Il fut un temps où les Martiniquais se retrouvaient à des fonctions éminentes dans la magistrature et aux directions centrales des administrations, comme la Douane, les PTT, l’Equipement.
Mais ces services ont vu leur rôle diminuer ou ne sont plus du ressort de la fonction publique d’Etat. Des cadres territoriaux se sont substitués aux cadres de l’Etat, de même niveau de compétence et aux fonctions identiques. Les collectivités locales unifiées dans l’actuelle Collectivité territoriale de Martinique (CTM) ont récupéré un volume de services où l’on retrouve de nombreux cadres martiniquais dont l’exposition médiatique est occultée par leurs dirigeants élus. Il est parfois pitoyable de voir à la télévision des présidents de commission se dépatouiller sur des sujets qui auraient été facilement expliqués par leur directeur.
J’ignore totalement le visage du sous-préfet, ancien DGS du conseil général, tandis que je ne reconnaîtrais pas dans la rue l’ancienne DGS de la région que j’ai vue en photo, jamais en train de s’exprimer. Cela pourrait faire croire qu’au plan de la collectivité locale il n’y en a que pour les élus.
La culture du service public d’Etat se perd en Martinique.
D’abord, les jeunes qui se destinent à la fonction publique ont généralement en vue leur affectation en Martinique, au prix d’une indépendance professionnelle qu’il est compliqué d’obtenir dans les collectivités locales où la politique règne. Cette inclination souvent justifiée par un facile « je veux travailler pour mon pays » contrevient à l’exigence de mobilité qui est un important facteur d’efficacité pour les services et d’épanouissement pour les individus.
Par ailleurs, la fonction publique et la magistrature n’attirent plus les meilleurs éléments qui s’orientent de plus en plus, par le biais des grandes écoles d’ingénieur ou de commerce, vers les activités du secteur privé, en métropole ou à l’étranger. De même, l’accession des moins brillants à l’élite publique est rendue difficile par l’aggravation de la compétition nationale due à la diminution des besoins. Enfin, les rares dirigeants d’autorité d’origine martiniquaise hésitent à se faire affecter en Martinique. C’est notamment le cas dans la police qui avait néanmoins vu, dans les années 1980-90, l’affectation de plusieurs commissaires de police, dont le directeur des Polices urbaines, Jean Toubi. Il est vrai que les jeunes ayant atteint le niveau de la maîtrise en droit ont peu d’appétence pour la fonction de commissaire de police. En plus de 50 ans, un seul candidat ayant passé le concours en Martinique a été reçu. Il avait sans doute mal choisi son métier qu’il a quitté prématurément.
Les élus : « Etudiants martiniquais, préparez les Grands concours de l’Etat »
Mais la perte d’intérêt pour la haute fonction publique d’Etat participe aussi de cette campagne permanente menée contre l’Etat. Non pas tant, comme en métropole, en termes d’inefficacité ressentie ou avérée à résoudre les problèmes quotidiens, qu’en termes d’illégitimité de la présence régalienne française en Martinique. Hormis la Trésorerie générale, bien entendu. Au cours des dernières décennies, on a assisté à un renversement de situation par rapport aux Guadeloupéens qui étaient naguère moins attirés que les Martiniquais par la haute fonction publique. De sorte que les hauts cadres antillais disponibles pour exercer aux Antilles, ou accéder à des fonctions ministérielles, sont pour la plupart d’origine guadeloupéenne.
Cette photographie du pouvoir local met en surbrillance le pouvoir régalien exercé par des Blancs.
Il n’est pas contestable qu’elle aide les nationalistes, dans une logique de premier degré, à convaincre les Martiniquais du caractère singulier et incongru, à leurs yeux, d’une Martinique française située à 7 000 kilomètre de la métropole. Les élus se contentent de ces flashes, sans ignorer les circonstances ainsi décrites et les dégâts qu’elles causent dans les têtes. Cependant si ceux de la mouvance nationaliste sont dans leur rôle, on peut s’étonner que les autres qui sont attachés à la république ne paraissent pas s’émouvoir d’une situation pouvant conduire à une politique opposée à la leur. Ils pourraient, à tout le moins, encourager la future élite par une campagne d’informations, à embrasser la haute fonction publique et la magistrature, le vivier ainsi constitué étant ouvert y compris aux besoins de la CTM.
Combattre la couleur unique des autorités régaliennes, sans aucun soupçon de racisme, n’est-ce pas une noble ambition pour tout parti républicain ? La nomination d’un ministre martiniquais, le premier sous la Vème République, pourrait ouvrir la voie.
Yves-Léopold Monthieux, Fort-de-France, le 2 octobre 2016
Fin de l'article
J’ignore totalement le visage du sous-préfet, ancien DGS du conseil général, tandis que je ne reconnaîtrais pas dans la rue l’ancienne DGS de la région que j’ai vue en photo, jamais en train de s’exprimer. Cela pourrait faire croire qu’au plan de la collectivité locale il n’y en a que pour les élus.
La culture du service public d’Etat se perd en Martinique.
D’abord, les jeunes qui se destinent à la fonction publique ont généralement en vue leur affectation en Martinique, au prix d’une indépendance professionnelle qu’il est compliqué d’obtenir dans les collectivités locales où la politique règne. Cette inclination souvent justifiée par un facile « je veux travailler pour mon pays » contrevient à l’exigence de mobilité qui est un important facteur d’efficacité pour les services et d’épanouissement pour les individus.
Par ailleurs, la fonction publique et la magistrature n’attirent plus les meilleurs éléments qui s’orientent de plus en plus, par le biais des grandes écoles d’ingénieur ou de commerce, vers les activités du secteur privé, en métropole ou à l’étranger. De même, l’accession des moins brillants à l’élite publique est rendue difficile par l’aggravation de la compétition nationale due à la diminution des besoins. Enfin, les rares dirigeants d’autorité d’origine martiniquaise hésitent à se faire affecter en Martinique. C’est notamment le cas dans la police qui avait néanmoins vu, dans les années 1980-90, l’affectation de plusieurs commissaires de police, dont le directeur des Polices urbaines, Jean Toubi. Il est vrai que les jeunes ayant atteint le niveau de la maîtrise en droit ont peu d’appétence pour la fonction de commissaire de police. En plus de 50 ans, un seul candidat ayant passé le concours en Martinique a été reçu. Il avait sans doute mal choisi son métier qu’il a quitté prématurément.
Les élus : « Etudiants martiniquais, préparez les Grands concours de l’Etat »
Mais la perte d’intérêt pour la haute fonction publique d’Etat participe aussi de cette campagne permanente menée contre l’Etat. Non pas tant, comme en métropole, en termes d’inefficacité ressentie ou avérée à résoudre les problèmes quotidiens, qu’en termes d’illégitimité de la présence régalienne française en Martinique. Hormis la Trésorerie générale, bien entendu. Au cours des dernières décennies, on a assisté à un renversement de situation par rapport aux Guadeloupéens qui étaient naguère moins attirés que les Martiniquais par la haute fonction publique. De sorte que les hauts cadres antillais disponibles pour exercer aux Antilles, ou accéder à des fonctions ministérielles, sont pour la plupart d’origine guadeloupéenne.
Cette photographie du pouvoir local met en surbrillance le pouvoir régalien exercé par des Blancs.
Il n’est pas contestable qu’elle aide les nationalistes, dans une logique de premier degré, à convaincre les Martiniquais du caractère singulier et incongru, à leurs yeux, d’une Martinique française située à 7 000 kilomètre de la métropole. Les élus se contentent de ces flashes, sans ignorer les circonstances ainsi décrites et les dégâts qu’elles causent dans les têtes. Cependant si ceux de la mouvance nationaliste sont dans leur rôle, on peut s’étonner que les autres qui sont attachés à la république ne paraissent pas s’émouvoir d’une situation pouvant conduire à une politique opposée à la leur. Ils pourraient, à tout le moins, encourager la future élite par une campagne d’informations, à embrasser la haute fonction publique et la magistrature, le vivier ainsi constitué étant ouvert y compris aux besoins de la CTM.
Combattre la couleur unique des autorités régaliennes, sans aucun soupçon de racisme, n’est-ce pas une noble ambition pour tout parti républicain ? La nomination d’un ministre martiniquais, le premier sous la Vème République, pourrait ouvrir la voie.
Yves-Léopold Monthieux, Fort-de-France, le 2 octobre 2016
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