Les kilos de coke importés d’Amérique Latine par mes esclaves ont bien galvanisé le sentiment de puissance à l’assemblée de la petite tablée luxueuse. On a bien ri, la fête semblait interminable, nous étions entre nous, comme on dit. J’ai rincé tout le monde à vue, mais bon, c’est de la bonne came, et je suis sur qu’ils reviendront demain.
Je peine à ouvrir les yeux pour lutter contre la sonnette d’alarme dont le vacarme strident me perce les tympans, et l’angoisse de la redescente se fait sentir, ainsi qu’une sèche gueule de bois qui m’obligera à m’adapter à ce jour nouveau qui s’annonce.
Hier, c’était comme dans un rêve. Nous étions libres, et surpuissants contre quiconque viendrait gâcher la soirée. D’autres, trop pauvres pour se payer l’entrée au club privé n’appréciaient pas la fête, restés dans le froid, sur le perron de la porte blindée. Ils crevaient de faim ou de soif et, bien qu’ils nous aient fournis nos doses de coke pour mille ans, nous ne pouvions que passer outre leur révolte, et savourer le moment présent. De toute façon, nous avions cerclé le quartier de nos chers collaborateurs Médias, Police, Armée et Justice.
Une fois le poker lancé, voilà que Mrs Néolibéralisme et Oligarques faisaient leurs premières mains. Quinte flush royale, carré, full, et couleur successifs terrassaient pour de bon Mr Environnement, Mmes Démocratie et Liberté, qui étaient alors obligés de mettre au milieu de la table tout leur tapis. Voilà comment se déroulait le jeu pendant des décennies : Néolibéralisme et Oligarques faisaient le jeu, pendant qu’Environnement, Liberté et Démocratie étaient les perdants réguliers, soupçonnant les premiers d’avoir présélectionné les cartes du flop. Quel culot de porter de telles allégations ! Quelle calomnie !
Quand soudain, et l’on ne sait pourquoi, sans doute une excessive envie de rentrer au club privé, Société civile, Solidarité et Socialisme, restés dehors, commencèrent, à l’abri des chiens de garde médiatiques et policiers, à tailler une brèche dans la porte blindée. Je vous jure, ils étaient vraiment nombreux, et survoltés.
- Néolibéralisme : « Diantre ! Une révolution ? Dis-moi, parrain du FMI, vont-ils nous piquer tous nos jetons s’ils parviennent à rentrer ?
- Club des oligarques : « S’ils avaient pu faire une révolution, ils auraient fait exploser le bâtiment, on aurait cramé avec. Ils vont juste troubler un peu la fête. Lâche du lest, camarade. S’ils jouent bien, le risque zéro n’existe pas. Mais je doute de leurs capacités à jouer bien. La question à se poser, c’est surtout vont-ils déceler nos méthodes de manipulation du jeu ? Mais laisse les rentrer quand-même, plus il y a de jetons, plus les joueurs ont l’illusion de jouer un rôle dans la partie, et plus nous sommes riches et puissants ! Et puis, n’oublie pas que nous socialisons les pertes, c’est déjà ça ! (rires) ».
- Néolibéralisme : « Ouais mais ils vont payer leurs dettes ? Et nos avoirs, dans les paradis fiscaux seront en danger s’ils renversent le déroulement du jeu… »
- Club des oligarques : « N’aie craintes, les Médias et la Police politique font bien leur travail. Il faudra les remercier, d’ailleurs. »
Une paire d’heures plus tard, à peine, et sans que les parties aient pu négocier des arrangements, voilà que les troubles fêtes ont mis le feu à la salle de jeu ! Avec soit disant comme motif, qu’ils ne mangeaient pas, qu’ils voulaient décider pour eux-mêmes ce qui est bon ou pas, et s’exprimer librement. Enfin, n’importe quoi, en somme. Pourquoi faire cela quand on leur jette les miettes des restes du gâteau à chaque soir. Ces mécréants ont vraiment l’art de critiquer la main qui les nourrit, c’est vexant.
Alors bon, sans trop détailler, nous avons opté pour la « négociation interposée » : avons fait mine de s’incliner, en délocalisant l’espace de jeu dans le quartier voisin, plus calme. Plus docile. Dans le quartier voisin, ils travaillent pour nous et ne demandent pas plus de bakchich. En espérant que ce ne fut qu’un malheureux incident. Les médias et la police sont actuellement sur le pied de guerre pour faire croire que le jeu reste transparent, et « démocratique », comme ils aiment à le matraquer, et si tout se passe bien, on remet ça ce soir.
Non mais quelle insolence ! Et maintenant, ils voudraient que je quitte la ville ! Moi, je mourrai ici. Mais avec une telle gueule de bois, j’aurai du mal à rentabiliser mes actions pétrolières en Afrique du Nord, moi. Celles sur le canal de Suez se sont effondrées ce matin, à cause de ces gens qui s’entretuent pour avoir le droit de voter pour nous. Ce n’est pas gagné.
Ces espèces de bêtes décharnées par leur servilité, dont la colère collective à l’emporte pièce fait qu’ils se mettent en pièce pour une misère de pièces, me laissent de marbre. Heureusement que Barack, Hillary, Silvio, DSK et Nicolas me soutiennent en privé (leurs annonces publiques ne sont pas sincères), j’avais vraiment l’impression d’être une crevure de première à écouter ces incapables populistes.
Au téléphone, ils m’ont conseillé d’annoncer des réformettes sociales et politiques en me disant que j’avais jusqu’à septembre pour redorer mon blason. Pourquoi pas. Et puis ensuite, je mettrai des potes à la place. Dommage que Michèle Alliot Marie n’ait plus le droit de proposer ses doux et chaleureux services à la française depuis le scandale de son discours répressif relatif à notre pote Ben Ali. Car je n’aurais pas été contre. Ils sont quand-même stupides, ces manifestants, à croire que changer la tête d’un régime sans changer les institutions va leur apporter la liberté. C’est comme remuer une épée dans l’eau. Ca fait des vaguelettes, mais ça se calme ensuite. Ah tiens, le téléphone sonne…
- Hosni : « Allô ? Ah, Dominique ? Dis-moi, je sais qu’on s’est vus hier, mais je m’inquiète un peu. Toi qu’on appelle le socialiste économiste hors pair du FMI, on en est où sur la facture de la révolte de mon entrepr…pays ? »
- DSK le socialisto-criminalo-capitalien : « Ben déjà, toi, tu coupes Internet dès la première semaine. Grossière erreur qui t’as coûté 90 millions de dollars (1). Je sais bien que c’est le peuple qui paye, mais bon…Et puis selon les bourses arabes, il y a eu 49 milliards de dollars de pertes entre le 25 janvier et le 31 ! Eh Hosni, c’est bon pour nous ça ! Tu vas pouvoir imposer un programme d’austérité quand tu seras sorti de ta petite crise passagère, pour rembourser le prêt que je vais te faire, et les ajustements structurels sur le peuple vont payer la facture aux marchés. »
- Hosni : « Ah ouais quand-même. Pour une fois, ils se montrent dangereux. S’ils espèrent que je ferai comme Ben Ali, ils peuvent toujours courir. »
- DSK : « Ben je peux te dire qu’ici, à New-York, on commence à bien flipper. Surtout qu’à Sanaa, au Yémen, ils commencent à chahuter leur trône. Heureusement, les médias américains et européens n’en parlent pas trop, mais l’Algérie vacille aussi. Si tu tombes sans héritier, tu le sais bien, ce sera dur pour nous de garder le contrôle dans la région. Et puis il y a Israël… Car c’est tous les arabes qui vont se révolter. Imagine un avenir où le peuple décide, où la Palestine est un État souverain, et où les États-Unis n’ont plus de paillasson pétrolier dans cette région riche en Or Noir ? Impensable ! Heureusement que les manifs sont sans danger pour le pouvoir des hommes politiques.
Tu dois annoncer la transition, pour faire croire aux gens que tu les écoute, et continuer à rendre compétitives Exxon Mobil, GDF Suez, Unilever, et BMW qui sont présentes dans ton pays (2). Ici, les médias ont ordre d’annoncer que ta chute provoquerait une recrudescence de l’islamisme radical pour camoufler notre besoin d’hégémonie. La religion comme camouflet de l’économie, ça fait bonne recette. Mais à cause de ton peuple, les gauchistes du monde entier prennent les populations du Maghreb comme un exemple, et pensent à en faire de même…ce n’est pas bon du tout ça. »
- Hosni : « Si je quitte le pouvoir, ils seront contents, et on pourra assurer une relève souhaitable… »
- DSK : « Je ne t’apprendrai pas l’adage "Le roi est mort, vive le roi". Le libéralisme, c’est l’avenir. Les peuples ne s’en rendent pas compte. Je te rappelle en fin de semaine, mais j’ai des amis de la CIA et des banquiers qui sont prêts à gérer ton dossier. Les gens n’y verront que du feu. »
II/ Que se trame-t-il derrière ces révoltes acceptées par les puissances impérialistes ?
Il est vrai qu’un vent d’espoir souffle depuis mi-janvier aux portes de l’Europe capitaliste : l’Afrique du Nord montre à tous les peuples opprimés dans le joug néolibéral comment faire pour virer un dictateur. Même les médias impérialistes (Le figaro, Le Monde, Libération, L’Express etc, etc) se sont maintenant accordés pour scander haut et fort une halte contre les dictatures maghrébines, quand celles-ci étaient des régimes « modérés », du temps où ces « dictateurs » servaient les intérêts des élites occidentales. Un vent d’espoir pour nous autres. Mais qu’y aura-t-il après le Grand Soir du « monde arabe » ?
Une question : qui, quel organisme, quelles institutions ont intérêts à laisser l’armée fraterniser avec le peuple pour virer ces despotes, désormais jugés infréquentables ? Cela ressemble à un effet Saddam Hussein. L’Occident traite et signe des accords juteux avec les dictateurs pendant des décennies, et tout d’un coup, il les lâche, lorsque le citron est bien pressé. Lorsqu’il n’y a plus de business à faire. Ou lorsqu’ils servent d’appât médiatique à un autre business.
Les révolutions tunisienne et égyptienne portent un immense espoir à nombre de militants sous nos latitudes, celui que la rue peut gagner contre un pouvoir autoritaire, malgré un lourd prix à payer de centaines de morts. Une leçon que nous ferions bien d’apprendre pour l’appliquer. Mais les élites oligarchiques ont du tirer leur épingle du jeu depuis, en s’assurant que le chaos à venir, ou la fausse stabilité politique apportée par la future équipe politique leur perpétuera des profits colossaux.
Dans nombre de pays, (Venezuela, Bolivie, Viêt-Nam des années 1960, Cuba, l’Iran plus récemment, et bien d’autres), les révolutions anticapitalistes ayant réussi entraînent l’intervention militaire des États-Unis, ou bien leurs incursions diplomatiques agressives (financement des partis d’opposition, armement des groupes paramilitaires « d’autodéfense » d’extrême-droite, espionnage militaire, déstabilisation volontaire, voir invasions, guerres, et bombardements). Pourquoi les révolutions nord-africaines sont-elles, ce coup-ci, soutenues ?
Du moins, pourquoi laisse-t-on faire la rue ? Les pouvoirs économiques et politiques ont-ils une jouissance maladive du chaos, laissant sombrer leur barque par cupidité et par folie financière, voyant que la vente d’armes explose dans un pays instable politiquement ?
Dans un sens, croire que l’idéologie néolibérale est en train de vaciller est probable, mais dire qu’elle est morte serait une erreur : elle triomphera encore plus de ce brasier qui se déroule à deux-mille kilomètres de chez nous.
Cet art de cacher les ambitions derrière une illusion de changement démocratique, proféré à merveille par la verve intarissable des diplomates experts en théorie réaliste des relations internationales, est plus fort que les révolutions populaires, c’est le pilier central de l’Empire : on appelle ça la propagande.
J’ai le sentiment que cette Révolution n’en n’est pas une, et que l’on nous cache quelque chose. Comme d’habitude. Car il y a fort à penser que les élites capitalistes de la planète salivent abondamment de la démocratie libérale qui va succéder aux « anciens » régimes.
Samuel Moleaud
http://sam-articles.over-blog.com.
Je peine à ouvrir les yeux pour lutter contre la sonnette d’alarme dont le vacarme strident me perce les tympans, et l’angoisse de la redescente se fait sentir, ainsi qu’une sèche gueule de bois qui m’obligera à m’adapter à ce jour nouveau qui s’annonce.
Hier, c’était comme dans un rêve. Nous étions libres, et surpuissants contre quiconque viendrait gâcher la soirée. D’autres, trop pauvres pour se payer l’entrée au club privé n’appréciaient pas la fête, restés dans le froid, sur le perron de la porte blindée. Ils crevaient de faim ou de soif et, bien qu’ils nous aient fournis nos doses de coke pour mille ans, nous ne pouvions que passer outre leur révolte, et savourer le moment présent. De toute façon, nous avions cerclé le quartier de nos chers collaborateurs Médias, Police, Armée et Justice.
Une fois le poker lancé, voilà que Mrs Néolibéralisme et Oligarques faisaient leurs premières mains. Quinte flush royale, carré, full, et couleur successifs terrassaient pour de bon Mr Environnement, Mmes Démocratie et Liberté, qui étaient alors obligés de mettre au milieu de la table tout leur tapis. Voilà comment se déroulait le jeu pendant des décennies : Néolibéralisme et Oligarques faisaient le jeu, pendant qu’Environnement, Liberté et Démocratie étaient les perdants réguliers, soupçonnant les premiers d’avoir présélectionné les cartes du flop. Quel culot de porter de telles allégations ! Quelle calomnie !
Quand soudain, et l’on ne sait pourquoi, sans doute une excessive envie de rentrer au club privé, Société civile, Solidarité et Socialisme, restés dehors, commencèrent, à l’abri des chiens de garde médiatiques et policiers, à tailler une brèche dans la porte blindée. Je vous jure, ils étaient vraiment nombreux, et survoltés.
- Néolibéralisme : « Diantre ! Une révolution ? Dis-moi, parrain du FMI, vont-ils nous piquer tous nos jetons s’ils parviennent à rentrer ?
- Club des oligarques : « S’ils avaient pu faire une révolution, ils auraient fait exploser le bâtiment, on aurait cramé avec. Ils vont juste troubler un peu la fête. Lâche du lest, camarade. S’ils jouent bien, le risque zéro n’existe pas. Mais je doute de leurs capacités à jouer bien. La question à se poser, c’est surtout vont-ils déceler nos méthodes de manipulation du jeu ? Mais laisse les rentrer quand-même, plus il y a de jetons, plus les joueurs ont l’illusion de jouer un rôle dans la partie, et plus nous sommes riches et puissants ! Et puis, n’oublie pas que nous socialisons les pertes, c’est déjà ça ! (rires) ».
- Néolibéralisme : « Ouais mais ils vont payer leurs dettes ? Et nos avoirs, dans les paradis fiscaux seront en danger s’ils renversent le déroulement du jeu… »
- Club des oligarques : « N’aie craintes, les Médias et la Police politique font bien leur travail. Il faudra les remercier, d’ailleurs. »
Une paire d’heures plus tard, à peine, et sans que les parties aient pu négocier des arrangements, voilà que les troubles fêtes ont mis le feu à la salle de jeu ! Avec soit disant comme motif, qu’ils ne mangeaient pas, qu’ils voulaient décider pour eux-mêmes ce qui est bon ou pas, et s’exprimer librement. Enfin, n’importe quoi, en somme. Pourquoi faire cela quand on leur jette les miettes des restes du gâteau à chaque soir. Ces mécréants ont vraiment l’art de critiquer la main qui les nourrit, c’est vexant.
Alors bon, sans trop détailler, nous avons opté pour la « négociation interposée » : avons fait mine de s’incliner, en délocalisant l’espace de jeu dans le quartier voisin, plus calme. Plus docile. Dans le quartier voisin, ils travaillent pour nous et ne demandent pas plus de bakchich. En espérant que ce ne fut qu’un malheureux incident. Les médias et la police sont actuellement sur le pied de guerre pour faire croire que le jeu reste transparent, et « démocratique », comme ils aiment à le matraquer, et si tout se passe bien, on remet ça ce soir.
Non mais quelle insolence ! Et maintenant, ils voudraient que je quitte la ville ! Moi, je mourrai ici. Mais avec une telle gueule de bois, j’aurai du mal à rentabiliser mes actions pétrolières en Afrique du Nord, moi. Celles sur le canal de Suez se sont effondrées ce matin, à cause de ces gens qui s’entretuent pour avoir le droit de voter pour nous. Ce n’est pas gagné.
Ces espèces de bêtes décharnées par leur servilité, dont la colère collective à l’emporte pièce fait qu’ils se mettent en pièce pour une misère de pièces, me laissent de marbre. Heureusement que Barack, Hillary, Silvio, DSK et Nicolas me soutiennent en privé (leurs annonces publiques ne sont pas sincères), j’avais vraiment l’impression d’être une crevure de première à écouter ces incapables populistes.
Au téléphone, ils m’ont conseillé d’annoncer des réformettes sociales et politiques en me disant que j’avais jusqu’à septembre pour redorer mon blason. Pourquoi pas. Et puis ensuite, je mettrai des potes à la place. Dommage que Michèle Alliot Marie n’ait plus le droit de proposer ses doux et chaleureux services à la française depuis le scandale de son discours répressif relatif à notre pote Ben Ali. Car je n’aurais pas été contre. Ils sont quand-même stupides, ces manifestants, à croire que changer la tête d’un régime sans changer les institutions va leur apporter la liberté. C’est comme remuer une épée dans l’eau. Ca fait des vaguelettes, mais ça se calme ensuite. Ah tiens, le téléphone sonne…
- Hosni : « Allô ? Ah, Dominique ? Dis-moi, je sais qu’on s’est vus hier, mais je m’inquiète un peu. Toi qu’on appelle le socialiste économiste hors pair du FMI, on en est où sur la facture de la révolte de mon entrepr…pays ? »
- DSK le socialisto-criminalo-capitalien : « Ben déjà, toi, tu coupes Internet dès la première semaine. Grossière erreur qui t’as coûté 90 millions de dollars (1). Je sais bien que c’est le peuple qui paye, mais bon…Et puis selon les bourses arabes, il y a eu 49 milliards de dollars de pertes entre le 25 janvier et le 31 ! Eh Hosni, c’est bon pour nous ça ! Tu vas pouvoir imposer un programme d’austérité quand tu seras sorti de ta petite crise passagère, pour rembourser le prêt que je vais te faire, et les ajustements structurels sur le peuple vont payer la facture aux marchés. »
- Hosni : « Ah ouais quand-même. Pour une fois, ils se montrent dangereux. S’ils espèrent que je ferai comme Ben Ali, ils peuvent toujours courir. »
- DSK : « Ben je peux te dire qu’ici, à New-York, on commence à bien flipper. Surtout qu’à Sanaa, au Yémen, ils commencent à chahuter leur trône. Heureusement, les médias américains et européens n’en parlent pas trop, mais l’Algérie vacille aussi. Si tu tombes sans héritier, tu le sais bien, ce sera dur pour nous de garder le contrôle dans la région. Et puis il y a Israël… Car c’est tous les arabes qui vont se révolter. Imagine un avenir où le peuple décide, où la Palestine est un État souverain, et où les États-Unis n’ont plus de paillasson pétrolier dans cette région riche en Or Noir ? Impensable ! Heureusement que les manifs sont sans danger pour le pouvoir des hommes politiques.
Tu dois annoncer la transition, pour faire croire aux gens que tu les écoute, et continuer à rendre compétitives Exxon Mobil, GDF Suez, Unilever, et BMW qui sont présentes dans ton pays (2). Ici, les médias ont ordre d’annoncer que ta chute provoquerait une recrudescence de l’islamisme radical pour camoufler notre besoin d’hégémonie. La religion comme camouflet de l’économie, ça fait bonne recette. Mais à cause de ton peuple, les gauchistes du monde entier prennent les populations du Maghreb comme un exemple, et pensent à en faire de même…ce n’est pas bon du tout ça. »
- Hosni : « Si je quitte le pouvoir, ils seront contents, et on pourra assurer une relève souhaitable… »
- DSK : « Je ne t’apprendrai pas l’adage "Le roi est mort, vive le roi". Le libéralisme, c’est l’avenir. Les peuples ne s’en rendent pas compte. Je te rappelle en fin de semaine, mais j’ai des amis de la CIA et des banquiers qui sont prêts à gérer ton dossier. Les gens n’y verront que du feu. »
II/ Que se trame-t-il derrière ces révoltes acceptées par les puissances impérialistes ?
Il est vrai qu’un vent d’espoir souffle depuis mi-janvier aux portes de l’Europe capitaliste : l’Afrique du Nord montre à tous les peuples opprimés dans le joug néolibéral comment faire pour virer un dictateur. Même les médias impérialistes (Le figaro, Le Monde, Libération, L’Express etc, etc) se sont maintenant accordés pour scander haut et fort une halte contre les dictatures maghrébines, quand celles-ci étaient des régimes « modérés », du temps où ces « dictateurs » servaient les intérêts des élites occidentales. Un vent d’espoir pour nous autres. Mais qu’y aura-t-il après le Grand Soir du « monde arabe » ?
Une question : qui, quel organisme, quelles institutions ont intérêts à laisser l’armée fraterniser avec le peuple pour virer ces despotes, désormais jugés infréquentables ? Cela ressemble à un effet Saddam Hussein. L’Occident traite et signe des accords juteux avec les dictateurs pendant des décennies, et tout d’un coup, il les lâche, lorsque le citron est bien pressé. Lorsqu’il n’y a plus de business à faire. Ou lorsqu’ils servent d’appât médiatique à un autre business.
Les révolutions tunisienne et égyptienne portent un immense espoir à nombre de militants sous nos latitudes, celui que la rue peut gagner contre un pouvoir autoritaire, malgré un lourd prix à payer de centaines de morts. Une leçon que nous ferions bien d’apprendre pour l’appliquer. Mais les élites oligarchiques ont du tirer leur épingle du jeu depuis, en s’assurant que le chaos à venir, ou la fausse stabilité politique apportée par la future équipe politique leur perpétuera des profits colossaux.
Dans nombre de pays, (Venezuela, Bolivie, Viêt-Nam des années 1960, Cuba, l’Iran plus récemment, et bien d’autres), les révolutions anticapitalistes ayant réussi entraînent l’intervention militaire des États-Unis, ou bien leurs incursions diplomatiques agressives (financement des partis d’opposition, armement des groupes paramilitaires « d’autodéfense » d’extrême-droite, espionnage militaire, déstabilisation volontaire, voir invasions, guerres, et bombardements). Pourquoi les révolutions nord-africaines sont-elles, ce coup-ci, soutenues ?
Du moins, pourquoi laisse-t-on faire la rue ? Les pouvoirs économiques et politiques ont-ils une jouissance maladive du chaos, laissant sombrer leur barque par cupidité et par folie financière, voyant que la vente d’armes explose dans un pays instable politiquement ?
Dans un sens, croire que l’idéologie néolibérale est en train de vaciller est probable, mais dire qu’elle est morte serait une erreur : elle triomphera encore plus de ce brasier qui se déroule à deux-mille kilomètres de chez nous.
Cet art de cacher les ambitions derrière une illusion de changement démocratique, proféré à merveille par la verve intarissable des diplomates experts en théorie réaliste des relations internationales, est plus fort que les révolutions populaires, c’est le pilier central de l’Empire : on appelle ça la propagande.
J’ai le sentiment que cette Révolution n’en n’est pas une, et que l’on nous cache quelque chose. Comme d’habitude. Car il y a fort à penser que les élites capitalistes de la planète salivent abondamment de la démocratie libérale qui va succéder aux « anciens » régimes.
Samuel Moleaud
http://sam-articles.over-blog.com.