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AUTOUR DE L’ABOLITION DE L’ESCLAVAGE Par Edouard de LÉPINE


Rédigé le Lundi 17 Mai 2010 à 16:14 |

De la Rédaction : Le 150e anniversaire de l’Abolition avait été l’occasion de grandioses manifestations, aussi bien du côté des anciennes colonies françaises qu’à l’initiative du Parlement et du gouvernement socialiste de Lionel Jospin. Edouard de Lépine a commis à cette occasion un petit ouvrage de vulgarisation des connaissances disponibles à l’époque, Dix semaines qui ébranlèrent la Martinique .


AUTOUR DE L’ABOLITION DE L’ESCLAVAGE Par Edouard de LÉPINE
Nous publions ici un extrait du dernier chapitre de ce livre.


« Il reste à espérer, écrivait-il en 1998, que le cent cinquantième anniversaire aura suffisamment titillé la curiosité intellectuelle de nos chercheurs et de nos étudiants pour donner un nouvel élan à la recherche même limitée à la Martinique. »

S’il est vrai que quelques ouvrages ont paru depuis qui ont parfois renouvelé notre approche de l’Abolition, il n’est pas sûr que nous ayons réussi à clarifier autant qu’il nous paraît souhaitable, la question des rapports avec l’ancienne puissance coloniale qui ont été largement déterminés par les circonstances de l’abolition dans notre pays, ni celle des relations entre descendants des maîtres et descendants des esclaves.

Dans ce domaine nous n’avons guère progressé. C’est d’ailleurs peut-être à ce niveau que se manifeste la principale séquelle de l’esclavage : notre irresponsabilité collective. C’est toujours les autres qui sont responsables de notre situation. Nous avons de ce point de vue trois diables à tout faire, les colonialistes français, les mulâtres et les békés.

Les trois diables du populisme

La responsabilité des colonialistes ne pose pas de problème. Nous sommes en général assez bien informés sur ce sujet. Ce ne sont pas les Africains qui ont choisi de venir comme esclaves aux Antilles. Les métropoles ont organisé, réglementé, protégé le trafic et ses bénéficiaires dans leurs colonies. Elles ont pendant longtemps minimisé leur responsabilité davantage par leur silence que par leur discours sur un trafic dont elles n’ont jamais été très fières. En édulcorant ou en ignorant carrément les réalités de l’esclavage dans les manuels scolaires elles ont empêché ou retardé la prise de conscience par leurs propres citoyens des horreurs du système.

Cette responsabilité des esclavagistes fait parfois oublier ou minimiser le courage de ceux qui au cœur même des métropoles esclavagistes s’y sont opposés, avec des moyens dérisoires au regard de ceux dont disposaient les maîtres, mais avec une détermination exemplaire. Après avoir pendant longtemps occupé les devants de la scène de l’histoire de l’esclavage, les abolitionnistes sont aujourd’hui relégués à l’arrière-plan quand ils ne sont pas purement et simplement jetés aux oubliettes.

C’est dire que l’accusation portée contre le colonialisme de nous avoir caché la vérité sur l’esclavage cent cinquante ans après l’abolition, est à certains égards puérile. Il suffisait et il suffit encore dans une large mesure de se plonger dans l’œuvre des abolitionnistes, notamment dans celle de Victor Schœlcher, pour nous éclairer sur l’essentiel.

La question est davantage de savoir pourquoi nous avons été si peu curieux d’une histoire qui nous était largement accessible, et, à nous Martiniquais peut-être un peu plus qu’à d’autres, parce que nous avons bénéficié très tôt d’un système éducatif bien plus développé que dans le reste de l’empire colonial français.

Mais le colonialisme a bon dos. Quand il refuse ou tarde à ouvrir des écoles, nous l’accusons de cultiver l’ignorance des colonisés. Quand il en ouvre, nous les soupçonnons de le faire avec l’arrière-pensée de nous abrutir. En sorte que nous ne sommes jamais responsables de rien ni de notre ignorance ni de notre savoir.

Des boucs émissaires tout trouvés : les mulâtres

Nous avons pour expliquer nos faiblesses des boucs émissaires tout trouvés : ce sont les mulâtres. Encore qu’il soit difficile de distinguer physiquement un mulâtre populiste d’un mulâtre assimilé, dans l’imaginaire populiste, à la Martinique, le mulâtre, à sa naissance, porte au front les signes distinctifs de la trahison : un porte-plume et un bâton de craie disposés en T sur un livre déchiré. Ces trois symboles conduisent infailliblement le peuple à l’assimilation et ses éléments les plus résistants au Seuil, chez Gallimard et chez Pivot.

Reste à expliquer que ce soit précisément parmi les gens qui ont reçu un minimum de formation supérieure que se recrutent les éléments les plus avancés du national populisme.

On notera que le seul mulâtre qui trouve grâce à leurs yeux c’est Bissette… le défenseur de l’honneur des mulâtres et des mulâtresses… contre Victor Schœlcher.

Le « martyr malgré lui » qui laissait l'enterrement de sa mère pour se porter au premier rang des défenseurs de l’ordre esclavagiste contre les esclaves du Carbet révoltés , en 1822, qui a mené un combat courageux pour l’abolition, sous la Monarchie de Juillet, mais qui passait, sans état d’âme, de la dénonciation véhémente des colons, à la veille de l’abolition, au banquet de la réconciliation de Sainte-Marie, au lendemain même de l’abolition, avec ceux qui l’avaient condamné au bagne pour avoir lu une brochure anticonformiste en 1824, semble promis à une seconde carrière de père du national populisme après avoir été celui de la conciliation et même de la fusion.

Ce qui prouve, soit dit en passant, que les mulâtres n’appartenaient pas tous au parti schœlchériste, principal vecteur, aux yeux du national populisme, de l’idéologie assimilationniste. C’est dire combien nos propres contradictions sont encore fortes un siècle et demi après l’abolition, non par la faute des autres mais parce que nous n’avons pas su aborder jusqu’à maintenant ces questions avec toute la sérénité et la hauteur de vues nécessaires sur un tel sujet.

Sans entrer dans les détails du procès fort injuste fait aux mulâtres martiniquais qui n’ont mérité ni l’indignité dont on les a souvent accablés ni l’excès d’honneur qu’ils se sont parfois octroyés, il faudra bien pourtant que les Martiniquais, et tout particulièrement ceux qui se disent nationalistes, finissent par admettre qu’un projet nationaliste cohérent peut difficilement commencer par l’exclusion d’une parcelle quelconque des forces vives de la nation.

Enseigner que les mulâtres ont court-circuité les nègres en mai 1848, puis imposé à l’histoire de la Martinique un cours assimilationniste, est une vue de l’esprit que rien en l’état actuel de la recherche ne permet de confirmer. Il est certain en revanche que le rôle des hommes de couleur libres, qui ne comptaient pas que des mulâtres, a été déterminant aussi bien dans les semaines qui ont précédé l’abolition que pendant le soulèvement du 22 mai et après l’abolition, notamment au cours des années 1880.

Extrait de i[Dix semaines qui ébranlèrent la Martinique .
]i






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