LE SAVIEZ-VOUS ?

C'était un soir de carnaval il y a un peu moins de deux semaines ; dans le tumulte des coups de fouet et des bruits de tambours, surnage de-ci de-là l'injure suprême : « counia manmanw ».



C'est alors que la grand-mère d'un ami me demande si je connais l'histoire de cette injure ; j'avoue, que je ne me suis jamais intéressée à ses origines, croyant comme tant dautre que cela a un vague rapport avec les organes génitaux de la mère. Alors elle me raconta:

Au temps de l'esclavage, pour marquer davantage leur différence d'avec nous pauvres esclaves bien que notre couleur de peau parlait déjà assez en notre disgrâce, le blanc décréta que nous n'aurions pas droit, en particulier les femmes, de porter de bijoux : pas de boucles aux oreilles, pas de bagues aux doigts, pas de collier aux cous.

Nous devions aller simplement vêtus de nos haillons sans la moindre babiole pour se donner limpression de briller un peu, pour s'abreuver d'une illusion de 'vie normale' , alors que dans notre pays dorigine, nos étions parés, rois, reines et communs du peuple, tant et tant que nous croulions sous le poids de nos ornements d'or. Voila de quoi nous rabaisser, encore un peu plus.

Et l'enfant du blanc, bien au faîte de cet état des choses, par mépris, par dédain et par haine prit l'habitude de jeter à la figure du petit esclave :« le cou de ta maman est nu ! ».
Cette phrase à elle seule rappelait la triste condition de l'enfant, esclave par sa propre mère, et la honte attachée à sa situation dêtre jugé inférieur.

LE COU DE TA MAMAN EST NU !

Cou ni a manmanw !
Je voudrais juste que dans un instant de lucidité, le jour où cette injure s'échappera de vos lèvres vous n'oubliez pas qu'un jour un de vos ancêtre, votre arrière arrière grand-père ou votre arrière arrière
grand-mère peut-être la reçu en pleine face telle une gifle pour que jamais il n'oublie qu'il n'était qu'un esclave.

Je voudrais que vous mesuriez toute la portée de cette phrase et que vous considériez la tristesse de se l'envoyer à la figure d'Antillais à Antillais alors que nous venons tous du même bateau et que nos ancêtre ont emprunté la même route. Je voudrais que vous vous mettiez à la place de ce tout petit qui pour l'instant ne pense pas encore à la possibilité de vivre un jour différemment et à qui l'ont dit : « le cou de ta maman est nu » quand, par amour, il voudrait la voir ployant sous les bijoux.

Et aussi, faisons en sorte que jamais le cou de notre mère ne soit nu : si ce nest pas de bijoux, que ce soit notre amour et notre respect qui la couvre. Au nom de toutes celles qui nont pas eu cette chance.

Lundi 16 Février 2009
Camille CHAUVET

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