GREEN PARROT : LES JUGES MARTINIQUAIS N’ONT PAS VOULU SE FAIRE « DEPLUMER » par Yves-Léopold Monthieux


Rédigé le Mardi 13 Septembre 2016 à 15:50 |
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Ainsi donc, l’affaire du Green Parrot a été dépaysée à la demande du procureur général de la Martinique. N’est-ce pas un succès des partisans d’AMJ et de ses défenseurs ? En effet, la défense ne s’était pas privée de fournir les arguments qui auraient pu manquer à la Cour de Cassation pour prendre cette décision. Pour preuve la plainte déposée contre le procureur de la République, « Maitre Corbeaux », ainsi moqué par le chef de file des avocats.


On aurait pu s’attendre à une avalanche de réactions sur les réseaux sociaux et dans la presse, les uns favorables, les autres hostiles, comme celles qui ont fusé au lendemain de phénomènes récents. Tout le monde est prudent car aucun parti politique ne se croit en situation de pouvoir tirer profit d’une éventuelle inéligibilité du président de l’exécutif de la CTM.

Aussi, le refus proclamé du dépaysement par ceux qui l’ont provoqué ne laisse pas d’étonner. Il pourrait signifier que la manifestation organisée autour du Palais de justice n’était que de la gesticulation, un joyeux happening autour d’un symbole du pouvoir régalien. On chahute volontiers les juges, mais on aime bien, finalement, sa justice « coloniale » qui est très commode pour servir d’exutoire et se donner des sentiments révolutionnaires. A moins qu’on eût espéré une confrontation physique en vue d’obtenir le scalp des magistrats. Comment regretter la mise hors jeu des magistrats martiniquais, en particulier le procureur de la République, qui ont été pourtant brocardés aux cris de « justice coloniale » et de « I Cayé ! » ? On a du mal à croire au masochisme des prévenus et de leurs défenseurs lorsqu’ils disent vouloir être jugés par ceux qu’ils ont promis de déplumer.

Le dépaysement des affaires, on connaît. C’est une procédure qui avait permis d’acquitter les 16 de Basse-Pointe et les assassins présumés de Théolien Jalta et permis à Just Marny d’échapper à la peine de mort. Bien entendu, la nature des faits n’est pas comparable, ni la personnalité des prévenus, mais comme les autres, l’affaire est « déportée » en terre métropolitaine. Il est exact que les magistrats ne sont pas des héros et ne peuvent pas rester insensibles aux pressions venant de la bouche des défenseurs, eux-mêmes, même si on leur dit qu’à la Martinique « Pawol en bouch pa chaj ».

En réalité, personne ne s’étonne sérieusement du dépaysement de cette affaire, procédure que l’on confond à tort avec la saisine d’une juridiction d’appel. En effet, tous les jugements d’appel d’une décision administrative ont lieu en métropole (Conseil d’Etat ou Cour administrative de Bordeaux), mais ce n’est pas du dépaysement. A cet égard, disons, par expérience, que des juges martiniquais comptent parfois sur les juridictions d’appel métropolitaines pour « rectifier » des décisions qu’elles ont prises sous la pression, notamment les jugements concernant les élections. Et même lorsqu’elles sont prononcées, les nouveaux jugements ne sont pas toujours appliqués (le drapeau de Malsa sur la mairie de Ste Anne). Par ailleurs, il est très rare que des plaideurs qui ont pu rameuter les foules ou bloquer l’autoroute n’obtiennent pas satisfaction en justice.

Qui aurait intérêt à la chute d’AMJ, entend-on parfois ? Personne, dit-on, ici et là. Seule certitude, la condamnation d’AMJ à l’inéligibilité serait dommageable pour la Martinique. Pas tant pour le sort personnel du président qui, s’il a commis une faute doit la payer, que pour l’impasse institutionnelle que pourrait entraîner une telle décision, en cas d’inéligibilité de l’intéressé. Car la nouvelle collectivité ne paraît pas en mesure de survivre aux conséquences politiques qu’il en résulterait. D’aucuns pourraient y voir une aubaine, et je pense à un ami, qui souhaiterait qu’on en revienne à la situation antérieure, c’est-à-dire à la double collectivité.

Mais plus vraisemblablement, inévitable, l’échafaudage juridique de l’institution devrait alors être remis en cause plus vite que prévu, et dans la précipitation, toujours dans le cadre du maintien de la collectivité unique. Comment concevoir, en effet, que la CTM puisse survivre à une invalidation de son président, dont le départ pourrait entraîner ipso facto la disparition des 8 autres membres du conseil exécutif ? (…)

Yves-Léopold Monthieux, le 8 septembre 2016


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