le 28 septembre 2016.
La FIFA sera-t-elle le remède-miracle du foot-ball en Martinique ? Nous apportera-t-elle de nouveaux équipements ? Permettra-t-elle de remplir nos stades et de pourvoir à une meilleure formation de nos jeunes ? Permettra-t-elle d’obtenir en nombre des techniciens et des arbitres de qualité dont les insuffisances n’ont jamais été aussi fortes ? Facilitera-t-elle l’émergence d’une élite qui permettra peut-être de rencontrer la France en Coupe du monde ? Pourra-t-il en sortir un nouveau Gérard Janvion, après 40 années d’absence martiniquaise à ce niveau ? Personne ne connaît le programme.
L’adhésion à la FIFA n’a-t-elle pas plutôt pour objectif d’obtenir les moyens de s’acheter une sélection digne de la nation Martinique et en exclurait, de fait, les joueurs évoluant sur le territoire national ? Alors que l’intégration de ceux-ci aux « Matininos » revêt déjà un caractère résiduel. Curieuse politique sportive que celle qui vise à faire appel à des joueurs qui n’auraient pas pu s’élever à leur niveau sans quitter le territoire, par ceux-là même qui militent contre ces départs pour des raisons idéologiques.
L’émotion et la susceptibilité tenant lieu de raisonnement, les réactions à la décision ministérielle entendues la semaine passée sur les ondes rappelle les bouderies d’enfants auxquels on aurait refusé un jouet : « Je suis, par principe, contre toute décision d’interdiction venant de France », peut-on entendre ici ou là. Ces réactions traduisent bien l’esprit des dirigeants sportifs et, plus généralement, la propension martiniquaise à prétendre à tous les droits à recevoir.
La France a peur de se voir privée des stars martiniquaises.
Argument entendu sur les ondes, de la bouche d’un dirigeant : la France a peur de se voir privée du talent des stars martiniquaises qui pourraient préférer s’exprimer avec l’Equipe de Martinique. Il est clairement fait allusion aux joueurs possédant la double nationalité, auxquels est donnée une possibilité de choix. Cependant, sans préjudice d’une attirance particulière pour les Matininos, la Martinique ferait-elle exception à la réalité selon laquelle, neuf fois sur dix, lorsqu’ils sont de niveau international, les joueurs choisissent de jouer au sein du club France ? Pour preuve la décision récente du joueur d’origine algérienne, Nabil Fékir, invité à la fois à porter les couleurs de la France et de l’Algérie. Il a finalement choisi le pays d’accueil de ses parents. Par ailleurs, on ne peut pas croire que ce soit en raison de l’absence de Martiniquais pendant 40 ans en Equipe de France que celle-ci n’a remporté qu’une seule fois la Coupe du monde et la Coupe d’Europe.
Aussi bien, après les velléités de professionnalisation, la LFM a évolué vers une prise de distance progressive par rapport à la FFF. Son intégration à la CONCACAF, constitue une étape vers la FIFA qui consacrerait son indépendance à l’égard de la fédération française. L’intérêt financier de cette évolution n’est pas négligeable, s’il est vrai que les aides attendues de la FIFA devraient être bien plus substantielles encore que celles accordées par la Confédération caribéenne. S’il est ainsi possible aux petites nations de se donner les équipements qui leur sont nécessaires, la Martinique peut compter pour s’équiper sur l’Etat et ses instances locales (CTM, Communautés d’agglomération…). Le budget d’une seule de ces dernières est souvent supérieur au budget général de ces nano-nations. Le ministre qui, en campagne électorale, annonce l’affectation aux DOM de 20 millions d’euros, a beau jeu d’indiquer qu’il n’a sur son bureau aucun projet d’équipement sportif présenté par la Martinique. Comme pour dire que, pour les dirigeants martiniquais, cet aspect du problème serait secondaire.
Une vocation d’assimilé-assisté sur fond de revendication nationaliste
Notre collectivité ne fait pas exception aux rapports incestueux de la politique et du sport. Mais le phénomène revêt une acuité particulière dans ce territoire dont l’histoire politique est celle d’une quête permanente d’évolutions institutionnelles. Depuis l’acte d’assimilation de 1946, on n’a pas de cesse de tenir un discours anticolonialiste tout en approfondissant l’assimilation présentée parfois sous de curieuses formulations : « continuité territoriale », par exemple. Dans cette atmosphère de schizophrénie, on ne compte pas les incidents intervenus lors des rencontres caribéennes, relatifs à l’usage du drapeau et de l’hymne national : autant de messages reçus par la France et qui participent de ses prises de décisions. Dès lors que l’intégration à la FIFA conduirait à quitter la FFF, il s’agirait pour la revendication statutaire de passer par la fenêtre lorsque les moratoires ou les serments d’union de gestion lui ferment la porte. Aussi, la LFM sait pouvoir compter sur le concours des politiques quand elle ne joue pas tout simplement les mandataires de ces derniers. Reste que les dirigeants martiniquais n’ont pas le sentiment de prêcher dans le désert, sachant que ce différend est de ceux qui se résolvent par une décision régalienne. C’est pourquoi il serait naïf de croire que le ministre des Sports se soit comporté en porte-parole du président de la FFF, Noël Le Graët.
Ainsi le foot-ball s’inscrit dans le prolongement de la politique et dans la continuation d’une double démarche. Tantôt on excipe de la qualité de Français pour obtenir un pont en euros entre Paris, Bruxelles et Fort-de-France, sous l’égide de la continuité territoriale. En cas de cyclone, comme ces jours-ci, les machines à calculer sont à l’épreuve. Tantôt on procède à la démarche inverse pour se couper de la tutelle sportive française en vue d’accéder à un supra-assistanat en dollars FIFA.
Curieuse vocation, tout de même, et drôle d’ambition pour un peuple que celles d’avoir, sur fond de revendication nationaliste, à assumer un statut d’assimilé-assisté soutenu de tous les azimuts.
Yves-Léopold Monthieux, le 28 septembre 2016.
L’adhésion à la FIFA n’a-t-elle pas plutôt pour objectif d’obtenir les moyens de s’acheter une sélection digne de la nation Martinique et en exclurait, de fait, les joueurs évoluant sur le territoire national ? Alors que l’intégration de ceux-ci aux « Matininos » revêt déjà un caractère résiduel. Curieuse politique sportive que celle qui vise à faire appel à des joueurs qui n’auraient pas pu s’élever à leur niveau sans quitter le territoire, par ceux-là même qui militent contre ces départs pour des raisons idéologiques.
L’émotion et la susceptibilité tenant lieu de raisonnement, les réactions à la décision ministérielle entendues la semaine passée sur les ondes rappelle les bouderies d’enfants auxquels on aurait refusé un jouet : « Je suis, par principe, contre toute décision d’interdiction venant de France », peut-on entendre ici ou là. Ces réactions traduisent bien l’esprit des dirigeants sportifs et, plus généralement, la propension martiniquaise à prétendre à tous les droits à recevoir.
La France a peur de se voir privée des stars martiniquaises.
Argument entendu sur les ondes, de la bouche d’un dirigeant : la France a peur de se voir privée du talent des stars martiniquaises qui pourraient préférer s’exprimer avec l’Equipe de Martinique. Il est clairement fait allusion aux joueurs possédant la double nationalité, auxquels est donnée une possibilité de choix. Cependant, sans préjudice d’une attirance particulière pour les Matininos, la Martinique ferait-elle exception à la réalité selon laquelle, neuf fois sur dix, lorsqu’ils sont de niveau international, les joueurs choisissent de jouer au sein du club France ? Pour preuve la décision récente du joueur d’origine algérienne, Nabil Fékir, invité à la fois à porter les couleurs de la France et de l’Algérie. Il a finalement choisi le pays d’accueil de ses parents. Par ailleurs, on ne peut pas croire que ce soit en raison de l’absence de Martiniquais pendant 40 ans en Equipe de France que celle-ci n’a remporté qu’une seule fois la Coupe du monde et la Coupe d’Europe.
Aussi bien, après les velléités de professionnalisation, la LFM a évolué vers une prise de distance progressive par rapport à la FFF. Son intégration à la CONCACAF, constitue une étape vers la FIFA qui consacrerait son indépendance à l’égard de la fédération française. L’intérêt financier de cette évolution n’est pas négligeable, s’il est vrai que les aides attendues de la FIFA devraient être bien plus substantielles encore que celles accordées par la Confédération caribéenne. S’il est ainsi possible aux petites nations de se donner les équipements qui leur sont nécessaires, la Martinique peut compter pour s’équiper sur l’Etat et ses instances locales (CTM, Communautés d’agglomération…). Le budget d’une seule de ces dernières est souvent supérieur au budget général de ces nano-nations. Le ministre qui, en campagne électorale, annonce l’affectation aux DOM de 20 millions d’euros, a beau jeu d’indiquer qu’il n’a sur son bureau aucun projet d’équipement sportif présenté par la Martinique. Comme pour dire que, pour les dirigeants martiniquais, cet aspect du problème serait secondaire.
Une vocation d’assimilé-assisté sur fond de revendication nationaliste
Notre collectivité ne fait pas exception aux rapports incestueux de la politique et du sport. Mais le phénomène revêt une acuité particulière dans ce territoire dont l’histoire politique est celle d’une quête permanente d’évolutions institutionnelles. Depuis l’acte d’assimilation de 1946, on n’a pas de cesse de tenir un discours anticolonialiste tout en approfondissant l’assimilation présentée parfois sous de curieuses formulations : « continuité territoriale », par exemple. Dans cette atmosphère de schizophrénie, on ne compte pas les incidents intervenus lors des rencontres caribéennes, relatifs à l’usage du drapeau et de l’hymne national : autant de messages reçus par la France et qui participent de ses prises de décisions. Dès lors que l’intégration à la FIFA conduirait à quitter la FFF, il s’agirait pour la revendication statutaire de passer par la fenêtre lorsque les moratoires ou les serments d’union de gestion lui ferment la porte. Aussi, la LFM sait pouvoir compter sur le concours des politiques quand elle ne joue pas tout simplement les mandataires de ces derniers. Reste que les dirigeants martiniquais n’ont pas le sentiment de prêcher dans le désert, sachant que ce différend est de ceux qui se résolvent par une décision régalienne. C’est pourquoi il serait naïf de croire que le ministre des Sports se soit comporté en porte-parole du président de la FFF, Noël Le Graët.
Ainsi le foot-ball s’inscrit dans le prolongement de la politique et dans la continuation d’une double démarche. Tantôt on excipe de la qualité de Français pour obtenir un pont en euros entre Paris, Bruxelles et Fort-de-France, sous l’égide de la continuité territoriale. En cas de cyclone, comme ces jours-ci, les machines à calculer sont à l’épreuve. Tantôt on procède à la démarche inverse pour se couper de la tutelle sportive française en vue d’accéder à un supra-assistanat en dollars FIFA.
Curieuse vocation, tout de même, et drôle d’ambition pour un peuple que celles d’avoir, sur fond de revendication nationaliste, à assumer un statut d’assimilé-assisté soutenu de tous les azimuts.
Yves-Léopold Monthieux, le 28 septembre 2016.