.
Mais c’est peut-être une nouvelle école qui voit le jour. En effet, la proposition de remplacer, notamment par des Haïtiens, les Martiniquais qui s’en vont, n’est pas isolée. On l’avait entendue de la bouche du démographe Georges Para. Il me semble l’avoir également lue sous la plume de l’anthropologue Gerry Létang, à qui nous adressons nos meilleurs sentiments, suite à sa récente mésaventure, en Haïti.
Yves-Léopold Monthieux, le 24 septembre 2016.
Ainsi donc, Raphaël Confiant plante le décor : « Jamais, dit-il, depuis 1635, depuis que la France a pris possession de l'île, la population n'y a diminué, même pendant la terrible période dite de "l'Amiral Robert" ou entre-deux guerres (1939-45) au cours de laquelle de sévères restrictions ont frappé la population ». L’écrivain aurait pu ajouter la catastrophe de St Pierre, en 1902 : près de 30 000 morts en quelques minutes, soit environ 10% de la population.
De même, il n’évoque pas la période du BUMIDOM qui avait été pourtant présentée comme la mère de toutes les catastrophes. En réalité, malgré cette période d’idéologisation active et de traumatisme entretenu au sein de la population partie en métropole, la démographie n’avait pas cessé d’augmenter. C’était, de surcroît, l’époque où le contrôle des naissances s’attaquait à la démographie galopante des années 50 – 60. Les contempteurs du mouvement migratoire avaient, pour l’occasion, détourné le mot de Césaire : « génocide par substitution ». Cette expression était présentée à tort aux Martiniquais comme l’image que se faisait Césaire de la fonction du BUMIDOM. Sauf qu’au cours d’une session de l’assemblée nationale, en novembre 1975, le député n’avait ainsi rien fait d’autre que justifier son opposition à l’installation des H’mongs en Guyane. On sait que Césaire s’était trompé et que les Guyanais se réjouissent que le député martiniquais n’ait pas été entendu. Cependant, pour faire prospérer la triche idéologique, les idéologues martiniquais s’emparaient de l’expression jusqu’à détourner la pensée du poète.
En réalité, les H’mongs fuyaient le génocide dont ils étaient victimes dans leur pays. Ce génocide, réel celui-là, qui n’inspirait pas la litote, n’a jamais été condamné sous nos cieux. Il y avait pourtant de vraies morts et c’était l’époque de toutes les solidarités internationales. Raphaël Confiant se réjouit en quelque sorte, lui aussi, de leur venue en Guyane et regrette, à l’inverse, les insuffisances de la Martinique dans ce domaine. Mieux, il souhaite que celle-ci prenne exemple, en envisageant cependant une immigration qui nous rapproche de nos ancêtres, une immigration choisie qui ne dit pas son nom. Une immigration nécessairement discriminante, ou positive, pour évoquer une expression que n’aime pas Confiant : discrimination positive.
Mais c’est peut-être une nouvelle école qui voit le jour. En effet, la proposition de remplacer, notamment par des Haïtiens, les Martiniquais qui s’en vont, n’est pas isolée. On l’avait entendue de la bouche du démographe Georges Para. Il me semble l’avoir également lue sous la plume de l’anthropologue Gerry Létang, à qui nous adressons nos meilleurs sentiments, suite à sa récente mésaventure, en Haïti.
Yves-Léopold Monthieux, le 24 septembre 2016.