Les « béké », colonisateurs Blancs et les « pinzutti », continentaux et étrangers, sont tous deux accusés de privatiser l’accès aux plages, d’occuper les postes à responsabilité, et plus généralement d’exploiter les travailleurs autochtones.
Comme les Guadeloupéens, les Corses souffrent du manque d’intérêt « Si on parle de nous, c’est ou qu’il y a un attentat, ou que les grandes vacances approchent ! » s’énerve Simon P., gérant d’un bar sur l’Ile de Beauté.
Et comme les Guadeloupéens, les Corses luttent pour maintenir un pouvoir d’achat décent : Au classement du PIB par région, la Corse est… 22ème sur 22 !
Dans le quartier des Cannes, à Ajaccio, le seul et unique square a été transformé en décharge à ciel ouvert et dans les rues alentours, le contenu des caves vidées après les inondations de mai 2008 jonche encore les trottoirs. « Cet exemple illustre parfaitement notre quotidien ; l’argent public est utilisé pour les quartiers touristiques, pas pour nettoyer nos rues » explique Stella O., infirmière, en désignant le Casino et les immeubles flambants neufs du front de mer, destinés à la location saisonnière haut de gamme.
Le contraste est tout aussi saisissant en Haute-Corse, où la place Saint Nicolas et le port de plaisance de Bastia sont dignes des plus belles cartes postales, tandis que le quartier populaire de Lupino, en périphérie, est laissé aux mains de ses habitants. Leur dilemme : faire 25 minutes de marche à pieds pour accéder à un supermarché ou se fournir dans l’unique commerce de proximité où un simple paquet de pâtes avoisine les 2 Euros.
Les loyers, eux, n’ont rien à envier aux prix parisiens : « Je paye 1000 Euros mensuels pour un petit quatre pièces à rénover à Ajaccio. Je paye aussi les études de mon fils aîné, à la fac de Nice, puisque celle de Corte n’enseigne que le droit, et j’héberge ma grand-mère qui ne pouvait plus rester toute seule au village, où même ‘’le pain’’ (la boulangerie itinérante qui fait la tournée les hameaux) ne passe plus» raconte Stella O.
La solidarité entre les générations n’est pas un mythe en Corse, et si, grâce à elle, peu de personnes âgées sont SDF ou livrées à elles-mêmes, elles n’en sont pas moins démunies. La Corse détient en effet les tristes records du plus fort taux de pauvreté des plus de 65 ans (15%) mais aussi des moins de 17 ans (22%) d’après l’INSEE.
Sur l’année dernière, le taux de chômage a encore augmenté de 4%, d’après la DARES. Le site Corse-Economie se montre ainsi très pessimiste, expliquant qu’un dommage collatéral de la récession pourrait être le tassement du nombre de touristes en été 2009, privant l’île de sa principale source de revenus – problème qui concerne déjà la Guadeloupe : Hervé Novelli, secrétaire d’Etat au tourisme, a estimé à 10 millions les pertes dues aux voyages annulés.
« Traiter la Corse comme n’importe quelle autre région serait une grave erreur. Nous avons notre propre mode de consommation ! » explique Simon P. En effet, aux tables Corses, on trouve plus volontiers du Corsica-Cola que du Coca light, de la Pietra qu’une Heineken, de l’Orezza que du Perrier et de la pulenda que de la purée.
Et même si les femmes Corses sont friandes de grandes marques, (on y trouve du Sonia Rykiel plus facilement que du Leader Price) c’est souvent qu’elles sont achetées à crédit. Une robe simple, à 25 Euros sur le continent, se vend à minima 50 à 70 Euros rue Fesch à Ajaccio ! Interrogée, la vendeuse se justifie : « Oui c’est exactement la même robe, nous avons sûrement le même fournisseur.
Mais les frais de port explosent pour la Corse, c’est avion ou bateau obligatoire ! » Pas évident pour les commerçants de réaliser des bénéfices avec de telles charges, sans même parler des charges officieuses.
Jusqu’à récemment, les habitants de la Corse souffraient également de la non-concurrence : «Impossible de se dire ‘’poussons encore quelques kilomètres en voiture et allons en Belgique ou en Espagne faire nos courses ‘’, ou d’aller dans des magasins d’usine ou de déstockage : Il n’y en a pas ici ! Et aucun magasin hard discount à l’horizon… Les magasins en profitaient pour tirer les prix vers le haut» explique Stella O. C’est pourquoi 10 gérants d’hypermarchés et supermarchés Système U de toute la Corse ont préféré changer d’enseigne et se tourner vers Leclerc, réputé moins cher.
Faire ses courses alimentaires et non alimentaires aux mêmes prix que sur le continent, c’était une des attentes principales des Corses, qui ont l’impression d’avoir « plus de devoirs et moins de droits » que leurs concitoyens du continent !
Et des attentes légitimes, la région qui a voté le plus massivement pour Nicolas Sarkozy aux dernières élections présidentielles en a. A l’image de Simon P. qui, s’il rencontrait le président, n’aurait qu’une seule chose à lui dire : « Patti chjari amici cari » : les bons comptes font les bons amis.
Marlène Schiappa
Comme les Guadeloupéens, les Corses souffrent du manque d’intérêt « Si on parle de nous, c’est ou qu’il y a un attentat, ou que les grandes vacances approchent ! » s’énerve Simon P., gérant d’un bar sur l’Ile de Beauté.
Et comme les Guadeloupéens, les Corses luttent pour maintenir un pouvoir d’achat décent : Au classement du PIB par région, la Corse est… 22ème sur 22 !
Dans le quartier des Cannes, à Ajaccio, le seul et unique square a été transformé en décharge à ciel ouvert et dans les rues alentours, le contenu des caves vidées après les inondations de mai 2008 jonche encore les trottoirs. « Cet exemple illustre parfaitement notre quotidien ; l’argent public est utilisé pour les quartiers touristiques, pas pour nettoyer nos rues » explique Stella O., infirmière, en désignant le Casino et les immeubles flambants neufs du front de mer, destinés à la location saisonnière haut de gamme.
Le contraste est tout aussi saisissant en Haute-Corse, où la place Saint Nicolas et le port de plaisance de Bastia sont dignes des plus belles cartes postales, tandis que le quartier populaire de Lupino, en périphérie, est laissé aux mains de ses habitants. Leur dilemme : faire 25 minutes de marche à pieds pour accéder à un supermarché ou se fournir dans l’unique commerce de proximité où un simple paquet de pâtes avoisine les 2 Euros.
Les loyers, eux, n’ont rien à envier aux prix parisiens : « Je paye 1000 Euros mensuels pour un petit quatre pièces à rénover à Ajaccio. Je paye aussi les études de mon fils aîné, à la fac de Nice, puisque celle de Corte n’enseigne que le droit, et j’héberge ma grand-mère qui ne pouvait plus rester toute seule au village, où même ‘’le pain’’ (la boulangerie itinérante qui fait la tournée les hameaux) ne passe plus» raconte Stella O.
La solidarité entre les générations n’est pas un mythe en Corse, et si, grâce à elle, peu de personnes âgées sont SDF ou livrées à elles-mêmes, elles n’en sont pas moins démunies. La Corse détient en effet les tristes records du plus fort taux de pauvreté des plus de 65 ans (15%) mais aussi des moins de 17 ans (22%) d’après l’INSEE.
Sur l’année dernière, le taux de chômage a encore augmenté de 4%, d’après la DARES. Le site Corse-Economie se montre ainsi très pessimiste, expliquant qu’un dommage collatéral de la récession pourrait être le tassement du nombre de touristes en été 2009, privant l’île de sa principale source de revenus – problème qui concerne déjà la Guadeloupe : Hervé Novelli, secrétaire d’Etat au tourisme, a estimé à 10 millions les pertes dues aux voyages annulés.
« Traiter la Corse comme n’importe quelle autre région serait une grave erreur. Nous avons notre propre mode de consommation ! » explique Simon P. En effet, aux tables Corses, on trouve plus volontiers du Corsica-Cola que du Coca light, de la Pietra qu’une Heineken, de l’Orezza que du Perrier et de la pulenda que de la purée.
Et même si les femmes Corses sont friandes de grandes marques, (on y trouve du Sonia Rykiel plus facilement que du Leader Price) c’est souvent qu’elles sont achetées à crédit. Une robe simple, à 25 Euros sur le continent, se vend à minima 50 à 70 Euros rue Fesch à Ajaccio ! Interrogée, la vendeuse se justifie : « Oui c’est exactement la même robe, nous avons sûrement le même fournisseur.
Mais les frais de port explosent pour la Corse, c’est avion ou bateau obligatoire ! » Pas évident pour les commerçants de réaliser des bénéfices avec de telles charges, sans même parler des charges officieuses.
Jusqu’à récemment, les habitants de la Corse souffraient également de la non-concurrence : «Impossible de se dire ‘’poussons encore quelques kilomètres en voiture et allons en Belgique ou en Espagne faire nos courses ‘’, ou d’aller dans des magasins d’usine ou de déstockage : Il n’y en a pas ici ! Et aucun magasin hard discount à l’horizon… Les magasins en profitaient pour tirer les prix vers le haut» explique Stella O. C’est pourquoi 10 gérants d’hypermarchés et supermarchés Système U de toute la Corse ont préféré changer d’enseigne et se tourner vers Leclerc, réputé moins cher.
Faire ses courses alimentaires et non alimentaires aux mêmes prix que sur le continent, c’était une des attentes principales des Corses, qui ont l’impression d’avoir « plus de devoirs et moins de droits » que leurs concitoyens du continent !
Et des attentes légitimes, la région qui a voté le plus massivement pour Nicolas Sarkozy aux dernières élections présidentielles en a. A l’image de Simon P. qui, s’il rencontrait le président, n’aurait qu’une seule chose à lui dire : « Patti chjari amici cari » : les bons comptes font les bons amis.
Marlène Schiappa